Vu sur l'A7
Par le gardien le vendredi 8 août 2008, 00:00 - Gardimots - Lien permanent
Je vous épargne la partie droite de la scène, où l'on voit une voiture en accordéon et un conducteur décapité. Totalement débile ou Totalement burlesque ? À vous de décider.
Commentaires
Groucho, Harpo, Charlot… cherchez l'intrus !
Réaction tardive mais bon, on fait ce que l'on peut...
Pour bien répondre à la question j'ai regardé la définition de débile: des synonymes possibles sont faible, fragile voire con.
Je pense que pour pouvoir créer de l'absurde il faut être avant tout un peu dérangé, loufoque mais surtout hypersensible. Ceci convient alors à la définition de débile. Pour mettre en scène une telle photo, il faut être un peu tordu, avoir été marqué par des scènes comme celle-là. Il faut avoir été horrifié du spectacle, de l'engouement procuré par un accident meurtrier, il faut se demander pourquoi, au fond, une telle fascination pour le morbide. Comme si tout un chacun était ravi au plus au point de voir quelque chose de sordide, pour pouvoir se mettre en avant, se rendre intéressant aux yeux des autres en décrivant la scène. Cette photo est totalement débile, elle montre la fragilité psychologique de l'Homme friand de telles scènes, et pour moi ça lui acquiert le droit d'être qualifiée de totalement absurde. Aujourd'hui, avec le théâtre de l'absurde, on a tendance à assimiler l'absurde avec une dénonciation des travers de notre société, ce qui renforce pour moi la notion d'absurdité de cette photo.
Pour moi l'absurdité de cette sculpture est, avant tout, de la placer sur une station service, sous les yeux des gens qui vont reprendre le volant.
Il n'y avait pas meilleur endroit où la placer qu'au bord de la route. Ça démontre aussi que l'art peut être utile, ici en interpelant des meurtriers ou victimes potentiels.
L'art passe et les images demeurent: pour ceux qui ont "pratiqué" la RN7 ("il faut la prendre qu'on aille à Rome, à Sète") au tournant des années 50/60, c'est à ce spectacle en vrai qu'il fallait avoir assisté avant de mériter le bouchon de Montélimar. Mais les platanes sur les côtés opéraient aussi leur sélection naturelle.
Souvenir personnel remontant à 1965. Je vais à Paris par la RN 7 avec un copain qui possède une 2 CV Citroën. Bien entendu des voitures plus puissantes nous doublent en grand nombre. Mon copain, qui le supporte mal, profite des tournants, et donc du ralentissement de ses "concurrents", pour les doubler à son tour.
Les 2CV aimaient dépasser à la descente (pour combler les frustrations), avec le risque de décoller suivant la vitesse et la pente ou que les freins ne répondent plus. Ah! et les diesels qui faisaient procession d'escargots enfumés à la moindre pente, les durites qui lâchaient, les radiateurs qui crevaient: une époque épique, je vous dis.
Plus jeune, j'habitais à Orange, ville par où passe la RN7. Pour aller à l'école je traversais tous les matins cette route, plutôt dangereuse.
Ah non, mes souvenirs m'ont trahi, ce n'était pas la RN7, qui soit dit en passant ne traverse pas orange et ne supporte pas de passage piéton. La RN7 je la prenais juste pour partir en weekend, la chaleur étouffante à l'arrière de la voiture, une R5, sans climatisation évidemment.
Si nous vivions une époque dangereuse, nous prenions au moins le temps de vivre: nougat à Montélimar ou photo du Pont en Avignon. Et puisque vous en parlez, nuit à Orange parce qu'on allait sur la Costa Brava en deux jours.
Il y a quelques années, mon fils et moi roulions comme des fusées sur l'A7, et comme ce garçon habite en Hollande et qu'il connaît pourtant la célèbre chanson (en français dans le texte), je lui propose de sortir de l'autoroute et d'aller voir le pont d'Avignon; il me répond: "On n'a pas le temps".