Mercredi 5 novembre 2007. Le grand amphithéâtre en demi-cercle de l’Université Lumière (Lyon 2), refait à neuf, est plein à craquer. L’historien et philosophe des sciences Michel Serres, seul sur l'estrade, à l'aise malgré l'imposante solennité du lieu, aborde sur un ton simple et direct le thème de l'invention.

Une société, dit-il, vit sur ses propres « formats ». Elle n’a pas envie d’en changer car la nouveauté dérange. Elle ne connaît que le reconnaissable, c’est-à-dire le déjà connu, c’est pourquoi les nouvelles ne sont jamais nouvelles. Aux idées créatrices, elle préfère les idées reçues, lesquelles sont à la portée de tous, donc rassurantes. Inventer c’est quitter les meilleurs modèles, lâcher les formats habituels pour en trouver d’autres, et faire que le passé ne soit plus pensable. Le sujet doué et qui reste « dans le format » se contente d’extrapoler. Celui qui est doué mais « hors format » est à même d'inventer. Imprévisible, difficile à reconnaître, isolé, il est nécessairement méconnu.

Michel Serres manie à merveille le paradoxe (« Apprends tout ce que tu peux, gave-toi, puis jette tout par la fenêtre »), l’oxymore (« Tu ne peux inventer que dans la docte ignorance »), et fait de la poésie sa servante (« Inventer, c’est tenter d’imiter le geste des choses »).