Alerte ! On vient de cloner des hommes...

J'aurais dû attendre le 1er avril pour afficher ce billet. Les visiteurs du Garde-mots auraient immédiatement déjoué le piège. Certains auraient pensé : "Nous sommes le 1er avril, le gardien cherche à m'avoir. Je ne vais tout de même pas tomber dans le piège..." Eh bien non ! Ce n'est pas une farce de circonstance. On vient réellement de cloner des hommes.

La revue Stemm Cell a publié le 17 janvier 2008 un article décrivant une expérience de clonage humain, et elle a, selon toute vraisemblance, réussi. Les chercheurs d'une société de biotechnologie californienne (Stemagen, La Jolla, Califonie) sont parvenus à obtenir des embryons humains viables en utilisant la technique de manipulation génétique qui avait déjà permis de cloner la brebis Dolly (1996-2003). Ils ont remplacé le noyau des ovules par celui de cellules prélevées sur des donneurs adultes. L'un des donneurs était l'auteur principal de l'expérimentation, Samuel Wood. Résultat : cinq embryons humains viables, dont la croissance a ensuite été volontairement arrêtée.

Restons calmes. L'intention est généreuse : il s'agit, dans l'esprit des promoteurs de la méthode, non pas de faire naître des enfants clonés mais de mettre au point de nouveaux outils pour traiter des maladies qui sont pour l'instant incurables. On obtient des cellules souches embryonnaires qui permettraient, si l'expérience était poussée plus loin, de traiter le cas échéant la personne sur laquelle on aurait prélevé les noyaux. Ces cellules totipotentes ont la capacité de se multiplier à l'infini et de pouvoir se différencier en chacun des types cellulaires correspondant aux divers organes du corps humain.

C'est un peu court, génome

Les chercheurs ont obtenu des embryons humains mais n'ont pas encore été plus loin. Ils se sont contentés de voir si le projet était ... viable, ce qui, d'ailleurs engendre la méfiance de certains membres de la communauté scientifique qui contestent la réussite du projet. C'est la première fois, mais vraisemblablement pas la dernière, qu'on ose faire une telle expérimentation. Est-elle indispensable à la science puisqu'il y a d'autres solutions ? On peut obtenir des cellules souches par prélèvement, sur un adulte, et les reprogrammer. Elles ont la même action (sauf qu'on ne sait pas si cette technique pourrait aller jusqu'à déclencher des cancers).

Il ne s'agit pour l'instant que d'un clonage thérapeutique (et non reproductif), mais les scientifiques sauront-ils s'arrêter à temps ? Verrons-nous des mafias ou des sectes transgresser les lois bioéthiques ? Les chercheurs s'arrêteront-ils  à un stade acceptable par l'humanité? Actuellement, c'est un peu comme si Einstein déclarait : "Attention, je vous livre ma formule E = mc2 mais, je vous en prie, Monsieur Oppenheimer, ne fabriquez pas de bombe. Monsieur Roosevelt je fais appel à votre conscience...

Le clonage vous fait-il rêver ?

- Vous dites "Oui... " : "On me prélève quelques cellules et bientôt j'aurai un clone version bébé. Devrai-je le considérer comme mon enfant ?  Ma sœur (ou mon frère) ?" Baudelaire l'a murmuré en son temps : "Mon enfant ma sœur/Songe à la douceur..." Sauf qu'ici nous ne sommes pas dans les brumes irisées de la poésie mais aux confins de la science et de l'éthique.
- Vous dites "Non... " : "Le clonage, ça fait naître des petits vieux. L'embryon a, dès le départ, l'âge de l'adulte donneur plus neuf mois... Les animaux clonés souffrent de maladies, en particulier d'arthrite." Vous avez sans doute raison, soyons méfiants et sages. Jouer à l'apprenti sorcier est dangereux et sans retour.
- Vous dites "Peut-être..." :  Vous avez encore raison. On ne nous prépare pas des clones parfaits puisqu'il reste du matériel génétique dans les ovules qui servent de réceptacles aux noyaux. Nous sommes en pleine chimère. Peut-être faudrait-il réfléchir sérieusement avant de sauter le pas.