Hubris
Par le gardien le mardi 24 janvier 2006, 00:02 - Singumots - Lien permanent
Thème fréquent dans la mythologie et la tragédie grecques : c'est la fureur guerrière d'Achille, l'incroyable audace de Prométhée qui dérobe le feu des Dieux pour le donner aux hommes ; Tantale qui vole aux Dieux le nectar et l'ambroisie ; Minos, qui offre au dieu de la mer, Poséidon, une bête vulgaire au lieu du taureau blanc réclamé ; Atrée, qui tue ses neveux, les fait cuire, et donne à manger les restes à son frère.
Appliqué à notre époque, le terme peut faire penser à la place inconsidérée que nous avons prise dans l'univers, à Gargantua, à l'économie galopante et qui fait fi de la morale commune, aux mégalopoles, à la Très Grande Bibliothèque, aux délires de Coluche et de Jean-Marie Bigard, aux sensations extrêmes des parcs d'attraction, au montant du Loto, à l'hyperactivité du gardien.
Commentaires
Bonsoir,
Est-ce un nom ? Masculin ? Féminin ? Pouvez-vous donner des exemples ?
Ce mot a l'air de s'appliquer pour les policiers et les juges de l'affaire d'Outreau, comment l'utiliser ?
Merci
Voici un bel échange sur l'hubris.
En revanche je n'ai pas réussi à trouver le genre avec certitude.
Mais c'est l'exacte définition de mon égo que vous venez de faire !
Y a-t-il un adjectif dérivé de ce nom ? Il me semble fort adapté comme épithète pour qualifier certains états-drames... Ah, fruits de la passion ! Ah, raisins de la colère ! Ô émotions...
A part "excessif" et "outrancier", je ne vois pas. "Hybride" a non seulement une définition sans rapport avec l'hubris, mais son étymologie est différente. Cet adjectif vient du latin ibrida, bâtard, et s'écrit "hybride" uniquement par contamination orthographique.
Je suis de ton avis. Nous jouons les apprentis-sorciers. Nous voulons être califes à la place du Calife. C'est ainsi que sont nées de grandes choses, certes, mais aussi la bombe nucléaire, les OGM, les bidonvilles, les kamikazes, l'esclavage, la drogue, les génocides.
Ce n'est pas par hasard que tu cites la némésis. Dans la culture grecque la némésis, c'était la colère et la vengeance divine en réponse à l'hubris.
Cette définition me fait penser à l'Ajax de Sophocle. J'ai bon ou pas?
Huhuh! J'ai retrouvé dans mes archives cette brillante parole attribuée à Alice, de Nice:
"Sale hubris, ça farte??"
ça va comme exemple, non?
Oui la fureur d'Ajax est bien un exemple d'hubris.
Je l'ai ien connu cet Hu-Brice de Nice, un brave type mais le film un peu cucul-te, à mon avice.
Prononce "brail-ce" de "nail-ce", peut-être que le film sera meilleur ??
OK merci. Mais c'est masculin ou féminin ? Je ne sais pas, je l'aurais plutôt vu masculin, une idée en l'air.
Le grec ancien « hybris » était un féminin. Comme en français c'est un mot importé tel quel, il n'y a pas de raison d'en modifier le genre.
Il est probablement dérivé de la préposition grecque « hyper ».
est-ce que l'on peut dire que l'hubris a desservi Oedipe ou que l'hubris a provoqué sa perte ? Si tel était le cas, ne doit-on pas imputer ce "crime" plutôt à Laîos ?
pour répondre à Hélène qui demande le genre de "hubris" et pense que le masculin s'appliquerait mieux, je pencherais plutôt vers le féminin car chez les Grecs anciens c'était le symbôle de la démesure...pourquoi être plus royaliste que le roi ? Et puis est-ce si important le genre de hubris ?
je "parie" qu'Hélène a tort !
