Sénescence
Par le gardien le vendredi 13 avril 2007, 00:00 - Singumots - Lien permanent
regarde le vieillard que je parais être
(Jean Cocteau, se regardant dans un miroir).
Ensemble des phénomènes naturels qui entraînent l’affaiblissement lent et progressif des fonctions vitales, aussi bien sur le plan physique que mental (affectivité, mémoire, cognition). Ils résultent de l’action conjuguée de facteurs intrinsèques (génétiques) et environnementaux. Synonymes : déchéance, déclin, décrépitude, gâtisme, radotage, vieillerie, vieillesse, vieillissement. A la différence de la sénilité, cet état n’est pas pathologique. Du latin senex, vieillard.
Le vieillissement fait peur car il rappelle la condition mortelle, revêt un caractère inexorable, modifie l’image de soi, oblige à faire des deuils de toutes sortes, peut mener à l'isolement. Il génère ou facilite l'égoïsme, le repli, l'avarice, la peur de la mort (il s'agit en général d'une accentuation de traits de personnalité antérieurs). Le vieillissement de l’entourage rend le phénomène encore plus évident.
Quelques définitions
Âgisme. Discrimination sociale négative liée à l’âge.
Barbon. Terme péjoratif pour désigner un vieillard. Synonymes : antiquité, croulant, grison, vieille baderne, vieille barbe, vieille chouette, vieille ganache, vieille bête, vieille bique, vieille mémère, vieille peau, vieille sorcière, vieille taupe, vieille toupie, vieux beau, vieux birbe, vieux con, vieux croûton, vieux débris, vieux décati, vieux décrépi, vieux gaga, vieux gâteux, vieux radoteur, vieux schnoque, vieux singe, vieux tableau, vioque.
Chenu. Se dit de quelqu'un qui a les cheveux blancs à cause de la vieillesse.
Espérance de vie. Nombre moyen d'années pendant lesquelles les personnes d'une classe d'âge donnée peuvent vivre sans incapacité. En trois siècles l'espérance de vie est passée de 40 à plus de 75 ans, ce qui a entraîné un vieillissement général de la population. En 2006 l'espérance de vie des nouveau-nés était, en France, de 77, 2 années pour les garçons et de 84, 1 années pour les filles.
Eugeria. Mot utilisé par Aristote pour désigner le fait de vieillir lentement et sans chagrin.
Faust. Conte populaire d'origine germanique dans lequel, pour garder l'éternelle jeunesse, le héros vend son âme au diable.
Gériatrie. Discipline médicale qui prend en charge les personnes âgées malades.
Géronte. Personnage de vieillard de la comédie classique et de père. Du grec gérôn, vieillard.
Gérontocomie. Hygiène spéciale des vieillards.
Gérontocomium. Hospice pour les vieillards [mot vieilli].
Gérontocratie. Gouvernement composé de vieillards.
Gérontologie. Science qui étudie le vieillissement dans tous ses aspects : biomédicaux, socio-économiques, culturels, démographiques, etc ...
Gérontomatriarcat. Domination des vieilles dames sur leur famille.
Gérontophilie. Attirance pour les partenaires sexuels âgés.
Gérontophobie. Aversion pour les vieillards .
Gérontopsychiatrie. Discipline qui étudie les maladies mentales du vieillard et les moyens de les prévenir.
Longévité maximale. Durée de vie maximale observée en fonction des espèces. Elle va d’un mois chez la mouche drosophile à 5,5 ans chez le rat, et jusqu’à 300 ans chez les tortues.
Mathusalem. Personnage qui, dans la Bible, vécut 969 ans. C'est le fils de Énoch et le grand-père de Noé.
Nestor. Personnage à qui Apollon avait accordé une vie s'étalant sur trois générations. il participa à la guerre de Troie. Ses conseils étaient écoutés et respectés.
Philémon et Baucis. Dans la mythologie grecque, couple de vieillards originaires de Phrygie qui, à la fin de leur vie, furent métamorphosés en chêne et tilleul dressés côte à côte, et qui, de ce fait, ne furent jamais séparés.
Sénilité. État qui résulte des troubles physiques et mentaux liés à la vieillesse.
Vieillards de l'Apocalypse. Saint Jean annonce que 24 vieillards, au moment du Jugement dernier, apparaîtront en robe blanche, certains avec des instruments de musique.
Centenaires célèbres
Michel-Eugène Chevreul (1786-1889, chimiste : à 100 ans il se qualifiait de « doyen des étudiants de France »), Alexandra David-Néel (1868-1969, exploratrice), Bernard Le Bovier de Fontenelle (1657-1757, écrivain et philosophe), Ernst Jünger (1895-1998, écrivain allemand), Rose Kennedy (1890-1995, mère du président américain), Antoine Pinay (1891-1994, homme d’état), la Reine Mère Élisabeth d'Angleterre (1900-2002).
