Le référentiel bondissant n’était pas aléatoire mais il représentait, malgré tout, un danger pour les séparateurs vitrifiés. On ne pouvait s’en servir, dans l’espace interstitiel de liberté, qu'en faisant bien attention de ne rien casser, et seulement quand l'inducteur de métacognition l’autorisait.

Bientôt c’était la fin du temps réglementaire de solidarité. Les enfants du cours d'introduction à la vie scolaire entraient en rang par deux dans leur espace référentiel d'encadrement. Ils apprenaient la motricité sémantique appliquée en faisant glisser, d’une extrémité préhensile souple, leur lame métallique gorgée de préparation couvrante sur du broyat de chiffons quadrillé, tout en veillant à respecter l'espace réservé latéral gauche. Les géniteurs d'apprenants n’en attendaient pas moins de l’école. Ils ne voulaient pas être affublés de continuateurs patrimoniaux dont tout le monde saurait qu'ils étaient en état de fragilité pédagogique, et dont les zones d'ignorance seraient contreproductives. Ils tenaient à la réputation de leur unité socio-matrimoniale. Hélas, de nombreux apprenants en déficit de motivation, malgré les recommandations les plus farouches, se mettaient régulièrement en phase de repos intentionnel. Leur inappétence globale pour le savoir et leur caractère réfractaire à toute dépense intempestive d'énergie en étaient les causes principales. Ils savaient tirer le meilleur parti de leur minimalisme neuronal. On ne trouvait chez eux nulle trace, virtuelle ou concrète, d'affinité didactique et l’on pouvait affirmer sans crainte que le principe d'acquisition des connaissances était contraire à leur capital notionnel de base. Du même coup, leur écart de progression s’en trouvait substantiellement extensible. Ils avaient en particulier une conscience métalinguistique faible et une hostilité marquée envers les élèves intensément créatifs.

Leurs connexions cérébrales étaient pauvrement investies mais, malgré tout, leur processus de réflexion était accessible au principe de déblocage accéléré si on savait induire chez eux un enthousiasme graduellement normalisé. Leurs possibilités étaient voisines du degré zéro de l'entendement mais une vague lueur oculomentale indiquait chez certains un éveil possible si on parvenait à jeter une étincelle de parole dans le désert de leur inaction. Ils ne pouvaient que mieux faire, à condition, certes, que le contexte dialectique s'y prêtât et que les lacunes qui leur tenaient lieu de capacités mentales s'estompassent de façon radicalement exponentielle. Vu les prémisses infraliminales de leur entendement ils ne pouvaient prétendre au passage dans l’unité pédagogique d'incrémentation qu’en ouvrant régulièrement, avec la curiosité d’un primate musophile devant un miroir, leur matériel typographique de connaissances et en redoublant, sans manifestation entropique démesurée, leurs renforcements énergétiques programmables. Ils étaient parfois victimes d’un ralentissement circadien de leur cycle de vigilance qui les poussait à caler leur horloge biologique sur l'heure estivale de l'hémisphère sud. Leur manque d'accomplissement responsable les amenait à avoir des attitudes peu propices à l'orthodromie. Leur sens inné du décalage rhétorique grimaçant les conduisait à détourner du droit chemin intellectuel leurs analogues co-scolarisés et à corrompre l’unité des groupes d’attention sans se soucier de l'organisation scolaire imposée. Ils étaient tentés d'occuper un point de vue élevé et panoramique, ce qui leur permettait de surveiller l’ensemble d’apprenants sans problème. Leurs motivations compulsives à opérer des déplacements multicentriques impromptus venaient du plaisir qu’ils avaient à provoquer une pénurie générale d’attention. Il leur arrivait parfois de se livrer à des actes d'accaparement cumulatif proximal, qu'ils faisaient ensuite semblant de regretter dès qu'ils sentaient l'imminence d'une déclaration potentiellement critique ou d'une tâche impérative de réparation de la part de leur inducteur pédagogique. Ils craignaient de se retrouver en état d’isolement réflexif prolongé. Ils évitaient en outre d’être l’objet d’une impopularité collective déclarée qui les guettait quand ils allaient trop loin.

Ils faisaient preuve d’une organisation aléatoire de leur potentiel noétique à chaque fois qu'ils devaient opérer une restitution orale de connaissance ou se livrer à un travail prérequis. Bien sûr ils étaient tentés de se mettre en état de compétence hyperdocumentée mais ils se retenaient car ils avaient une défiance anticipatrice majeure de recevoir l'ordre de se changer en bissectrice angulo-murale. Ils étaient prêts à tout subir, depuis le discours hétéro-référentiel jusqu’à la mission d'allégeance disciplinaire chez le conseiller principal d’éducation et à la menace d’une attribution compensatoire négative au test évaluatif de fin d'études. C’était une époque où la pratique de l’extension postéro-itérative du pied était encore permise et plus efficace que la rélégation en unité de promotion différée ou la convocation des auxiliaires biologiques d'éducation pour information circonstanciée et éventuellement le raccompagnement unilatéral définitif.

Bref, ils étaient en état de viduité intellectuelle décompensée, avec une inclination au défaut de construction logique et à l'incompétence en matière d’action planifiée. Ils se moquaient des sollicitations éducatives répétées et se sentaient non concernés par la projection antérograde personnelle. Leur marge d'évaluation compensée était si réduite qu’ils prétendaient ne pas être intéressés par son comblement. Leur seul avantage était qu'ils n’agissaient pas en opposants systématiques pendant les heures d’activité polymusculaire rythmée ou les conférences d'académie picturale. A part ça, ils faisaient tout pour conserver un niveau isométrique de formation. Au bout de quelques années ils finissaient par sortir de l’encadrement éducatif structuré sans la moindre attestation de réussite scolaire.

C’est pourquoi les séances de liberté aérée collective avaient tant d’importance pour eux et qu’ils y étaient si habiles à manier avec adresse le référentiel bondissant.

[Retrouvez ce billet dans L'Almanach 2009 du Garde-mots]