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Dans son autobiographie à l'écriture simple et sensible, Jacques Lusseyran accepte sa cécité, survenue au cours d'une bousculade en classe à l'âge de huit ans. Il va jusqu'a en bénir l'extravagance et à refuser les chemins balisés de compassion que la société lui assigne. C'est ainsi qu'il découvre la lumière intérieure, la chaleur de l'ombre, la joie, la beauté du monde.

Dans ce qu'il est convenu d'appeler sa « nuit » et qui n'en est pas une, les couleurs sont à la fête. L'Esprit le dédommage en lumière, en sons, en odeurs, en formes réelles, presque palpables. Les synesthésies l'aident à saisir ce qui l'entoure, à être en harmonie avec sa vie intérieure et à s'y mouvoir plus facilement que nous ne l'aurions imaginé.

Voici qu'en 1940 une implication totale dans la Résistance le plonge dans l'enfer de Buchenwald. Aussi incroyable que cela puisse paraître, dans ce camp où la mort est une anecdote à peine remarquable tant elle se décline au quotidien,  la maladie le sauve de la peur et donc de sa propre mort.

Le livre s'arrête en 1945, au seuil de sa vie d'adulte. Il a vingt-et-un ans et une belle carrière universitaire devant lui. Il ne lui reste en fait que vingt-six ans à vivre : un  accident de voiture le fera disparaître, le privant - nous privant à jamais - de la carrière littéraire à laquelle il était, à l'évidence destiné.

* Jacques Lusseyran. Et la lumière fut. Collection Résistance/Liberté/Mémoire (1953), Réédition : septembre 2009. Éditions du Félin.