Sans oublier Jeanne Calment, symbole de la résistance au temps, née le 21 Février 1875, décédée le 4 Août 1997, à l'âge de 122 ans, 5 mois et 11 jours. Elle était la doyenne de l'humanité. Elle a connu Van Gogh, Frédéric Mistral, les débuts de l'aviation. Dans l'enfance elle était turbulente, "garçon manqué", hyperactive. Quand elle jouait à la balançoire avec ses camarades elle avait l'habitude de dire : "A chacun mon tour". Elle se rendit chez ses amis à vélo jusqu'à l'âge de cent dix ans. Elle avait une très bonne mémoire (elle se souvenait des noms propres de personnes qu'elle avait connu plus de cent ans auparavant). Son vocabulaire était très riche. Elle est restée jusqu'aux dernières années énergique, autoritaire, dominatrice, indépendante, et gardait un grand esprit de répartie. Elle avait une très forte volonté : opposée au renoncement habituel des vieillards, elle réussit à adapter la maison de retraite où elle s'était retirée (à 110 ans) à son mode de vie. Elle avait le sentiment d'être devenue une vedette et quand, après un tournage de télévision, on lui offrit une boîte de chocolats, elle la refusa, imposant aux producteurs, s'ils voulaient avoir le droit d'exploiter leur film, d'offrir une ambulance. Elle fuma un peu jusqu'à l'âge de 116 ans, puis décida de s'arrêter parce qu'elle était devenue trop faible et qu'une infirmière devait lui tenir sa cigarette. Bien que souffrant d'une cataracte bilatérale, et donc de cécité, ainsi que d'une forte diminution de l'ouïe, elle s'accrocha à la vie tant qu'elle put. Son expression favorite était "Le Bon Dieu m'a oubliée". Elle dépassa largement le précédent record du monde de longévité, tout en espérant que les suivants auraient du mal à la rattraper. Elle refusa de donner son corps à la science.
L'ÉTERNELLE
CHANSON
Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs,
Au mois de mai, dans le jardin qui s'ensoleille,
Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants.
Comme le renouveau mettra nos cœurs en fête,
Nous nous croirons encor de jeunes amoureux ;
Et je te sourirai tout en branlant la tête,
Et nous ferons un couple adorable de vieux.
Nous nous regarderons, assis sous notre treille,
Avec de petits yeux attendris et brillants,
Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs.
Sur notre banc ami, tout verdâtre de mousse,
Sur le banc d'autrefois nous reviendrons causer.
Nous aurons une joie attendrie et très douce,
La phrase finissant souvent par un baiser.
Combien de fois jadis j'ai pu dire : "Je t'aime !"
Alors avec grand soin nous le recompterons :
Nous nous ressouviendrons de mille choses, même
De petits riens exquis dont nous radoterons.
Un rayon descendra, d'une caresse douce,
Parmi nos cheveux blancs, tout rose se poser,
Quand sur notre vieux banc, tout verdâtre de mousse,
Sur le banc d'autrefois nous reviendrons causer.
Et comme chaque jour je t'aime davantage,
Aujourd'hui plus qu'hier et bien moins que demain,
Qu'importeront alors les rides du visage ?
Mon amour se fera plus grave et plus serein.
Songe que tous les jours des souvenirs s'entassent ;
Mes souvenirs à moi seront aussi les tiens :
Ces communs souvenirs toujours plus nous enlacent
Et sans cesse entre nous tissent d'autres liens.
C'est vrai, nous serons vieux, très vieux, faiblis par l'âge,
Mais plus fort chaque jour je serrerai ta main,
Car vois-tu, chaque jour je t'aime davantage,
Aujourd'hui plus qu'hier et bien moins que demain.
Et de ce cher amour qui passe comme un rêve
Je veux tout conserver dans le fond de mon cœur ;
Retenir, s'il se peut, l'impression trop brève
Pour la ressavourer plus tard avec lenteur.
J'enfouis tout ce qui vient de lui comme un avare,
Thésaurisant avec ardeur pour mes vieux jours ;
Je serai riche alors d'une richesse rare :
J'aurai gardé tout l'or de mes jeunes amours !
Ainsi de ce passé de bonheur qui s'achève
Ma mémoire parfois me rendra la douceur ;
Et de ce cher amour qui passe comme un rêve
J'aurai tout conservé dans le fond de mon coeur.
Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs,
Au mois de mai, dans le jardin qui s'ensoleille,
Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants.
