Récréation
Par le gardien le vendredi 12 novembre 2010, 00:00 - Gardimots - Lien permanent
Dans son enfance on le trouvait attendrissant et lui-même se félicitait de tous les baisers, bons points et bonbons qu’il recevait.
Un jour, vers ses dix ans, un de ses camarades lui donna un méchant coup de poing sur le nez et il saigna abondamment. Tout ce qu’il trouva à dire fut « merci », puis il s’éloigna sans pleurer. Bien entendu, il fut la risée de la classe. Une dizaine de ses copains, au moins, avait assisté à la scène. Ils se firent un plaisir de la raconter encore et encore à qui voulait l'entendre. À force d‘être la cible des enfants de son âge, il finit par comprendre qu’il était différent.
Il ne parla pas de l’incident à la maison. Mais un jour qu’il se trouvait à la pêche avec son grand-père, il eut soudain l’urgence de tout dire. Il raconta son histoire et, à sa grande surprise, son grand-père ne se moqua pas de lui. Il se contenta de lui glisser à mi-voix:
- Quand j’étais petit, j'agissais comme toi… »
- Comme moi ? Je ne suis pas comme les autres ?
Le grand-père avait un air très sérieux. Il ne le regardait pas car il était en train de ferrer un poisson.
- Non. Tu sais ce que ça veut dire « Imbécile » ? « Merde » ? « Va te faire voir » ?
- Mes copains disent des mots comme ça quand ils ne sont pas contents…
- Et toi, tu les répètes ?
- Jamais, je suis toujours content.
- Et tu les comprends ?
- Pas vraiment…
- C’est bien ce que je craignais. Tu as la même maladie que moi…
- Dis-moi, Grand-père… C’est grave ?
- Non. Mais ça empêche de grandir.
Une fois chez lui, le gamin se mit à réfléchir. Il faut que je trouve une injure très méchante, très grave. Je voudrais bien me fâcher avec Julien car il a copié sur moi. Demain je lui dirai un gros mot et toute la classe le saura. Ils finiront par me laisser tranquille.
Oui, mais comment trouver un gros mot ? Quelque chose de bien sonore et d’inoubliable. Il pensa alors à ses voisins de palier qui se disputaient toutes les nuits. Comme on était en été et qu’il faisait très chaud ils ouvriraient la fenêtre à la nuit tombante et, une fois au lit, commenceraient comme d’habitude à crier très fort. Au lieu de se boucher les oreilles avec les mains pour pouvoir dormir, ce soir, il les ouvrirait très grandes.
Il dut attendre assez longtemps dans le noir avant d’entendre du bruit dans l’appartement d’à-côté. Soudain, peu avant minuit, le concert familier recommença. D’abord des cris de femme, inarticulés, répétés, sans signification, auxquels se mêlaient de temps à autre ceux de l’homme. Puis les mots commencèrent à venir mais il ne les comprenait pas. Il se demandait comment il allait faire pour en attraper quelques uns. De surcroît, il n’était pas sûr de pouvoir les retenir. Il y eut enfin un grognement qu’il avait déjà entendu, sans bien trop savoir de quoi il s’agissait. Quelque chose comme « Vas-y. C’est bon… » Ça lui parut intéressant et il s’endormit en se disant que ses copains allaient enfin l’entendre.
Le lendemain, à la récréation, il alla trouver Julien et lui reprocha d’avoir eu une meilleure note que lui au devoir de mathématiques, alors que d’habitude il collectionnait les zéros. À coup sûr il avait copié sur lui. Julien répliqua par un coup de poing sur son oreille gauche qui déclencha un attroupement.
En colère, pour la première fois de sa vie, et fier de l’être, il répliqua du tac au tac :
- Vas-y. C’est bon…
Alors toute la classe tomba à bras raccourcis sur lui et il ne dut son salut qu’à la sonnerie de la reprise des cours.
Commentaires
Tu as raison. J'ai confondu deux homophones pallier (un inconvénient) et palier (la plate-forme située à tous les étages d'un immeuble). Merci.
Quant à ton avis sur la fin, je le comprends. Cependant je pense que chacun lit une nouvelle ou un roman à sa manière. Pour info, je n'ai pas voulu mettre du masochisme (autrement dit du plaisir) mais de la naïveté. Il y est, il y reste. Un texte échappe toujours à son auteur.
"Confort m'aimant" à mon pseudo qui ne ménage pas l'équivocité et par là-même l'indulgence du "serf " au bois dormant , le "goinfre" lexical de service que vous semblez représenter à mes "cieux" devait peut-être s'attendre à ce que je réagisse opportunément à cette dernière livraison.
