La femme: Loin de moi l'idée de vous plaire. Je veux seulement réduire la part des choses. Qui me désire m'arrache à la lumière. Qui me séduit invente le regard.

Un diable, vêtu de rouge comme dans le monde réel, fait son apparition.

Le diable (il chante):


Je suis le poète improbable
L'instinct maudit
Aimé du feu
Et des orages

Il tourne la tête et découvre la Vérité.

Le diable (jetant un coup d’œil circulaire): Vous ici, alors qu'il fait si froid dans ce crâne ! (Il ouvre sa cape rouge d'un geste large). Puis-je vous offrir de quoi vous réchauffer? A l'heure où tout disparaît, même le temps, le matin est un prétexte, le soir une solitude. Que l'éternité vous donne asile en mon nom !

La Vérité: Je préfère vivre loin de mes amants. Car je sais faire l'amour debout contre le vent, plus nue que le soleil, en retenant mes larmes et mes cris. Balayer les paysages jusqu'à nourrir l'horizon. Aimer qui me regarde. En un mot je suis moi-même, sans autre prétention que le silence. Pour m'avoir dans ses bras il suffit de penser très fort. Il n'est pas nécessaire de me promettre la vie.

Le diable: J'aurai le dernier mot. Que l'ombre vous porte jusqu'au crime et se réjouisse de vos plaintes. Si au moins vous étiez transparente. Si seulement vous vous appeliez Tentation ...

Le diable s'en va. La Vérité, d'un geste lent et irréel, lève lentement les bras et referme les paupières du théâtre. L'enfant de chœur est maintenant un adulte sans regard, et qui ne sait plus quoi faire de sa fragilité. Personne n'applaudit, il est trop tard.


[Retrouvez ce billet dans L'Almanach 2009 du Garde-mots]