Réséda
Par le gardien le lundi 21 mai 2007, 00:00 - Singumots - Lien permanent
La Rose et le Réséda
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Tous deux adoraient la belle
Prisonnière des soldats
Lequel montait à l'échelle
Et lequel guettait en bas
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Qu'importe comment s'appelle
Cette clarté sur leur pas
Que l'un fut de la chapelle
Et l'autre s'y dérobât
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Tous les deux étaient fidèles
Des lèvres du cœur des bras
Et tous les deux disaient qu'elle
Vive et qui vivra verra
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au cœur du commun combat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Du haut de la citadelle
La sentinelle tira
Par deux fois et l'un chancelle
L'autre tombe qui mourra
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Ils sont en prison Lequel
A le plus triste grabat
Lequel plus que l'autre gèle
Lequel préfèrent les rats
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Un rebelle est un rebelle
Deux sanglots font un seul glas
Et quand vient l'aube cruelle
Passent de vie à trépas
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Répétant le nom de celle
Qu'aucun des deux ne trompa
Et leur sang rouge ruisselle
Même couleur même éclat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Il coule il coule il se mêle
À la terre qu'il aima
Pour qu'à la saison nouvelle
Mûrisse un raisin muscat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
L'un court et l'autre a des ailes
De Bretagne ou du Jura
Et framboise ou mirabelle
Le grillon rechantera
Dites flûte ou violoncelle
Le double amour qui brûla
L'alouette et l'hirondelle
La rose et le réséda
Louis Aragon.
Commentaires
oups : « Lequel préfèreNT les rats ».
À signaler : jolie mise en musique par La Tordue (que je n'apprécie guère en général, mais sur ce texte ils sont très bon)s.
Pas d'accord : "Lequel (sous-entendu des deux) préfère les rats"
Magnifique poème ... mon préferé avec l'Affiche rouge.
Après trois ans
Ayant poussé la porte étroite qui chancelle,
Je me suis promené dans le petit jardin
Qu'éclairait doucement le soleil du matin,
Pailletant chaque fleur d'une humide étincelle.
Rien n'a changé. J'ai tout revu : l'humble tonnelle
De vigne folle avec les chaises de rotin…
Le jet d'eau fait toujours son murmure argentin
Et le vieux tremble sa plainte sempiternelle.
Les roses comme avant palpitent ; comme avant,
Les grands lys orgueilleux se balancent au vent.
Chaque alouette qui va et vient m'est connue.
Même j'ai retrouvé debout la Velléda
Dont le plâtre s'écaille au bout de l'avenue,
- Grêle, parmi l'odeur fade du réséda.
Paul Verlaine, Poèmes saturniens.
Il me semblait bien que je connaissais un autre poême dont le nom de cette fleur était le dernier mot.
J'avais retrouvé ce poème, appris autrefois sur les banc de l'école, en faisant mes recherches pour préparer le billet. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir qu'il est de Verlaine, ce que j'avais complètement oublié.
Sur le commentaire de "le gardien" :
Il y a une coquille dans le texte ici recopié, qui fausse le sens ! Aragon a écrit :
"Lequel préfèrENT les rats"
Ce sont les rats (sujet) dont il se demande lequel des deux prisonniers ils préfèrent... sous-entendu, évidemment : aucun des deux,ou tous les deux, qui sont logés à la même enseigne !
Je veux bien, mais il me faut une preuve absolue. Je n'ai pas le texte imprimé sous la main. Sur Google quand on tape "lequel préfère les rats" (avec les guillemets) on obtient de nombreuses occurrences. Quand on tape "lequel préfèrent les rats" on en a deux. Si quelqu'un peut me prouver qu'Aragon a écrit un pluriel je suis prêt à changer. Pour cela il faut m'envoyer le scan du poème tiré d'un livre orignal, avec les références du livre.
On se demande à quoi l'un des deux préférerait les rats… je n'ai pas d'exemplaire sous la main, mais le sens plaide clairement en faveur du pluriel.
Ca y est ! j'ai enfin trouvé une édition originale de la Diane française : vérification faite, c'est bien "lequel préfèreNT les rats" qu'il faut lire.
Pourquoi le réséda ? J'aurais pensé que c'était une allusion aux Juifs dont on teignait la rouelle à partir du réséda, au Moyen Âge.
Je n'ai fait que réécrire ce que j'ai lu.
Il est clair que le sens plaide en faveur de "lequel préfèrent les rats". Au futur (pour aider)ça donnerait "lequel préféreront les rats" : ce sont bien en principe les rats qui "bouffent" le moribond et pas l'inverse.
TRES beau poème d'Aragon...
C'est un beau poème et la politique NE l'a PAS tué!
Amicalement.:))
SAMIA qui défendra toujours la poésie engagée.
Non la politique ne l'a pas tué. Il n'empêche que les poèmes politiques d'Aragon ne sont en général pas bons. Raison de plus pour apprécier celui-ci.
Je n'avais pas pensé au "futur" qui, évidemment nous donne : lequel préféreront les rats.
Mais, tout de même, avec un petit peu de réflexion...
Et puis, même "à l'oeil" c'est plus joli au pluriel! Non?