Héautontimorouménos
Par le gardien le mardi 11 avril 2006, 00:00 - Singumots - Lien permanent
Mot grec qui signifie "bourreau de soi-même".
Je te frapperai sans colèreL'héautontimorouménos
Et sans haine, comme un boucher,
Comme Moïse le rocher !
Et je ferai de ta paupière,
Pour abreuver mon Saharah,
Jaillir les eaux de la souffrance.
Mon désir gonflé d'espérance
Sur tes pleurs salés nagera
Comme un vaisseau qui prend le large,
Et dans mon cœur qu'ils soûleront
Tes chers sanglots retentiront
Comme un tambour qui bat la charge !
Dans la divine symphonie,
Grâce à la vorace Ironie
Qui me secoue et qui me mord ?
Elle est dans ma voix, la criarde !
C'est tout mon sang, ce poison noir !
Je suis le sinistre miroir
Où la mégère se regarde.
Je suis la plaie et le couteau !
Je suis le soufflet et la joue,
Je suis les membres et la roue,
Et la victime et le bourreau !
Je suis de mon cœur le vampire,
Un de ces grands abandonnés
Au rire éternel condamnés
Et qui ne peuvent plus sourire !
Charles Baudelaire.
Commentaires
Il y a un H de trop dans le désert.
Non, Baudelaire écrivait "Saharah".
Y a un mot plus simple pour dire ça : t'es maso...
Héautontimorouménos, c'est pas facile à caser dans la conversation...
Tu n'as qu'a dire "T'es héaunto" ... c'est déjà plus facile !
"Victime des autres, héautontimorouménos" = erreur marketing ! On comprend que Guy Corneau ait préféré un titre moins lettré mais plus lisible - à supposer qu'il connût ce mot que je découvre avec un émerveillement dubitatif.
Il me semble que Baudelaire avait écrit " Ironie" avec une majuscule . Peut-être que je me trompe .
hi3. Tu peux nous en dire plus ? Pourquoi cites-tu ce psychanalyste ?
Khate. Exact, merci beaucoup.
{off commentaire}
dis moi Garde, pourrais tu nous parler un peu du mot taciturne ? un mot que j'aime beaucoup...
dumby
[C'est fait : 3 mai 2006]
Et pour faire suite à la demande de dumby, quid de trublion ? Un mot qui frétille tout seul et faire sourire rien qu'à l'entendre... Non ? Plus facile à écrire en tout cas que héautontimorouménos !
Moi ausi je connais "Victime des autres, bourreau de soi-même" de Guy Corneau : c'est un peu plus dur mais ça va dans le même sens que "La guérison du coeur" : alors bonne route avec la poésie en plus !
"Taciturne" et "Trublion" : l'un compense la tristessede l'autre. J'engrange.
Les mystères du cerveau:
Pourquoi ai-je mémorisé sans peine l'Hypocampelephantocamelos de Cyrano et suis-je incapable même de lire correctement à voix haute ce fichu Héautontimorouménos ?
(le captcha: Pise se rappelle à mon souvenir ... c'est pour bientôt!)
Ça me paraît être une question de cerveau gauche-cerveau droit. Quand on découpe "Hypocampelephantocamelos" on repère "hippocampe", "éléphant" et plus ou moins "chameau". Avec "Héautontimorouménos", c'est plus compliqué : "et", "haut", "tontine" (système d'épargne), "mort", "ou", "mène", "os". C'est le principe du rébus appliqué à la mémorisation...
Exact. Avec un peu d'entraînement, maintenant j'y arrive.
Par contre, de tout ce poème, seuls m'étaient restés ces deux vers de mes lectures adolescentes:
"Je suis la plaie et le couteau !
Je suis le soufflet et la joue,..."
Et cependant, je ne suis pas de ceux qui tendent spontanément l'autre joue!
j'ai découpé immédiatement "Eh Oh Tontine, plus (more) ou moins (menos)?"
J'ai toujours aimé ce poème et surtout son titre (tiré des Fleurs du Mal, pour les ignares).
Merci pour l'explication, je croyais que Baudelaire avait inventé lemot...
... eh bien, non. Le fameux adage "Homo sum, humani nil a me alienum puto", "Je suis homme et rien de ce qui est humain ne m'est étranger" est tiré d'une pièce de théâtre de l'auteur latin Térence (vers 184-159), dont le titre est L'Héautontimorouménos.
Pour éviter toutes ces interminables "byzantinologies" sur le mot en question, les façons d'en mémoriser le sens, et le fameux (?) aphorisme anglo-américain "It's all greek to me", il suffit de traduire littéralement du grec: "autopénitent" et même "autoflagellant".
Incroyable! La langue française ne cessera jamais de m'étonner...
Encore une fois, un mot qui a une éthymologie Grecque. Cette langue anciennne, très intéressante à étudier, est le berceau de la langue Française, ainsi que le Latin.
Heautontimoroumenos c'est du grec "heauton"=soi-meme et le verbe "timoreo"="prendre la defense de, secourir"- puis "se venger sur, punir"...une evolution de sens...bizarre! Je suis de Roumanie et je fais d'etudes de grec et de latin.