Cette jeune femme à la peau de nacre, aux cheveux roux parsemés de perles, disciplinés avec un extrême raffinement, au front bombé et rasé selon la mode de l'époque, aux sourcils à peine marqués, à la bouche au dessin parfait, au cou réhaussé sans être démesurément long, aux seins fermes et fiers, se nomme Simonetta Vespucci (« Simonetta Ianvensis Vespuccia » comme l’indique l'inscription située en bas du tableau). Simonetta Cataneo (1453-1476), née à Gênes, considérée comme la plus belle femme de la Renaissance, épousa à Florence Marco Vespucci, cousin d’Amerigo Vespucci, le navigateur qui donnera son nom à l'Amérique. Elle fut la maîtresse de Julien de Médicis (1453-1478), frère de Laurent le Magnifique, qui commandera son portrait à Piero di Cosimo (1462-1521). Simonetta est morte de tuberculose quand le peintre avait 14 ans, il l’a sans doute représentée plus tard en toute connaissance de l’issue fatale.

Sa beauté idéale se détache sur un arrière-plan de nuages. L’un d’entre eux, plus noir que les autres, met en valeur son profil. Elle est tournée vers le passé, d’où se détache un arbre mort, comme si elle savait que ses jours étaient comptés. Son regard est absent, fixé sur un lointain auquel nous n’avons pas accès. Cette présence-absence du modèle est soulignée par le serpent qui s’enroule autour d’une chaîne et orne sa peau nue, symbole traditionnel de la tentation et qui donne au tableau une force inattendue. Fait-il partie intégrante du bijou ou est-ce un animal réel et menaçant ? Spectateurs médusés de la beauté universelle qu'il souligne, nous ne pouvons nous empêcher, en découvrant cet élément insolite, de penser à Cléopâtre. Le serpent annonce un destin tragique, mais il n’est pas obligatoirement cruel, car, selon la tradition picturale, il est le signe qu’elle connaîtra la vie éternelle. Quant au châle, dont la couleur est en correspondance avec celle des cheveux de Simonetta et en harmonie avec le sol,  on ne sait s’il la vêt ou la dévêt. Il souligne, en tout cas, la rondeur de l’épaule et réchauffe la scène.

Les détails de ce tableau sont peints en fonction de leur exacte nécessité, sans voyeurisme ni flatterie : la sensualité, la sérénité, la perfection, le tragique, le paysage, tout est maîtrisé entre réel et imaginaire. L’idéalisation du modèle, trop tôt disparu, est à ce prix.

D’autres peintres aideront Simonetta, dite La Sans-Pareille, à traverser les siècles, en particulier Ghirlandaio, et surtout Botticelli qui  la prendra comme modèle de la beauté dans une bonne partie de son œuvre, dont deux tableaux de la Galerie des Offices de Florence : Le printemps (1482) et La naissance de Vénus (1485).