Premièrement et " Alain-star",non, pardon à l'instar de Dandyland, j'ai achoppé, bien que ce ne soit "pas lié" à l'intérêt ou au fond de la chose en question sur la-dite "flote" d'orthographe au motif que celle-ci relevait non pas d'un accord mais plutôt d'un "déjà corps" fondamental de sens !
Deuxièmement, j'ai bien entendu ou lu le mot naïveté exprimé dans votre post à condition que ce vocable réponde à la définition suivante : caractère de ce qui
décrit, de ce qui représente la réalité telle qu'elle est, ou éventuellement en la simplifiant, sans rechercher d'effet.
Troisièmement et pour conclure pourquoi cette détente, cette distraction, ce délassement qui succède à un travail, à une occupation sérieuse d'apparition - sur votre site - de mots savoureux, rares, inédits, inusités qui coagulent les aspects protéiformes de notre sagacité, à moins que "voussoyez" en (dé)mesure de me ou de nous expliquer les "tenons" et les aboutissants de cet "anchois" là !
Votre travail reste néanmoins remarquable ...et mes récentes contributions formelles journalières et mes consultations de longues dates l'attestent sans doute...
Bonjour Mr le Gardien,
votre texte me fait penser au thème du pardon.
Pour pouvoir pardonner à celui qui vous a fait mal, il faut d'abord se pardonner à soi-même de lui avoir permis de vous faire du mal et c'est ce premier pardon qui est le plus difficile à vivre.
Peut-être du fait de notre orgueil, de nos égos démesurés? Alors, on se dit : "comment ai-je pu être aussi soumis ou soumise?"
Bien souvent, à moins d'être prisonnier et de ne pouvoir échapper à la torture de l'Autre, nous pouvons toujours nous délivrer nous-même du mal que l'on veut nous faire.
Mais, nous restons impuissants, la plupart du temps, face au mal, parce que trop dépendants affectivement ou financièrement de nos bourreaux.
La liberté a bien souvent un prix hélas : celui de la solitude.
Pour retrouver le chemin de la joie, il faut pouvoir entrer dans le pardon et la fin de toute exclusion.
Faire UN avec la Vie.
Merci pour votre Garde-mots Alain Horvilleur. Il est comme une petite lumière dans l'obscurité.
A bientôt.
Niobé.
devalmont. Merci pour ce long et plaisant (à tous les sens du terme) commentaire. Comme toues les nouvelles que je publie dans le Garde-mots, celle-ci avait pour but, à l'origine, de me faire pratiquer "l'aventure par l'écriture". Je pars d'une idée sans savoir où elle me mène. J'aurais pu m'arranger pour que le garçon protestât sous les coups. Il n'y aurait plus eu de masochisme. Était-ce dans la dynamique du personnage ?, j'en doute. À propos (répondez seulement si ça vous chante) : est-ce que votre pseudonyme à un rapport avec Les liaisons dangereuses ?
Niobé. C'est exactement, très exactement même, mon point de vue sur le pardon. Qu'est-ce que c'est bon de pardonner. Pardonner sans oublier, naturellement (comme disent les anglo-saxons : "forgive but not forget").
Je réponds sans ambages à votre intrigante question : mon pseudo a-t'il un rapport avec les (dé)liaisons dangereuses, équivocité oblige, je vous répondrais par une forme de stratégie de...contournement claire, non "halant-biquet" et de fait accessible au moindre "bleu(s)" passant par là : " Mais Mme de Volanges ne croit pas à cette théorie, puisqu’elle fait un portrait très noir de Valmont à la Présidente de Tourvel et écrit ces mots : " Quand il ne serait, comme vous le dites, qu’un exemple du danger des liaisons, en serait-il moins lui-même une liaison dangereuse ?. Le discours de Mme de Volanges est clair : la simple fréquentation de Valmont peut pervertir la réputation la plus établie"...par un développeur de site "seyant, par exemple ! " wouahh ! j'en frémis pour vous "ôtres" les intern'autres qui écrivent naïvement à "des uns" !
Pardon, mon gardien-passeur-Janus mais après tant de propos dits-sonnants", "incon-venant(s)", ai-je encore une voi(e) non dévoyée à faire valoir parmi vous ?
