Subsidiarité
Par le gardien le jeudi 15 décembre 2005, 00:02 - Singumots - Lien permanent
Il s'agit, à l'origine, d'un terme religieux, né après la publication de l'encyclique Quadragesimo anno sur la restauration de l’ordre social (1931). Le pape Pie XI y écrit, à propos de la réforme des institutions et des rapports que les individus entretiennent avec l'état : "De même qu'on ne peut enlever aux particuliers, pour les transférer à la communauté, les attributions dont ils sont capables de s'acquitter de leur seule initiative et par leurs propres moyens, ainsi ce serait commettre une injustice, en même temps que troubler d'une manière très dommageable l'ordre social, que de retirer aux groupements d'ordre inférieur, pour les confier à une collectivité plus vaste et d'un rang plus élevé, les fonctions qu'ils sont en mesure de remplir eux-mêmes." Depuis ce texte, la référence au principe de subsidiarité est une constante dans l'enseignement de l'Église.
La subsidiarité est devenue, par la suite, un concept-clé de la construction européenne. Depuis le traité de Maastricht l'Union Européenne n'intervient, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, que dans la mesure où un objectif ne peut être réalisé de manière suffisante par les États-membres. C'est le fondement du fédéralisme.
Le gardien, auquel les grandes questions de ce monde ne font pas peur, se permet d'ajouter qu'identifier un niveau n'équivaut pas à clarifier ses attributions. Ce principe, apparemment très généreux, qui est censé permettre de prendre des décisions aussi proches que possible des citoyens, constitue une source de controverses, voire de conflits politiques majeurs. Il n'est pas toujours facile d'apprécier si l'action des États-membres est conforme à la réglementation. Ils peuvent vouloir légiférer dans un domaine que la Commission européenne estime de son ressort. Le principe de subsidiarité énonce une hiérarchie de compétences mais ne dit pas comment les répartir. On peut s'interroger également sur les rapports du principe de subsidiarité avec la notion de démocratie.
Commentaires
Ce principe est concluant dans un système qui va se généraliser, celui de la jurisprudence. Problématique en France intra-muros, il s'avère efficace dans la jurisprudence qui vit des expériences acquises.
Merci pour votre message.
Il y a une façon d'envisager la subsidiarité indépendante de toute structure hiérarchique préexistante.
Elle consiste à partir de la réalité, à savoir, d'une part, de l'ignorance de chacun sur la réalité où il vit et dont il est élément et, d'autre part, de l'association éventuelle des bonnes volontés.
A défaut d'avoir la capacité de mener seul une action , on espère que, par association avec autrui, on pourra la mener.
Bien évidemment, l'association - éventuellement personnalisée - qui en résulte ne saurait avoir la prétention d'exercer la moindre contrainte sur les associés.
Maintenant, à défaut que, seul ou dans une association - où on se situe -, on ait la capacité de mener seule une action, on espère que, par association d'un autre type avec une autre association, on pourra la mener.
Bien évidemment, ce niveau d'association du deuxième type - éventuellement personnalisée - ne saurait avoir la prétention d'exercer la moindre autorité sur les "associés du deuxième type" et a fortiori les "associés du premier type".
Et ainsi de suite pour une "association du troisième type" sans autorité, du quatrième... sans autorité, etc.
Le principe de subsidiarité apparaît alors comme un principe de réduction progressive espérée des obstacles à l'action humaine ou du coût de l'action dans un monde d'ignorance, i.e. dans la réalité.
Cette explication télescope l'explication que vous donnez à juste titre.
Et des politiques ont essayé d'en tirer parti en jouant sur les deux pour se faire accorder de l'autorité, du "pouvoir".
Autant la réalité est peut-être une structure - organisation rigide - hiérarchisée avec une autorité à son sommet que nous ignorons en partie, autant l'Union européenne ne saurait être une telle organisation, sauf dans la tête de certains.
Merci encore
n'est -il pas possible pour un citoyen européen (ou pour son avocat) de contester la compétence d'un tribunal local auprès de la cour de justice européenne ?
Bonsoir Gardien.
Dans un texte concernant la recherche génétique et les brevets, J’avais lu ce terme "subsidiarité" mais pas parfaitement compris son sens. C’est maintenant plus clair. Merci.
Je cite : "Les chercheurs découvrent les gènes de l’obésité, du cancer, de la schizophrénie, du sport, de l’intelligence, de l’alcoolisme, de l’autisme, de la vieillesse, etc. Soigner requiert de breveter les gènes. Le principe de subsidiarité veut que l’Union ne fasse pas ce que les Etats font. Mais avec l’industrie privée, il semble que le principe soit celui des subsides".
A bientôt. xuan-lay
Question subsidiaire:
Le principe de subsidiarité ne serait-il pas une perversion de la délégation des pouvoirs?
"Nous ne voulons pas déléguer nos pouvoirs; à vous de prouver que vous pouvez agir seuls" !
Les bureaucrates de la Commission de Bruxelles ou d'ailleurs ont la démarche perverse qui consiste à confondre subsidiarité et délégation des pouvoirs.
La subsidiarité est l'opposé de la délégation de pouvoir.
Dans une hiérarchie reconnue constituée - bureaucratie -, l'échelon de pouvoir supérieur peut déléguer une partie de ses pouvoirs à un échelon inférieur. Cela n'est pas de la subsidiarité.
Des êtres humains délèguent contractuellement - et donc pour une période de temps convenue, le cas échéant interrompable ad nutum - des pouvoirs dont ils disposent individuellement, à une association qu'ils constituent pour l'occasion, à un représentant de celle-ci qu'ils nomment, c'est de la subsidiarité.
La subsidiarité contre la souveraineté et la raison d'état; ou comment un étudiant de master de droit public cherche a concilier l'inconciliable. Le maître garde les mots, pièces d'alchimiste, un petit coup de pouce pour la synthèse si vos esprits sont d'humeur; merci; et merci.
Pour reprendre le commentaire de Georges, je n'irais pas aussi loin que lui en disant que Subsidiarité et Délégation s'opposent, même s'il indique bien en quoi la délégation n'est pas subsidiarité.
La subsidiarité n'est pas une 'théorie' utilitariste comme Kazo le suggère mais la conséquence d'une anthropologie humaine. Elle est une conséquence de l'infinie Dignité de l'Homme et de sa vocation à agir librement sur le Monde vers un Bien Commun. La subsidiarité n'est donc pas justifiée par une efficacité économique qu'il reste à démontrer sérieusement, mais par la conviction que servir la Justice est un critère supérieur à celui d'efficacité économique.
Intention généreuse et louable, mais il ne faut pas oublier la real-politique...
Venant de découvrir à la date du 11 novembre 2009, le mot subsidiarité, j'ajouterais que ce terme est également utilisé en matière de droit social (c'est la rédactrice en gestion du cabinet qui se réveille !). Il exprime, comme en matière de fédéralisme et politique, ainsi que vous le précisez, le caractère subsidiaire d'un droit par rapport à un autre.
Ainsi, en sécurité sociale, après un décès ou un divorce, le droit aux prestations en nature est maintenu pour l'ayant droit de l'assuré, pendant une certaine période, mais cette prérogative est subsidiaire par rapport à la couverture obligatoire susceptible de lui être accordée ultérieurement à un autre titre. Ex : l'intéressé(e) retrouve une activité professionnelle ou se remarie. La prise en charge qui lui était consentie à titre subsidiaire s'efface devant celle qui lui est désormais applicable automatiquement. C'est, là encore, le principe de subsidiarité.
Merci pour cette précision technique qui fournit indiscutablement une information importante.