Ce mot nous vient de la Grèce antique. Le sukophantês fut d'abord le dénonciateur des voleurs de figues (du grec sûkon, figue et phainen, faire voir). Puis il désigna, à Athènes notamment, celui qui formulait une accusation lorsqu'il jugeait qu’une injustice avait été commise. Il n'y avait pas de procureur et son acte était nécessaire au bon fonctionnement de la démocratie. La dénonciation permettait de rétablir l’harmonie, la paix et la concorde dans le corps civique. Elle était indissociable des principes d’une société de confiance, par opposition à l’idéal de transparence qui caractérise les démocraties contemporaines. Le terme finit par s'appliquer plus spécialement aux citoyens qui faisaient un usage abusif, voire professionnel, de l'accusation publique. Ils dénonçaient les citoyens riches afin d'obtenir une part de leurs biens. Hypocrites et fourbes, ils étaient des propagateurs de rumeur et des voleurs par procuration.

Notre sensibilité est à juste titre heurtée par de telles pratiques. On ne peut s'empêcher de penser, en écho, aux dénonciations abusives de notre époque, notamment à celles qui eurent lieu pendant la guerre de 39-45. Un trop beau mot pour un sale boulot.

[mot proposé par Joël, qui ajoute: "C'est une merveille qu'il soit resté dans le Larousse. Il pourrait reprendre du service avec tous ces gens qui font des procès pour un oui et pour un non dans le but d'en tirer quelques sous, kopecks, roupies, deniers, pécules et autres thunes."]

[Retrouvez ce billet dans
L'Almanach 2010 du Garde-mots
]