De tous les maîtres de la photo, Willy Ronis est sans doute le plus authentique. Sans jamais trahir les règles de la simplicité ses clichés regorgent d'émotion et de vérité.

Témoin, son Nu provençal, cliché né du hasard dans la maison de Gordes où il passe ses vacances pendant l’été 1948. Ronis aperçoit son épouse Marie-Anne de dos, nue, élégamment penchée sur la vasque ronde d’un meuble de toilette. Il prend son Rolleiflex, gravit les deux premières marches de l'escalier du grenier. On l’imagine appuyant sur le déclencheur en se réjouissant de la bonne lumière. Il sait déjà que tout est en place, que la ligne de corps offre une  courbure  sans défaut et la pénombre une tendre complicité. Il choisit son cadrage et appuie quatre fois - quatre fois seulement - sur le déclencheur.

L'image développée lui confirme qu'il a vu juste. Dans un coin, la chaise ouvre la scène, respectueuse et solide, sans vilaine curiosité. La paillasse, le tenon et son mortier, le broc prolongent la diagonale qui nous mène à la source de lumière. Le volet, tourné vers l’intérieur, ferme l’image. Le miroir couronne le modèle. Le vieux sol met en valeur la nudité.

La rigueur de la composition, le noir et blanc, la géométrie confrontés à la douceur du nu, font de ce cliché un exemple réussi de délicatesse et de pudeur.