Chronique d'une catastrophe annoncée

Maintenant que je suis vieux comme l'arbre du temps, je veux me ressouvenir de ce qui m'a porté jusqu'à l'universel. Je vis, sans attribut, dans l'ultime conscience et la catabase, loin de tout catabolisme, débarrassé des idéaux, des peines et des victoires. Mon passage vers ce nouvel état s'est fait un jour d'orage, à grands renforts de catacaustiques et de reflets irisés. Loin de moi la catachrèse, la langue de bois, le silence biaisé. Un cataclysme m'a conduit, ce jour là, à devenir ce que je suis. En mal de vérité, j'arpentais l'île de Sérendip lorsqu'un éclair me fit entrevoir l'entrée des catacombes. Je me précipitai vers cette aire improbable, sans savoir que l'enfer y avait ses habitudes. D'emblée le visiteur se trouvait confronté aux lois de la catacoustique. On se prenait à compter les poissons catadromes et les innombrables catadioptres qui permettaient de voir sans effort dans cette nuit de la terre. On entendait des plaintes, on voulait en découvrir la cause et, peu à peu, on se mettait à regretter de s'être aventuré si loin.

On passait alors près d'un catafalque, où, curieusement, on pouvait lire ses propres initiales. On marchait comme pour un deuil, en se demandant si ce lieu était sur notre chemin par hasard ou bien s'il attendait depuis toujours les représentants de l'espèce humaine. Bientôt, la catagénèse se mettait en marche. Quelque cataglottisme venait alors à l'esprit. Face aux mystères de l'antre secrète il devenait parfois insistant. Amplificateurs sonores, embrasements colorés, sensations tactiles nées du simple frôlement de l'air ambiant : les chauves-souris n'étaient pas les seules occupantes de ce territoire perdu. Dans le doute on cherchait à se souvenir de ses leçons de catagmatique car une chute était toujours possible. À défaut on convoquait les fantômes afin que la peur ancestrale ne laissât aucune place à la peur réelle. Tout était hostile en ce milieu dont on se demandait s'il était naturel ou préparé à notre intention. On avait peur de découvrir l'interdit et cette vulnérabilité était l'occasion d'un nouveau pincement des lèvres. On avait beau posséder un savoir universel – du moins le croyait-on - allant de bribes de catalan à l'action de la catalase, on n'en était pas moins soumis à un devoir de prudence. Les murs de la caverne, sans cesse balayés d'images vives, inspiraient à eux seuls toute la poésie du monde. Qu'elle fût en vers catalectiques ou prose incendiaire, c'était sans conséquence, on voulait seulement éviter la catalepsie. Commençait alors le catalogue scientifique le plus débridé, le plus hétéroclite, le plus imaginatif. Tout y passait : de la classification des catalpas et des catalufas au discours de quelque académicien sur la catalyse, en passant par l'architecture prodigieuse des catamarans ou le rythme cataménial des baleines. Nous revenait alors en mémoire l'histoire d'un héroïque catapan couvert de catapasme qui collectionnait les plantes catapétales. On s'interrogeait sur sa propre destinée : la cataphasie n'était pas loin. On faisait le vœu de n'employer dans son langage que des termes cataphatiques et l'on niait pour toujours avoir eu une existence terrestre.

Tout en parcourant cet étrange bric-à-brac on se prenait à réviser malgré soi les principes de la cataphonique. On se demandait si l'on n'était pas en état de cataphora. On hésitait parfois entre la cataphore et la cataphorèse, dont les échos avaient quelque chose de flou au milieu du bruit que faisait notre cœur en exil. On regrettait parfois de ne pas avoir de flambeau pour le cas où l'on rencontrerait un monstre dans cet univers d'ombres et de contours. Parfois l'on butait sur une cataphracte rouillée. On s'attendait à rencontrer des cataphrygiens en survie. On se prenait à regretter le temps des cataplasmes, lesquels étaient prompts, par leur brûlure et leur senteur de lin, à réveiller les morts. La cataplexie et la cataptose guettaient celui qui marchait ainsi en attente du pire et qui n'avait aucune notion sur la manière de l'éviter.

On se faufilait dans ce grenier troglodyte en passant à côté d'une catapuce, d'une catapulte, d'un symbole oublié. Soudain un grondement de cataracte faisait penser que des catarhiniens avaient vécu en des temps reculés dans ce repaire du diable. On frissonnait en se demandant s'il s'agissait d'un début de catarrhe, on se tordait les chevilles en espérant ne pas avoir à subir de catartisme ni à poser ses pieds sur quelque braise mal éteinte.

Quand une lumière surnaturelle parvenait enfin jusqu'à nous, quand arrivait le moment de la catastase, on sortait de ce cauchemar les yeux ouverts. On attendait l'heure des étoiles pour observer le ciel, afin de ne pas subir la brûlure du soleil au plus vif de la rétine. On levait alors la tête à la recherche des catastérismes. Renonçant à la catathymie, on se prenait à faire des projets de retour. Puis, quand on réalisait que les étoiles ne viendraient jamais et que le monde des hommes était toujours aussi effrayant, on entrait sans regret dans l'éternelle catatonie.

C'est depuis ce monde immobile que je vous parle.

[Pour TracesÉcrites, qui a suggéré ce mot.]

Flèche Cette nouvelle est animale, stupide, ontologique et capillotractée. Elle comporte des mots qui appartiennent aux siècles passés et d'autres encore en usage. Quelle est son autre caractéristique (évidente quand on l'a trouvée) ? La première personne qui fournira la solution aura droit à un billet du gardien sur le thème de son pseudonyme. {La solution a été fournie par Joël, qui a, en fait, signé Exploit}

Flèche La figure de style utilisée ici est l'homéoarchton.