"La peinture on croit la tenir, on n'y arrive jamais, et d'ailleurs elle est mouvante" affirmait Paul Cézanne. Ces paroles, qui sonnent juste dans son histoire personnelle, prennent toute leur valeur en cette année du centenaire de sa mort. Aux Baux de Provence on peut visiter jusqu'au 7 janvier 2007 une exposition très particulière. L'impression de fraîcheur est première dans cette ancienne carrière souterraine de 4000 m2 où règne une température de 15°. La musique vous prend à son tour, tandis que les Couleurs Cézanne projetées sur les murs de cette moderne caverne de Platon imprègnent lentement votre rétine. A l'abri de la canicule, vous apprenez à redécouvrir le Père de la peinture contemporaine. Bien sûr il vous faudra voir les toiles natives pour acquérir l'apesanteur nécessaire à la libre inspiration. Ici, la roche, avec ses fêlures, son passé, sa force intérieure, joue à détourner les projections, sortes d'économiseurs d'écran démesurés au mouvement large et répétitif. Les couleurs, dans leur nouvel emploi, s'approchent puis s'estompent. Le lieu  - y compris les plafonds - est habillé (habité ?) par Cézanne. Emparez-vous de ce délire même si vous ne savez pas où donner du regard. Lisez les graffiti des anciens mineurs. Ils fournissent au spectacle des légendes dignes d'un tel événement. Que diable, les pierres revivent en ce lieu nommé le val d'Enfer, où Cocteau a tourné Le Testament d'Orphée.Un nu gigantesque s'enfuit au cœur de la pierre. Les Grandes baigneuses se font complices de l'intemporel. Les Joueurs de cartes et le Château noir sont de la fête. La Sainte-Victoire est à son aise dans les entrailles de la Terre. L'ivresse du souvenir s'estompera peut-être sous l'effet des véritables toiles. A vendredi pour en savoir plus. D'ici là le gardien aura visité, à Aix-en-Provence, l'exposition du musée Granet.