Démarche qui consiste à parler de Dieu en
décrivant ce qu'Il n'est pas. S'éloignant de la connaissance sensible elle en
privilégie la connaissance intellectuelle. Du grec apophasis,
négation. Synonymes : méthode aphairétique (du grec aphairesis,
abstraction), théologie négative.
Nous élevant plus haut encore, — nous disons
que cette cause n'est ni âme, ni intelligence, qu'elle n'a ni imagination, ni
opinion, ni définition, ni pensée (discursive), qu'elle n'est ni parole, ni
pensée (intuitive). Elle n'est ni nombre, ni ordre, ni grandeur, ni petitesse.
Elle n'est ni égalité, ni inégalité, ni similitude, ni dissemblance. Elle n'est
pas immobile, elle n'est pas en mouvement ni en repos. Elle n'a pas de
puissance et elle n'est pas puissance, ni lumière. Elle ne vit pas et elle
n'est pas vie. Elle n'est ni essence, ni perpétuité, ni temps. On ne peut la
saisir par l'intelligence. Elle n'est ni science, ni vérité, ni royauté, ni
sagesse. Elle n'est pas un, ni unité, ni déité, ni bonté. Elle n'est pas esprit
comme nous pouvons le connaître, ni filiation ni paternité, ni rien de ce que
ni nous, ni personne ne saurait connaître. Elle n'est rien de ce qui n'est pas,
rien de ce qui est. Les êtres ne la connaissent pas telle qu'elle est et
elle-même ne les connaît pas tels qu'ils sont. On ne peut ni la comprendre ni
la nommer, ni la connaître. Elle n'est ni ténèbre, ni lumière, ni erreur, ni
vérité. On ne peut d'elle absolument rien affirmer, ni nier. Mais en affirmant
ou niant des réalités qui lui sont inférieures, nous ne saurions affirmer, ni
nier quoi que ce soit puisque c'est au-dessus de toute affirmation que réside
la Cause unique et parfaite de tout, comme aussi, au-delà de toute négation,
l'excellence de Celui qui est absolument affranchi et au-delà de tout.
Pseudo-Denys l'Aréopagite,
La théologie mystique.
[Mot demandé par JFF]
Commentaires
Dandylan. Je suis entièrement d'accord avec toi.
Eden. Tu parles des effets de Dieu ? La création.
Dieu peut-il être le néant ? Dans l'affirmative, il n'existe plus ; dans la négative, il n'est pas dieu. On me répondra que le néant n'existe pas ? Mais le mot "néant" existe bien et comment peut-il exister s'il ne signifie rien ? Bon, j'arrête là car je fatigue un peu hein !
Non, moi je suis, le nez en l'air. Il y a une grosse manip' dans ta proposition, un sophisme pour tout dire, et même plusieurs : prouve-nous, par exemple, que "dans la négative, il n'est pas dieu" ?
gardien bonjour d'abord ! j'aimerais avoir une précision sur la figure de style "aphérèse" . Est-ce qu'il y une relation avec "aphairesis" signifiant abstraction ? Merci.
J'ai fait un petit billet Aphérèse en avril 2005, quand j'ai commencé ce blog. Aphairesis, d'après les documents que je viens de relire, veut dire "retranchement". N'étant pas helléniste, je ne peux aller plus loin.
"Deux excès: exclure la raison, n'admettre que la raison" (Blaise Pascal)
C'est tout à fait ça. Je viens d'ailleurs de proposer cette pensée au vote des visiteurs du Garde-mots (voir la colonne de droite).
En tant que grec contemporain et helléniste, je viens -comme souvent- expliquer l'évolution de quelques termes grecs à travers le temps, donc: απóφαση (pron. apôfassi) aujourd'hui est tout simplement décision dans tous les sens; αφαíρεση (pron. afêressi) continue bêtement comme abstraction mathématique, artistique et littéraire.
Voilà qui est dit et bien dit. Merci Dino.
Bonjour à tous.
N'étant pas helléniste moi aussi, je me permets une petite remarque basée ma maigre connaissance de différents textes mystiques, théosophiques et autres.
La plupart des textes chrétiens utilisant une description apophatique du divin (ex : Denys Aréopagite) insistent sur ce point : elle fait référence à une expérience où seul l'empirisme personnel à un sens, une base. Elles sont plus descriptives qu'indicatives d'une méthode abstraite. Autrement, il y a le risque de tomber dans une approche purement intellectuelle et de se retrouver coincé dans une "négation affirmative", c'est-à-dire, considérer "quelque chose" par l'absence d'autre chose. Par exemple, dire "il n'y a pas de bougies posées sur cette table" impliquerait de donner à la table une "identité" d'absence de bougies. Or, d'un point de vue mystique, l'approche apophatique est négative … "purement". L'exemple les plus dépouillé d'une description apophatique se retrouve dans la philosophie bouddhiste madyamaka expliquant la nature absolue des phénomènes (bien qu'il ne rejettent pas leur aspect "relatifs" existants – mais, si un phénomène, quel qu'il soit, n'existe qu'en terme de relation, il ne possède aucune identité absolu) :
- Ni existant,
- ni non existant,
- ni existant et inexistant,
- ni non-existant et non-inexistant.
A rapprocher aussi du non dualisme de certaines écoles hindouistes :
Neti neti : Ni ceci ni cela.
Le caractère universel du caractère apophatique utilisé pour décrire une expérience mystique, en terme analogiques, paraboliques ou poétiques me laisse à penser qu'il existe une expérience réelle sous-jacente à ces descriptions et que le "mot" n'est pas la "chose".
