La connerie a-t-elle une valeur marchande ?

Canard
Force est de constater que la connerie est universellement répandue ... En premier lieu, un bon point pour ceux qui nous la rendent sympathique : Bobby Lapointe, Coluche, Desproges, Jean-Yves Lafesse, Laurent Baffie, Jean-Marie Bigard, votre cousin Jules quand, au quatrième cognac, il se met à parler de son canard apprivoisé, et quelques autres. Parfois elle est même sublime et respectable comme dans les expériences d'Alain Bombard, Gérard d'Aboville, Jean-Louis Étienne, Serge Girard. Bien souvent elle se montre au grand jour sans même savoir qu'elle est conne et, là, c'est plutôt grave : ne voit-on pas tous les jours des gens acheter de l'eau polluée-dépolluée ? Regarder à la télévision, pour avoir des sensations fortes, des émissions de survie bidon alors qu'il leur suffirait de sauter par la fenêtre, ce qui leur permettrait d'échapper à la redevance ? Parfois la connerie se lit sur les visages, comme dans le cas de ***. Toute ressemblance avec votre voisine de pallier, un président à quelques mois de la retraite, le contrôleur de la TODG quand il rabat sa casquette pour ne pas vous renseigner, relèverait d'une coïncidence voulue. Mais surtout la connerie a une réelle valeur marchande. Je ne plaisante pas. C'est vrai, par exemple quand la mode est imposée par les fabricants et non par la rue. C'est également le cas des logos qui prétendent élever les marques au rang de mythes pour mieux les vendre aux athées, des fraises qu'on achète parce qu'elles sont rouges (leur goût est un sous-produit aléatoirement distribué), des chanteurs jetables qui veulent épater leur grand-mère en faisant un disque, des charmeurs de serpent monétaire, du sexe sur les affiches "4 par 4". Un principe économique de base nous dit que plus un produit a du succès moins son prix de revient est élevé, à condition de le produire en grand nombre. Les industriels cherchent de plus en plus à introduire le facteur connerie dans leur calcul de rentabilité, et ça marche. Ils ne suivent pas la loi du marché mais la précèdent, l'imposent, l'organisent. Ce renversement sans précédent est en train de remodeler notre vie et nous courons même après lui pour éviter de nous rendre compte qu'il est néfaste.

Un dernier mot

Avant de sombrer, ayons une pensée pour quelques experts : San Antonio, Gainsbourg, Audiard, Prévert, Raymond Devos, Sol ...


[Retrouvez ce billet dans L'Almanach 2009 du Garde-mots]