A défaut d'autres choses sachez que votre propension pour l'aventure "scribturaire" vous honore et je vous répondrais au "temps" que faire ce "putt" si ça me "sente" et si ça ne me "des-cerfs" pas outrageusement, autant dire qu'il y a d'la marge à la "péri-féerie" de vos dire(s) !
devalmont. Vous êtes ici chez vous. Revenez quand vous voulez. Vous vous cachez derrière des calembours. C'est amusant et pas gênant.
ver00. "Puérilité" me va encore mieux que "naïveté", que j'emploie plus haut. C'est exactement ce que j'ai voulu faire, sans me bloquer à l'intérieur du concept. La preuve : je n'ai pas pu le nommer d'emblée.
Je ne me cache pas, "j'écache", j'écrase, j'émousse, j'déforme, "moi quand on m'en fait trop, j'correctionne plus, j'dynamite, j'disperse, j'ventile..." J'vais lui montrer moi qui c'est Raoûl...à mes risques et "puérils". Bienvenu(e) chez toi !
Les mots ne "raisonnent" pas tous de la même façon en nous.
Pour ma part, "puéril" me semble un peu péjoratif, synonyme de superficiel.
Face à l'abus de pouvoir, de violence, de domination, de perversion, etc. c'est plutôt la naïveté et l'innocence qui seront à jamais perdues.
Mais le "vas-y c'est bon", il m'a fait bien rire! Pas pour le masochisme mais pour l'errreur d'interprétation de mots et de situations de la part de l'enfant (déjà un peu rendu adulte car confronté à l'abus).
C'est difficile de s'accepter les uns les autres malgré nos différences, mais c'est aussi très enrichissant.
Lorsqu'on n'a pas pu comprendre un être humain sur son chemin de vie, parce qu'il était différent de nous, ça laisse parfois un sentiment de tristesse et d'amertume et parfois même de haine.
Bon we à tous vers la joie et les petits bonheurs.
PS : prenez bien soin de vous Véronique et de votre petite famille.
Je suis content de savoir que vous avez ri. Bonne fin de semaine.
A la réflexion, ta production formelle par association d'idées "m'effet" ou "m'effraie" penser à ceci, histoire de "pertinenter" les posts "navrants" ambiants de ton site que tu animes sans "conter" avec force ab-négation( désolé, mon "ami" mais tu commences à connaître les à-priori intrusifs, pertinents et sous-jacents de "devalmont" l'être ambivalent : Ta production narrative, du 12 novembre, relève en son fond du lien indéfectible entre langage et empathie cognitive. A quel niveau le langage interagit-il avec le sens de l'empathie ? Il permet bien entendu de partager nos émotions avec les autres d'une façon particulièrement efficace, car il agit à distance et véhicule les émotions par sa prosodie. Il est aussi un moyen puissant de régulation de nos propres émotions et de celles des autres. Les psychiatres et les psychothérapeutes apprennent à utiliser le langage pour induire des états affectifs chez "leurre" patients tout en se proté"géant" des effets négatifs que ceux-ci peuvent produire en retour sur eux."
Les études "neuro-logiques" montrent que la capacité à ressentir les émotions d'autrui dépend de zones sous-corticales et temporales, alors que leur compréhension dépend davantage de régions préfrontales, et la capacité à y répondre de manière appropriée fait intervenir des zones cingulaires."
Evidemment, on n'est là bien au-dessus des querelles ou des "quenelles lyonnaises" contre-productives mesquines et intestines à propos du sens ou de "l'un décence" des commentaires "insipides" sur la dimension "s'aime antique" du mot puéril..."mort de rire"! "Pesons à autres choses, please" !
Elevons le débat par le "ho!" "Pluto" que de le maintenir au niveau du "Mickey hollywoudien", s'il vous plait !..."Devalmont" se réclame de "Mickey'l" Onfray, et depuis toujours "d'Edgar Morin" et sa pensée " complexi-fiente" entre autres pensées "illégitimes"...j'emmerde la pensée "conservatrice" !
Dans votre phrase "transcultural", vous avez mis l'une g au lieu d'une f au début de l´oublie.
Saludos, Ana
Décidément:
- devalmont : veux-tu bien définir les mots que tu emploies ?
- ana : je ne vois pas à quel mot vous faites allusion...
Cher Gardien,
vous faites preuve de naïveté et d'innocence face à la perversion!
Mr Devalmont n'a pas besoin de définir ses mots ou de finir ses phrases. Il est clair qu'il se moque de vous et des commentateurs de ce blog, de façon cynique et désabusée.
Je reconnais là, pour ma part, un homme ou une femme en grande SOLITUDE.
Bonne soirée à vous et à tous les lecteurs et commentateurs de ce blog, sans aucune exclusion.
"Forgive but not forget" pas "gorget" (erreur de doigt on dit).
Merci, je corrige. L'expression française est coquille. On dit aussi lapsus calami (en latin : erreur de la plume).
