Voici un jeu à l'épreuve du temps et auquel le gardien jouait pendant son enfance.

- Préparer autant de poêles (ou de casseroles) qu'il y a de participants.

- Enduire de suie le dessous (la surface plane extérieure) de chaque poêle sauf une, que le meneur de jeu garde discrètement pour lui-même.

- Remettre les poêles enduites de suie aux participants en leur demandant de les tenir fermement par la queue et bien droit.

- Demander aux participants de faire face au meneur de jeu, d'étudier ses gestes et de les imiter. Ils ne doivent pas remarquer que leur instrument a subi une préparation.

- Afin de détourner l'attention, commencer par des gestes simples: casser un œuf dans la poêle, verser une goutte d'huile, etc.

- Au moment opportun le meneur de jeu frotte le dessous de la poêle avec sa main libre, puis la passe sur son visage comme s'il se maquillait. Comme sa poêle est normale les participants ne remarquent rien.

- Tout en gardant son sang froid il demande alors aux participants de se tourner les uns vers les autres et de regarder.

- Fou-rire garanti pour cette farce de fumiste.

Poêles

Pour se faire pardonner le gardien vous invite à apprécier ce texte de Baudelaire intitulé Le joujou du pauvre, où la fuliginosité et la blancheur jouent un rôle social assez surprenant.

Sur une route, derrière la grille d'un vaste jardin, au bout duquel apparaissait la blancheur d'un joli château frappé par le soleil, se tenait un enfant beau et frais, habillé de ces vêtements de campagne si pleins de coquetterie. Le luxe, l'insouciance et le spectacle habituel de la richesse rendent ces enfants-là si jolis, qu'on les croirait faits d'une autre pâte que les enfants de la médiocrité ou de la pauvreté. A côté de lui gisait sur l'herbe un joujou splendide, aussi frais que son maître, verni, doré, vêtu d'une robe pourpre, et couvert de plumets et de verroteries. Mais l'enfant ne s'occupait pas de son joujou préféré, et voici ce qu'il regardait: de l'autre côté de la grille, sur la route, entre les chardons et les orties, il y avait un autre enfant, sale, chétif, fuligineux, un de ces marmots-parias dont un œil impartial découvrirait la beauté, si, comme l’œil du connaisseur devine une peinture idéale sous un vernis de carrossier, il le nettoyait de la répugnante patine de la misère. A travers ces barreaux symboliques séparant deux mondes, la grande route et le château, l'enfant pauvre montrait à l'enfant riche son propre joujou, que celui-ci examinait avidement comme un objet rare et inconnu. Or, ce joujou, que le petit souillon agaçait, agitait et secouait dans une boîte grillée, c'était un rat vivant ! Les parents, par économie sans doute, avaient tiré le joujou de la vie elle-même. Et les deux enfants se riaient l'un à l'autre fraternellement, avec des dents d'une égale blancheur.

[mot demandé par Gaelyc qui ajoute: "Je ne vois pas cet adjectif, si joli pourtant, que j'ai découvert la nuit dernière dans une lecture et dont la prononciation me chatouille."]