Tu as sans doute raison. S'il y a de la démesure dans l'histoire d‘Œdipe, elle réside dans le fait qu'Œdipe, pour sauver la cité, entre dans le domaine réservé des dieux, à savoir le secret de sa naissance. Voici l'histoire d'Œdipe dans son intégralité :
"Exilé de Thèbes, Laïos se réfugia chez Pélops, roi de Pise. Il s'éprit de Chrysippos, fils de son hôte, et l'emmena de force lors de son retour à Thèbes. Saisi de honte, Chrysippos se suicida. Par la suite, Laïos épousa Jocaste, mais n'en eut pas d'enfant, du moins dans un premier temps. Il consulta l'oracle de Delphes qui lui apprit qu'un enfant né de Jocaste serait l'instrument de sa mort et que cet enfant épouserait ensuite sa propre mère. Il voulut répudier Jocaste, mais celle-ci l'enivra et le séduisit. Neuf mois plus tard elle mettait au monde Œdipe. L'enfant fut confié à un serviteur avec l'ordre de l'abandonner sur le mont Cithéron où il serait dévoré par les loups. Auparavant on lui avait percé les chevilles afin de les attacher avec une courroie, d'où son nom grec, Œdipe, c'est-à-dire "pied enflé". Le serviteur ne put se résigner à accomplir sa mission. Il s'arrangea pour qu'Œdipe fut recueilli par des bergers et présenté à Polybos, roi de Corinthe, qui le considéra comme son fils. Plus tard, Œdipe, consultant lui-même l'oracle apprit la fatalité qui le menaçait, sans savoir qu'il avait été adopté. Voulant fuir la famille de Corinthe, qu'il croyait être la sienne, il se mit en route. Sur son chemin, il rencontra Laïos. C'est ainsi qu'à la suite d'une altercation il tua son père. Poursuivant sa route, il parvint à Thèbes. Il y apprit que Créon, qui gouvernait depuis la mort de Laïos, avait promis la main de Jocaste à qui délivrerait la ville du sphinx qui terrorisait les habitants. Il leur proposait des énigmes insolubles et les dévorait quand ils ne savaient quoi répondre. Œdipe affronta le sphinx, trouva l'énigme, épousa Jocaste et devint roi de Thèbes. Apprenant plus tard son infortune il se creva les yeux, tandis que sa mère se pendait."
je ne connaissais pas l'histoire de Laïos - sauf quand il partit consulter l'oracle de Delphes - C'est seulement à partir de là que je connais son histoire et j'ignorais également que Jocaste avait saoulé Laïos pour le séduire...Donc pour moi Oedipe a bien commis l'inceste mais il l'ignorait et le drame des Labdacides démarre bien à Chrysippos - fils de Pélops - fils lui-même de Tantale.
Je reviens à ce que j'ai dit précédemment. Si j'ai bien compris les drames des Labdacides et des Atrides sont bien étroitement liés ? Je pose la question à qui voudrait bien répondre. Merci.
Je ne connais pas assez la culture grecque pour te répondre, mais ce que je sais de façon certaine c'est que les mythes et légendes de cette culture sont toujours comme ça, très compliqués ... et simplifiés dans les livres de vulgarisation. En ce qui concerne l'histoire d‘Œdipe, je te la garantis, je l'ai étudié plus à fond que les autres.
le gardien merci ! Est-ce que tu savais que l'origine du mot "laïus" venait de Laïos ? En effet au concours d'entrée à Polytechnique, les élèves ont eu un sujet sur le père d'Oedipe et je crois bien que Laïos était écrit en latin et les élèves demandaient les uns aux autres s'ils avaient réussi leur "laïus". C'est ainsi que le "laïus" serait né.
Oui, c'est la tradition de Normale Sup. Ça a commencé au début du XIXe siècle.
Cette hubris me fait pour ma part penser au dionysiaque nietzschéen.
Mais l'excès n'est pas le sensationnel (parc d'attraction) ni non plus le n'importe quoi laissé à lui-même (l'économie galopante). Il est plutôt la rencontre en soi de ce qui nous dépasse. Cependant, peut-être que le dionysiaque ne recouvre pas exactement l'hubris. Vous m'en direz des nouvelles, n'est-ce pas ?
Merci pour cette approche du mot, j'en cherchais justement une définition.
Non ça ne se recouvre pas. L'hubris est divine et le dionysiaque d'origine humaine (ce sont les hommes qui rendent hommage à un dieu).
Hubris : démesure, outrance, orgueil...d'accord. Mais le problème est : par rapport à quelle mesure ? Qui va décider de la mesure ?
Personne, je suppose. La démesure, c'est quand il n'y a pas de mesure. Seul un consensus peut déterminer la ligne de démarcation.
Ah ! Un grand merci, enfin une explication sur ce mot inconnu et introuvable. Lu dans Jim Harrison ("traces", une nouvelle de "l'ete ou il faillit mourir", p.297 en 10/18) "l'hurbis artistique est parfois plus epuisant que le travail lui-meme..." Je n'ai pas le texte original mais, vu l'adjectif, selon le Brice Mathieussent -le traducteur- le mot serait masculin.
"Hubris" et non "hurbis". Jim Harrison est un grand auteur. Un Hemingway contemporain.
Plus grave, hubris serait feminin, relecture attentive : "l'hubris artistique est parfois plus epuisante..."
Jim Harrison et Hemingway ? Plutot Faulkner.
C'est vrai. D'accord pour Faulkner. Bonjour à Benjee.
Je ne suis pas aussi calée que la concierge de Muriel Barbery dans le Hérisson:
Je cite:"l'hubris du désir sera muselée" elle le met au féminin, elle sait surement de quoi elle parle.
Merci à tous de ces explications.
lu dans le roman "l'élégance du hérisson" de Muriel Barbery : - " ...les hommes, qui se perdent de désirer, feraient bien de s'en tenir à leurs besoins. Dans un monde où l'hubris du désir sera muselée pourra naître une organisation sociale neuve, lavée des luttes, des oppressions et des hierarchies délétères."
