L'avant-sommeil
Par le gardien le dimanche 18 septembre 2005, 00:00 - Versimots - Lien permanent
L'avant-sommeil
Est le sommeil de la vie
Celle qui se joue
Par habitude
Le sommeil
Est le sommeil de la mort
Qui nous apprend
La tentation
L'après-sommeil
Est le nouveau sommeil de la vie
Entre deux courts passages
Où les anges jouent à nous faire peur
Jouent mais ne s'amusent pas
Exultent de dégoût
S'interdisent de vivre
Comme s'ils étaient la proie des mots
Acceptons de tricher
Car c'est la seule intuition
Tendons leur une main fraternelle
Et attendons
Guettons l'impossible renoncement
Celui qui fera d'eux des esthètes
Un jour peut-être
Un cri sera notre récompense
Ils vomiront la haine
Et souriront
Commentaires
"Un coup de dés jamais n'abolira le hasard"
(Stéphane Mallarmé).
XLV - Le Tir et le cimetière - Charles Baudelaire
– À la vue du cimetière, Estaminet. – «Singulière enseigne, – se dit notre promeneur, – mais bien faite pour donner soif! À coup sûr, le maître de ce cabaret sait apprécier Horace et les poètes élèves d'Épicure. Peut-être même connaît-il le raffinement profond des anciens Égyptiens, pour qui il n'y avait pas de bon festin sans squelette, ou sans un emblème quelconque de la brièveté de la vie.»
Et il entra, but un verre de bière en face des tombes, et fuma lentement un cigare. Puis, la fantaisie le prit de descendre dans ce cimetière, dont l'herbe était si haute et si invitante, et où régnait un si riche soleil.
En effet, la lumière et la chaleur y faisaient rage, et l'on eût dit que le soleil ivre se vautrait tout de son long sur un tapis de fleurs magnifiques, engraissées par la destruction. Un immense bruissement de vie remplissait l'air, – la vie des infiniments petits, – coupés à intervalles réguliers par la crépitation des coups de feu d'un tir voisin, qui éclataient comme l'explosion des bouchons de champagne dans le bourdonnement d'une symphonie en sourdine.
Alors, sous le soleil qui lui chauffait le cerveau et dans l'atmosphère des ardents parfums de la mort, il entendit une voix chuchoter sous la tombe où il était assis. Et cette voix disait: «Maudites soient vos cibles et vos carabines, turbulents vivants, qui vous souciez si peu des défunts et de leur divin repos! Maudites soient vos ambitions, maudits soient vos calculs, mortels impatients, qui venez étudier l'art de tuer auprès du sanctuaire de la mort! Si vous saviez comme le prix est facile à gagner, comme le but est facile à toucher, et comme tout est néant, excepté la mort, vous ne vous fatigueriez pas tant, laborieux vivants, et vous troubleriez moins souvent le sommeil de ceux qui, depuis longtemps, ont mis dans le but, dans le seul vrai but de la détestable vie!»
J'aime beaucoup ces mots... ils sont si vrais.