Bravo, Niobé, votre billet est intéressant et juste, vous semblez nanti, habité d'une capacité d'empathie, d'une fine capacité à vous mettre à la place des autres, à comprendre voire à identifier les états mentaux, psycho-affectifs sous-jacents à l'expression formelle
Ce que le héros de dix ans de l'histoire contée ci-dessus par le Gardien n'arrive pas à faire, il n'a pas le dispositif spécifique qui lui permettrait de comprendre l'intention d'autrui soutenue par les mots...( lire à ce propos le nouveau livre de Boris Cyrulnik à propos du sentiment de honte )
Effectivement, et j'en reviens à ma réponse aux propos de Niobé, à moins d'être pathologiquement malhonnête, en partie aveugle sur soi-même c'est-à-dire incapable de pensées critiques sur ses propres ou impropres contenus "propositionnels", il m'arrive de céder à la tentation de la "causticité" par dérision au regard des formes de "réductions" ambiantes, il est vrai aussi par amertume ou par peur de la solitude, par goût effréné du jeu de mots "laids" justifié par le fait que je suis par ailleurs responsable depuis une quinzaine d'années du seul club de scrabble de notre municipalité qui compte -le club en question une trentaine de membres dont la plupart sont fondus de compétitions de tout niveau et pour certains parés de résultats remarquables...j'ai moi-même été qualifié en 1995 à la finale du championnat de France de Scrabble à Strasbourg où j'ai accédé par deux fois sur les marches du podium...voilà tout, et voilà qui explique accessoirement mon intérêt sincère pour ce site et pour son "développeur" !
Pour le reste, à savoir la tonalité parfois "cynisante", mordante, voire agressive de certains de mes propos, cela relève du "jeu" feint ou grossier plutôt que d'une posture authentiquement psycho-rigide ! Je cultive, exploite dans ma vie de tous les jours ainsi qu'au sein de mon club, le second degré comme on dit et tous les aspects "acceptables" du décentrement ou de la décentration, il m'arrive bien évidemment d'aller quelquefois trop loin, de ne pas savoir ménager les susceptibilités ambiantes, à mes risques et "puérils", encore une fois ! Au nom de cette décentration dont je serai prétendument capable, je vais commencé par vous dire qu'à l'avenir je tâcherai d'apparaître avec un peu moins de vergogne et un peu plus de, comment dire, de discrétion...et à ceux ou à celles que j'aurais embarassés, mea culpa.
Bonne journée.
Après cette explication je comprends mieux ta position. Je pensais, un peu comme Niobé, que tu faisais partie de ceux qui, dans leur commentaires sur ce blog, vont de plus en plus loin pour tester ma résistance.
Merci pour ta réponse, Gardien, pour ta largesse d'esprit et j'accepte au fond avoir été tenté comme on dit "inconsciemment" et non pas consciemment par l'envie de tester ta résistance aux chocs des mots portés, motivés quelquefois par une émotionnalité négative.
Bravo cela vous honore et inspire confiance.
Par ailleurs et pour ne pas me dérober à cette fameuse intuition de Niobé portant sur la solitude, mon probable sentiment de solitude, j'aimerais lui destiner cette citation dont je peux en toute bonne foi faire mienne : " L'homme tragique est un être séparé, qui refuse le monde ( ou à tout le moins certains de ces aspects ), que sa passion ou son exigence de pureté entraîne - parfois - hors de la réalité " et à ces mots sublimes, j'aimerais atteler ceci, ça fait raccord : " Chez Rembrandt, le principal intérêt du tableau n'est pas l'homme, mais la tragédie de la lumière mourante (...) combattue incessamment par l'envahissement de l'ombre."
Merci Niobé pour votre réponse nuancée, chatoyante et argumentée, cela sied à ma sensibilité esthétique et du même coup cela enrichit lexicalement et sémantiquement ce présent site...
P.S. : j'ai noté une grossière faute d'ortho. sur mon propre post : il fallait écrire "...à ceux ou à celles que j'aurais embarasséS " Désolé !
Serait ce un cas d'énantiodromie du syndrome de La Tourette ?
Vous parlez d'énantiodromie (passage brutal d'un extrême à l'extrême opposé) parce que l'enfant passe de la naïveté à la colère ? Ce n'est pas suffisant. Ce n'est certainement pas non plus un syndrome de Gilles de la Tourette car il n'y a pas de tics irrésistibles ni d'insultes.
non je disais cela parceque cet enfant semble incapable de mal parler
et je me demandais quel nom porterait un tel syndrome