Les phénomènes de mémoire, si proches de ce que nous sommes, opposent plus que d'autres la plus obstinée des résistances à l'hubris de la réflexion totale. Paul Ricoeur, in La mémoire, l'Histoire, l'Oubli ; 1ère Partie, II Esquisse phénoménologique de la mémoire. Seuil 2003, Col. Essais Points p. 30.
Et je ne résiste pas à la beauté du mot de V. Jankélévitch mis en exergue à ce dernier livre (je crois) par un homme qui a perdu son fils unique :
"Celui qui a été ne peut plus désormais ne pas avoir été : désormais ce fait mystérieux et profondément obscur d'avoir été est son viatique pour l'étérnité."
Vanité de l'hubris !
La démesure dans l'ordre des sentiments porte à l'incandescence le désir de l'absent, fût-il encore en vie; mais si la souffrance s'exalte par l'écriture qui, pour ainsi dire, la canalise sans l'endiguer,l'hubris est près de céder à cette forme de sagesse ascétique qui l'élabore, sans que soient mises en doute les émotions. Cherchant dans son imaginaire affectif à capturer la
présence de sa fille,"exilée" en Provence, Madame de Sévigné a l'art d'introduire, dans la quasi-oralité de ses phrases capricantes, l'humour envers soi, aux moments les moins supportables, de sorte que, se rapprochant de celle qu'elle aime, elle tient à distance son propre tourment."...J'ai peur que le vent ne vous emporte sur votre terrasse; si je croyais qu'il vous pût apporter ici par tourbillon, je tiendrais toujours mes fenêtres ouvertes, et je vous recevrais. Dieu sait! Voilà une folie que je pousserais loin..."(Lettre du 21 juin 1671)
némésis,"retribution",en anglais
En français aussi puisque c'est le nom de la déesse grecque de la justice rétributive, c'est-à-dire de la vengeance.
L'hubris grecque ayant été arasée par le droit romain, il ne nous reste plus que la dépression. Dans les populations du sud-est asiatique on trouve par contre l'Amok, sorte de folie furieuse meutrière due à une trop grande pression sociale.
je sais c 'est tardif comme réaction mais je viens de découvrir le mot...En fait l'hubris c'est un abus de conneries de l'homme et de ses dérives...?
et la némésis, Si tu jettes une pierre en l'air, attends toi a ce qu'elle te retombe sur la tête...
Hubris est employé(e) dans un sens politique contemporain par Dominique Moïsi dans son récent ouvrage La géopolitique de l'émotion, Flammarion, 2008. Ex.: p. 94, 111. Il l'accorde au féminin.
Oui, c 'est bien un substantif féminin.
Eric Besson, c'est Hubris Hortefeux?
Facile, mais bienvenue quand même.
Désolé pour Hubris Hortefeux, mais la tentation était trop forte.
Sérieusement :
Il me semble que "hybride" , ou "sang mêlé" dérive de hubris.
Ai-je tort?
Oui : du grec ubris, violence.
Merci pour tous les commentaires sur un mot dont je cherchais la définition :j'ai entendu le terme "homme hubrique" :serait-ce l'adjectif correspondant?
Par ailleurs est-ce le même mot qui pourrait s'écrire sans "h"?
Je n'ai pas l'impression que l'adjectif hubrique existe dans les dictionnaires, bien qu'on le trouve employé sur Internet. Quant à Ubrique c'est une ville d'Espagne.
J'interviens à cause de Langlois et de Politis (n° 1048) qui a oublié de mettre le renvoi(3)au mot Hubris dans le texte de son bloc-notes. cela m'a permis de trouver dans mon minuscule dictionnaire de grec moderne (9,5 x 5,5 x 1,5 cm)que ce mot signifirait aujourd'hui "insulte, injure"...?
Je n'ai aucune idée du grec contemporain.
Merci,et bienvenue.
je parcoures ce blog apparemment sympathique après avoir feuilleté les premières pages du livre de Muriel Barbery L'élégance du hérisson j'allais écrire..l'élégance du désir, ce désir à beau être hubris parfois, je ne conçoit pas une vie sans désir, pour l'instant je ne sais trancher entre la beauté que je prête au désir dans ma vision un peu romantique et une morale austère inspirée du Bouddhisme
@Le gardien: Oedipe n'a pas vaincu un sphinx, créature de la mythologie égyptienne, mais une sphinge, créature de la mythologie grecque; ce qui est tout à fait différent. De plus, selon certaines versions, il n'aurait pas tué seulement son père biologique, mais également le cortège qui l'accompagnait, ce pourquoi il est fait mention dans d'autres versions du meurtre de Laïos par des bandits de grand chemin.
Merci pour ces précisions.
Orthographe ? Hybris ou hubris ? Je vois les deux sur internet et les deux sont mentionnés ici dans les commentaires, sans que le rapport entre les deux soit explicité.
C'est écrit dans mon billet : les deux mots sont synonymes.
Actualisation de la définition : "la place inconsidérée que nous avons prisE" et non pris.