Juste mon petit grain de sel
Axeloz
Ça me paraît assez juste. Si l'on admet la validité du "ni... ni...", que reste-t-il sinon une entité universelle. Chacun peut la nommer à sa façon : l'Absolu, l'Énergie universelle, l'Être suprême, Dieu ...
Désolé à mon tour : il y a toujours plusieurs manières d'aborder une question, qu'elle soit pratique, philosophique ou religieuse. À chacun de choisir sa voie.
Bonjour,
Je découvre cette page. Je vous remercie pour cette référence.
Zadig
Bonjour!
Je débarque... vous embarquez ? Bienvenue à bord de la Terre !
Je ressens comme cruciale cette notion - cette lumière - qui vient de la liberté, de la licence de ne rien savoir !
Donc, de tout écouter (sans le verbe "écouter"), de tout voir, sentir, d'être traversé par la réalité, de lui être transparent, libre d'aucun mot.
Nous sommes fondamentalement des explorateurs/trices, des produits, des rejetons, des "petits" de l'univers dont le bonheur et le génie est dans l'émerveillement et la danse - la danse totale -qui s'en dégage, nous en dégage, nous transporte et nous divinise sans faire d'histoires...
La révolution est dans le pré... sous les pavés, la plage... ce que je commence à comprendre (il m'aura fallu 64 ans) c'est que la révolution est dans notre regard, elle nous colle au train, elle ne cesse pas de nous éclairer, de nous aveugler même, et nous, si grands au départ, si grand-ouverts et bientôt si petits, si racornis par nos bourreaux (indolores): les parents (pauvres bêtes), l'éducation, les loisirs, l'horreur ordinaire, douillette, organisée, la tiédeur, les petites trahisons qui débouchent sur la Grande Médiocrité, les concessions-alibis teintées de nostalgie, de réalisme à trois sous... le tout débouchant sur une incompréhension quasi absolue du monde, du réel, de l'enjeu illimité d'ETRE, l'impossibilité d'évoluer loin de sa petite personne, de ses petites réussites, etc...
Etc...
Bref: à bientôt ?
Patrick
Bonjour Patrick. Bien sûr que j'embarque, comme vous dites. Bienvenue sur le Garde-mots. Ceci dit, le point tel que vous le faîtes sur la condition humaine et son rapport au monde est de nature ontologique. L'apophatisme concerne la religion et surtout la question de Dieu. Vous avez, bien entendu, le droit de détourner le mot. Je tenais seulement à mettre les choses au point sur le plan linguistique.
Hep, Alain! Pourquoi n'avez-vous pas placé "apophatisme" dans votre glossaire ?...
A part ça, Dieu étant l'indicible, il "apparaît" dans toutes les tentatives de ne pas le dire, chez tous ceux qui jamais ne concluent, ne tranchent, ne déduisent, mais cherchent, hument, nagent au large des mots pour mieux sentir le divin dans l'imprévu, le terrible, le merveilleux... alors, vient le regard, le simple regard...
Avec amitié,
Patrick
Bonjour Patrick. Contrairement à ce qu'on pourrait croire c'est une simple erreur matérielle et non matérialiste. La voilà réparée. Merci pour le signalement.
Oui, mais... il faut le décaler d'un cran sur la gauche!
La mouche du coche.
Quant à nager au large des mots?
Patrick
Voilà qui est fait, merci.
Bonjour,
On m'a donné le lien de ce site suite à une question que j'ai posée sur yahooQR,je le trouve interessant et je reviendrais surement , Merci
En réalité ma question sur l'Apophatisme se référait au bouddhisme, suite à une lecture de Raimon Panikar "introduction à l'athéisme religieux"
Bienvenue. Toutes les réflexions sur un sujet comme celui-ci (et d'autres) sont bonnes à connaître.
L’apophatisme est une tradition de l'Église selon laquelle la réalité de Dieu est au-delà des mots, des images, des dogmes. Elle est la voie. A rapprochée du Taro dans la tradition chinoise. Elle se dévoile dans la méditation.
Votre définition de l'apophatisme est totalement erronée... Une simple lecture de l'extrait de Pseudo-Denis que vous mettez en illustration aurait pu vous éclairer...
Bien triste que votre page arrive si haut dans les articles Google, entraînant ainsi tant de gens dans l'erreur...
Il ne suffit pas d'affirmer. Veuillez démontrer que j'ai tort sinon votre propos n'a pas de poids. De mon côté j'ai une preuve que ma définition est bonne : on l'a retrouve dans le CNTRL, le dictionnaire du Centre National de la Recherche Scientifique. Dans ce blog, les définitions ne sont pas les miennes. Elle s'inspirent toujours de celles des grands dictionnaires.
Bonjour,
Votre extrait de Denys l’Aréopagite me fait penser au Sutra Du Coeur, comme l’a plus ou moins noté “Axeloz”.
Je vous conseille la lecture du livre de RAIMON PANIKKAR, Le Silence de Bouddha pour comprendre cette notion d’apophatisme, peut-être plus compréhensible avec l’extrait “ Là, dans la théologie affirmative, notre discours descendait du supérieur à l'inférieur puis il allait s'élargissant au fur et à mesure de sa descente; mais maintenant que nous remontons de l'inférieur jusqu'au Transcendant, notre discours se réduit à proportion de notre montée. Arrivés au terme nous serons totalement muets et entièrement unis à l'Indicible." (Denys l’Aréopagite) Cet extrait renvoie aussi à la notion d’Immanence par opposition à la Transcendance.
Bonne lecture
Merci. Votre proposition me paraît juste.