Comme le renouveau mettra nos cœurs en fête,
Nous nous croirons encore aux jours heureux d'antan,
Et je te sourirai tout en branlant la tête,
Et tu me parleras d'amour en chevrotant.
Nous nous regarderons, assis nous notre treille,
Avec de petits yeux attendris et brillants,
Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs.
Rosemonde Gérard (1889).
L'Almanach 2010 du Garde-mots]
Commentaires
Un charmant document audio pour illustrer.
Bonjour Alain
"Le vieillissement fait peur car il rappelle la condition mortelle"
Je pense que l’essentiel se trouve dans cette phrase !
La mort reste un sujet tabou pour les cultures occidentales, auquel chaque être est d’une certaine manière plus ou moins inconsciemment confronté chaque jour. Elle fait partie du cours naturel de notre vie et se trouve une épreuve pour chacun quand un être disparaît. Tôt ou tard nous devrons irrémédiablement l’affronter. Elle à toutefois plusieurs images, les Tibétains disent traditionnellement, qu’on ne peut laver deux fois la même main sale dans la même eau courante d’une rivière. Car chaque goutte d’eau, chaque instant présent, suite à sa propre existence, disparaît et symbolise ainsi une petite mort. Deux manières s’offrent à nous. Soit nous choisissons d’ignorer cette mort, d’ignorer cette impermanence de toutes choses et de tout êtres, soit nous faisons face à son existence, par une réflexion lucide.
Ainsi devrait-elle pour chacun, paraître moins effrayante et engendrer moins de peur.
xuan-lay
Dolgo, j'ai privilégié Rosemonde Gérard (l'épouse d'Edmond Rostand) à cause du fameux vers "Aujourd'hui plus qu'hier et bien moins que demain" dont peu de gens connaissent l'auteur. Je reconnais que la poésie de Georges Brassens est nettement supérieure et j'en reproduis une partie ici (pas tout, à cause des droits d'auteur, ce n'est pas le mot "con" qui me choque):
Quand ils sont tout neufs
Qu'ils sortent de l'œuf
Du cocon
Tous les jeunes blancs-becs
Prennent les vieux mecs
Pour des cons
Quand ils sont d'venus
Des têtes chenues
Des grisons
Tous les vieux fourneaux
Prennent les jeunots
Pour des cons
Moi, qui balance entre deux âges
J'leur adresse à tous un message
Le temps ne fait rien à l'affaire
Quand on est con, on est con
Qu'on ait vingt ans, qu'on soit grand-père
Quand on est con, on est con
Entre vous, plus de controverses
Cons caducs ou cons débutants
Petits cons d'la dernière averse
Vieux cons des neiges d'antan
(...)
Bonjour Xuan-lay,
J'adhère complètement à ton point de vue. J'ai écrit : "Le vieillissement fait peur ..." et non "Le vieillissement me fait peur ...". Chaque jour je pense à mes amis tôt disparus et je me dis que j'ai de la chance. Vieillir est une récompense.
Votre débat me rappelle un texte d'Épicure étudié au lycée. Il m'avait beaucoup plu. Habituez-vous à dire que la mort n'est rien et qu'il ne faut pas en avoir peur :
"Habitue-toi en second lieu à penser que la mort n'est rien pour nous, puisque le bien et le mal n'existent que dans la sensation. D'où il suit qu'une connaissance exacte de ce fait que la mort n'est rien pour nous permet de jouir de cette vie mortelle, en nous évitant d'y ajouter une idée de durée éternelle et en nous enlevant le regret de l'immortalité. Car il n'y a rien de redoutable dans la vie pour qui a compris qu'il n’y a rien de redoutable dans le fait de ne plus vivre. Celui qui déclare craindre la mort non pas parce qu'une fois venue elle est redoutable, mais parce qu'il est redoutable de l'attendre est donc un sot.
C'est sottise de s'affliger parce qu'on attend la mort, puisque c'est quelque chose qui, une fois venu, ne fait pas de mal. Ainsi donc, le plus effroyable de tous les maux, la mort, n'est rien pour nous, puisque tant que nous vivons, la mort n'existe pas. Et lorsque la mort est là, alors, nous ne sommes plus. La mort n'existe donc ni pour les vivants, ni pour les morts puisque pour les uns elle n'est pas, et que les autres ne sont plus. Mais la foule, tantôt craint la mort comme le pire des maux, tantôt la désire comme le terme des maux de la vie. Le sage ne craint pas la mort, la vie ne lui est pas un fardeau, et il ne croit pas que ce soit un mal de ne plus exister. De même que ce n'est pas l'abondance des mets, mais leur qualité qui nous plaît, de même, ce n'est pas la longueur de la vie, mais son charme qui nous plaît. Quant à ceux qui conseillent au jeune homme de bien vivre, et au vieillard de bien mourir, ce sont des naïfs, non seulement parce que la vie a du charme, même pour le vieillard, mais parce que le souci de bien vivre et le souci de bien mourir ne font qu'un. Bien plus naïf est encore celui qui prétend que ne pas naître est un bien et que la vie est un mal. Par exemple, celui qui dit : «Et quand on est né, franchir au plus tôt les portes de l'Hadès.»
