Sidonie Gabrielle Colette, dite Colette (1873-1954), raconte (Dialogues de bêtes, extrait de « Les vrilles de la vigne », 1908), avec un style éblouissant, les petites conversations au quotidien entre le chat Kiki-la-doucette et le bouledogue Toby-Chien. Ils parlent surtout de leurs maîtres, désignés par les vocables « Elle » et « Lui ». Dans ce passage, rapporté par Toby-Chien, « Elle » déclare qu’elle entend faire ce qu’elle veut :

« Et le monotone public des premières ne verra plus mon sourire abattu, mes yeux qui se creusent de la longueur des entractes et de l’effort qu’il faut pour empêcher mon visage de vieillir, – effort reflété par cent visages féminins, raidis de fatigue et d’orgueil défensif… Tu m’entends », s’écria-t-Elle, « tu m’entends, crapaud bringé, excessif petit bull cardiaque ! Je n’irai plus aux premières, – sinon de l’autre côté de la rampe. Car je danserai encore sur la scène, je danserai nue ou habillée, pour le seul plaisir de danser, d’accorder mes gestes au rythme de la musique, de virer, brûlée de lumière, aveuglée comme une mouche dans un rayon… Je danserai, j’inventerai de belles danses lentes où le voile parfois me couvrira, parfois m’environnera comme une spirale de fumée, parfois se tendra derrière ma course comme la toile d’une barque… Je serai la statue, le vase animé, la bête bondissante, l’arbre balancé, l’esclave ivre… »

N’est-ce pas un texte à vous faire aimer la littérature ?