J'suis dans la dèche

    Le ciel est bas morne, insipide
    Et rien ne brille au firmament
    Sur le boulevard d'un pas rapide
    Les gens passent indifférents
    Et moi, je vais la tête vide
    Tremblant de froid
    Les membres lourds
    Courbant le dos, le front livide
    Et mon cœur frappe
    A grands coups sourds.

    J'suis dans la dèche
    Je n'en peux plus
    J'voudrais dormir
    J'ai même plus d'crèche
    J'ai l'cœur tout vide
    Les mains toutes rêches
    J'suis dans la dèche
    Je n'en peux plus
    J'ose pas rester dans la lumière
    Les gens me r'gardent d'un air curieux
    Et dans le brouillard, les réverbères
    Rigolent de tous leurs petits yeux
    Faut l'habitude de la mistoufle
    Ça s'apprend pas comme ça,
    D'un coup
    J'ai peur du bruit, du vent qui souffle
    J'ai peur des hommes
    J'ai peur de tout

    J'suis dans la dèche
    Je n'en peux plus
    J'voudrais dormir
    J'ai même plus de crèche
    J'ai l'cœur tout vide
    Les mains toutes rêches
    J'suis dans la dèche
    Je n'en peux plus
    J' m'arrête un peu, les jambes lourdes
    Un homme approche,
    Comme il fait noir
    J'ose tendre la main
    Ah, que j'suis gourde
    Il m'prend pour une fille de trottoir
    Et dans la nuit je pars maudite
    Sans savoir où mènent mes pas
    La rage au cœur, je vais plus vite
    Tiens l'eau qui coule, là tout en bas

    Elle clapote
    Tout doux, tout doux
    Ça cogne là dans ma peau, caboche
    Hop !
    Dans la flotte !
    Qu'est-ce que ça fout ?

[Chanson du répertoire de Damia (1937), reprise en 2002 par Patrick Bruel. Paroles de Raymond Asso et Micha Lukinel. Musique de Léo Poll.]


Pochette damia
Marie-Louise Damien, dite Damia (1889-1978) était une chanteuse de café-concert (le « caf’ conc’ », comme on disait à l’époque). Bien avant Édith Piaf et Juliette Gréco, elle imposa sa silhouette en fourreau noir, sa voix sensuelle et faubourienne, ses chansons réalistes qui la firent surnommer "la tragédienne de la chanson". Elle fut également la première interprète à utiliser la lumière comme élément de mise en scène. Je me souviens l’avoir vue à la télévision au cours des années 50.

[Pour Dolgo]