En prison dans nos cellules

Avant d’aller plus loin, vous devez savoir que la suite de ce billet est alarmiste . Si vous préférez dormir tranquille et mourir par ignorance arrêtez ici votre lecture.

Les nanoparticules permettent d’améliorer les performances des matériaux. Grâce à elles une révolution industrielle est en marche mais les rejets d’usine et les fuites pendant le transport font qu'elles sont présentes dans l’environnement. Elles contaminent l’air, l’eau et le sol, la faune et la flore, sans qu'on sache véritablement comment elles interagissent avec les molécules qu’elles rencontrent.  L’air des villes contient des nanoparticules issues de la combustion des hydrocarbures (trafic automobile, chauffage, activité industrielle). Le diesel, qui produit jusqu’à 81 % des éléments liés au trafic, relargue des particules de carbone dont la taille varie entre 10 et 80 nanomètres.

Il est encore trop tôt pour connaître tous les tenants et aboutissants de la technologie des nanoparticules, laquelle a pris naissance en 1990 et n’est pas encore arrivée à maturité. Il est à peu près certain, cependant, que les nanoparticules traversent les barrières biologiques. Du fait de leur petite taille elles peuvent pénétrer dans l’intimité de nos cellules par inhalation, voie digestive ou par la peau, et le prix à payer en termes de santé est encore inconnu. Même si l'on peut prévoir des avancées en termes de diagnostic au niveau cellulaire, elles pourraient également donner des inflammations du tissu pulmonaire, peut-être même des maladies comparables à celle que provoque l’amiante.

En tout cas elles sont présentes dans notre quotidien puisqu’on en trouve dans certains écrans solaires (elle les rendent transparents), cosmétiques, parfums, peintures, vernis pour meubles, et même dans des produits alimentaires.

La nanomalbouffe

L’agriculture va bientôt s’en emparer dans le but de diminuer le recours aux engrais et aux pesticides classiques, « améliorer » les semences et la qualité des animaux d'élevage, et créer ainsi de nouveaux produits « nano-bio-industriels ». La miniaturisation ne s’arrêtera pas à la technique des OGM et à l’échelle des gènes, étape où l'on en est actuellement. Dans le domaine alimentaire, elle va descendre jusqu’à l’atome et nous proposer – si nous avons de la chance – ou nous imposer si aucune mesure n’est prise en matière d’étiquetage - des nano-aliments. Demain la couleur, la saveur, la teneur en éléments nutritifs et en conservateurs sera régulée par les nanoparticules.

Les envahisseurs sont dores et déjà parmi nous, et à notre insu, en particulier l’argent (antibactérien utilisé dans les compléments alimentaires, les dentifrices, les emballages, les réfrigérateurs), le dioxyde de silicium (additif E 551, qui absorbe l’eau, on en trouve dans certains ketchups, ce qui les rend plus épais), le dioxyde de titane (utilisé pour empêcher le chocolat de blanchir, et aussi pour rendre les crèmes solaires transparentes), le silicate d’aluminium (qui empêche les aliments en poudre de faire des grumeaux). Les nanoparticules pourraient aller jusqu’à modifier à la demande la composition des aliments en fonction des allergies du consommateur, lui proposer des goûts, textures et arômes inconnus… Sans parler des particules introduites dans les emballages.

Bien sûr les autorités européennes étudient cette question. Elles sont conscientes qu’elles doivent nous garantir un niveau élevé de protection. Pour l'instant, la législation européenne concernant l’alimentation « intelligente » est muette, en particulier sur la taille minimale des additifs alimentaires. Autrement dit, il y a encore plus insidieux et plus grave, en termes d’information publique, que la crise financière et  la grippe A(H1N1)…

Il manque à l’appel une évaluation précise des risques encourus par les consommateurs et un étiquetage spécifique pour les aliments contenant des nanomatériaux. Aucun d'entre eux ne devrait être mis sur le marché tant que son innocuité n'est pas prouvée. Or, pour l’instant on ne sait rien. Quelle est le devenir des nanoparticules dans l’organisme ? Le dossier est vide alors qu’elles sont déjà en circulation, ou, plus exactement, il ne contient que des déclarations d’intention de la part des autorités, alors que l’industrie agro-alimentaire est muette sur ses pratiques et que le débat public commence à peine.

La Commission européenne a pourtant demandé son avis à l’Autorité européenne de sécurité des aliments. Réponse : nous ne sommes pas sûrs que les tests de toxicité soient fiables. Comme il y a déjà 2000 nanoparticules en circulation dans le commerce, présentes dans plus de 600 produits de consommation, nous pouvons dire que, si nous sommes de plain pied dans l'innovation et le progrès, notre avenir est peut-être derrière nous.

Autrefois nous mangions des tomates parce que nos ancêtres en avaient mangé avant nous. Nous savions qu’elles étaient bonnes, utiles pour notre santé et sans danger. Aujourd’hui les technosciences nous manipulent de l’intérieur en nous faisant ingérer ce que l’industrie agroalimentaire a décidé de nous distribuer et, à l'évidence, sans avoir fait le tour de la question. Accepterons-nous d'avaler ça ? Souvenons-nous de la légende de l’apprenti sorcier, et pas seulement dans la poésie de Goethe, la musique de Paul Dukas, le film de Walt Disney. Ne laissons pas, suivant en cela la pensée de Jacques Ellul, le système technicien se substituer à la culture. 

Le nanolithique

Je propose d'ajouter aux nombreux néologismes cités plus haut,  nanolithique, pour marquer l'état où nous en sommes aujourd'hui, l'âge des  profondes mutations vers la civilisation des nanotechnologies. Espérons que nous ne serons jamais amenés à forger le dernier d'entre eux, celui qui préludera à la disparition de l’humanité, nanobioterrorisme.