Hiératique
Par le gardien le lundi 20 février 2012, 00:00 - Singumots - Lien permanent
Qui concerne les choses sacrées. Se dit
également, dans le domaine artistique, d'une attitude pleine de dignité, de
majesté, de sévérité, de raideur solennelle. Synonymes et mots voisins :
cérémonieux, compassé, figé, guindé, immobile, impassible, imposant, magistral,
majestueux, noble, olympien, pompeux, solennel. Du grec hieratikos,
propre aux usages sacrés.
Jan Van Eyck. Les époux
Arnolfini.
Huile sur bois, 81,9 × 59,9 cm.
National Gallery, Londres. 1434.
(Pour voir les détails cliquez sur le tableau, puis sur l'icône de plein
écran, enfin sur CTRL+ [Mac :
CMD+])
L'énigme
Ce tableau, une des œuvres majeures de Jan Van Eyck (1390-1441), représente Giovanni Arnolfini, et son épouse. Ce riche marchand de tissus, tapisseries et objets précieux, originaire de Lucques (Toscane), nous accueille à Bruges dans son intérieur typiquement flamand.
La mimesis est poussée à l'extrême grâce à l’œil « photographique » de Van Eyck. Le cadrage serré et la lumière latérale mettent en valeur les couleurs vives. Les attitudes sont figées, solennelles, hiératiques, et c’est peut-être ce qui est le plus fascinant. À gauche, sur la table basse, trois oranges, symbole d’opulence car elles coûtaient très cher à l’époque, confirment l’impression de confort.
On découvre sur le mur du fond la signature du peintre. Curieux endroit pour écrire en lettres gothiques : « Johannes de Eyck fuit hic 1434. », Jan Van Eyck fut ici 1434 ». Il n’a pas écrit « fecit », « a fait ceci », mais bien « fut ici ». Pourquoi intervient-il d’une manière aussi forte dans le tableau ? Faisons appel à des experts.
Le mariage en direct
L'interprétation généralement admise, et qui, lors de sa formulation en 1934, a modifié le cours de l’histoire de l’art, nous vient d’Erwin Panofsky. Il s’agit, dit-il, d’une cérémonie de mariage, attestée par le petit chien au premier plan (un griffon), symbole de fidélité conjugale. Nous assistons à une prestation de serment matrimonial, et d’ailleurs le marié lève la main droite. La richesse chromatique de la robe vert cru de la mariée en fait incontestablement le personnage principal. Contrairement à ce qu’on pourrait croire elle n’est pas enceinte. Elle ne fait, à la manière de l’époque, que ramener le tissu excédentaire sur sa taille haute.
Le tableau est un acte de mariage à valeur juridique. En effet, avant le concile de Trente (1545-1563) il suffisait de prêter serment pour être marié. La présence d’un prêtre n’était pas obligatoire. Mais où sont les témoins ? Nous n’avons pas à chercher bien loin. L’ensemble du tableau s’ordonne autour du miroir convexe, sous le graffiti, véritable centre géométrique de la scène et qui fait la renommée de l'œuvre. Son importance est soulignée par le cercle que forment autour de lui les bras du couple et le chandelier. Il constitue en outre le point de fuite, élément clef de la perspective, inventée vingt ans plus tôt par Filippo Brunelleschi (1377-1446).
Non seulement il augmente la profondeur de la pièce mais il fournit en abyme tous les éléments du réel figuré : les époux de dos, une image de la fenêtre donc un supplément de lumière, le mobilier, etc. Il y a aussi deux hommes, dont un en bleu que l’on pense être Jan Van Eyck. Il ne s'est pas représenté un pinceau à la main. C'est sans doute par ce détail absent qu'il nous indique l'importance de son rôle dans la scène.
Ce tableau, une des œuvres majeures de Jan Van Eyck (1390-1441), représente Giovanni Arnolfini, et son épouse. Ce riche marchand de tissus, tapisseries et objets précieux, originaire de Lucques (Toscane), nous accueille à Bruges dans son intérieur typiquement flamand.