Car si l'on dit cela avec conviction, pourquoi ne pas se suicider ? C'est une solution toujours facile à prendre, si on la désire si violemment. Et si l'on dit cela par plaisanterie, on se montre frivole sur une question qui ne l'est pas. Il faut donc se rappeler que l'avenir n'est ni à nous, ni tout à fait étranger à nous, en sorte que nous ne devons, ni l'attendre comme s'il devait arriver, ni désespérer comme s'il ne devait en aucune façon se produire."
Lettre à Ménécée (lettre conservée par Diogène Laërce),
traduction R. Genaille (1933).
« Ce n’est pas le jeune qui est bienheureux, mais le vieux qui a bien vécu : car le jeune, plein de vigueur, erre, l’esprit égaré par le sort ; tandis que le vieux, dans la vieillesse comme dans un port, a ancré ceux des biens qu’il avait auparavant espérés dans l’incertitude, les ayant mis à l’abri par le moyen sûr de la gratitude »
(Sentences vaticanes, n° 17 ; in Épicure, Lettres et Maximes, Paris, PUF, Épiméthée, 2003, trad. fr. de Marcel Conche, p. 251).
Le vieux est plus heureux que le jeune, car celui-ci a de nombreuses possibilités mais peu d’acquis tandis que celui-là a de nombreux acquis qui donnent alors lieu à de nouvelles possibilités : le plaisir sans cesse renouvelé de se rappeler les heureux moments de la vie passée.
Épicure voit dans la vieillesse l’âge par excellence de la gratitude, ce qui prolonge le commentaire du gardien ;-)
Le rire de l'ogre : à lire ici.
La vieillesse et tous ces termes que tu décris est ce que l'homme craint le plus. La mort, à mon avis, est moins source d'inquiétude que la décrépitude, la perte de ses capacités physiques et intellectuelles, la dépendance qui peut en découler. C'est un avenir très incertain qui s'ouvre à chacun de nous, après celui de la construction de soi, il faut envisager la déconstruction, la démolition. Pfffff dur dur ;-)) Restons optimiste, on ne peut pas être et avoir été.
Il faut prendre les lois de la vie comme elles sont. Si tu acceptes la vie, tu dois accepter la mort.
Et si l'on vieillissait soi-même par "mimétisme compassionnel"?...Nous nous imitons sans en être tout à fait conscients, et quand ceux que nous aimons vieillissent, nous épousons un peu leur façon d'être de crainte de creuser la distance.
D'autre part,l'impérialisme social de l'âge,qui se décline souvent en décennies, fait de nous des êtres soit en pleine possession d'eux-mêmes, soit dans le retrait et le rejet.Mais la sénescence s'intériorise sournoisement par nos reculs,limitations et renoncements successifs.Peu importent l'image du miroir,et cette lutte sans merci pour sauver les apparences.Nous nous passons les uns les autres le masque, parce que la comédie se joue ainsi.A nous d'essayer,sinon de reculer,du moins d'oublier l'heure des changements ,en regardant le ciel, la nature, nos semblables,sous l'angle de l'intemporalité...
Vieillir ensemble est très beau. Bien sûr, il faut ici donner à "ensemble" toute sa prégnance, toute sa force.
J'ai constaté que les jeunes s'ls n'ont pas de la répugnace pour les vieillards, ils sont au moins indifférents à leur mode de vie. Je fais le contraire, me disant que la veillesse et la mort representent un avenir certain. J'ai toujours pris du plaisir à m'approcher des vieux pour discuter, écouter surtout et répondre à leurs petits besoins. Résultat, physiquement, je parais 20 ans de moins. Mais le plus beau c'est mon intérieur. Le matin comme le soir je vis dans une euphorie constante. Si je ne deteste pas la fréquentation, la solutude me donne du bonheur. Dans tous les domaines, j'aime tout ni haine ni jalousie, toujours optimistes même devant les catastrophes. Même pendant ces massacres et ces guerres injustes que nous vivons à notre époque, je ne déplore pas les morts, ce sont ces veuves, ces orphelins et ces handicapés qui me donnent de la peine. Je suis devenu un géant au pieds d'argile. Je supporte tous les malheurs, mais ne peux assister à la souffrance des autres.