La mimesis est poussée à l'extrême grâce à l’œil « photographique » de Van Eyck. Le cadrage serré et la lumière latérale mettent en valeur les couleurs vives. Les attitudes sont figées, solennelles, hiératiques, et c’est peut-être ce qui est le plus fascinant. À gauche, sur la table basse, trois oranges, symbole d’opulence car elles coûtaient très cher à l’époque, confirment l’impression de confort.
On découvre sur le mur du fond la signature du peintre. Curieux endroit pour écrire en lettres gothiques : « Johannes de Eyck fuit hic 1434. », Jan Van Eyck fut ici 1434 ». Il n’a pas écrit « fecit », « a fait ceci », mais bien « fut ici ». Pourquoi intervient-il d’une manière aussi forte dans le tableau ? Faisons appel à des experts.
Le mariage en direct
L'interprétation généralement admise, et qui, lors de sa formulation en 1934, a modifié le cours de l’histoire de l’art, nous vient d’Erwin Panofsky. Il s’agit, dit-il, d’une cérémonie de mariage, attestée par le petit chien au premier plan (un griffon), symbole de fidélité conjugale. Nous assistons à une prestation de serment matrimonial, et d’ailleurs le marié lève la main droite. La richesse chromatique de la robe vert cru de la mariée en fait incontestablement le personnage principal. Contrairement à ce qu’on pourrait croire elle n’est pas enceinte. Elle ne fait, à la manière de l’époque, que ramener le tissu excédentaire sur sa taille haute.
Le tableau est un acte de mariage à valeur juridique. En effet, avant le concile de Trente (1545-1563) il suffisait de prêter serment pour être marié. La présence d’un prêtre n’était pas obligatoire. Mais où sont les témoins ? Nous n’avons pas à chercher bien loin. L’ensemble du tableau s’ordonne autour du miroir convexe, sous le graffiti, véritable centre géométrique de la scène et qui fait la renommée de l'œuvre. Son importance est soulignée par le cercle que forment autour de lui les bras du couple et le chandelier. Il constitue en outre le point de fuite, élément clef de la perspective, inventée vingt ans plus tôt par Filippo Brunelleschi (1377-1446).
Non seulement il augmente la profondeur de la pièce mais il fournit en abyme tous les éléments du réel figuré : les époux de dos, une image de la fenêtre donc un supplément de lumière, le mobilier, etc. Il y a aussi deux hommes, dont un en bleu que l’on pense être Jan Van Eyck. Il ne s'est pas représenté un pinceau à la main. C'est sans doute par ce détail absent qu'il nous indique l'importance de son rôle dans la scène.
Commentaires
bonjour Monsieur le Gardien
le cadre du miroir en arrière plan (qui présente comme d'autres petits miroirs) ne présente-t-il pas un phénomène d' anamorphose?
il me semble y voir les personnages un peu déformés.
merci de ce très joli billet.
salutations distinguées
Ils ne sont pas vraiment déformés. On les reconnaît. L'image d'une anamorphose est énigmatique si l'on n'a pas un miroir convexe.
merci, et grâce à "Joël", il m'a semblé que le lien "image du miroir" permettait de voir, dans les petits détails du cadre, des scènes de la vie du Christ.
il ne s'agit donc pas d'une anamorphose, toutes mes excuses.
je retiens l'expression "faire Pâques avant les Rameaux" qui est amusante, et bien figurée.
Nous avons le même mot en espagnol (hierático) et cette fois, ce n'est pas un faux ami.
La peinture du mariage Arnolfini, c'était la grande innovatrice en ce qui concerne des images reflétées dans le miroir. En fait, dans Las Meninas , Velazquez, a utilisé la même idée : le reflet des rois qui observent ce qui passe dans la pièce où le peintre est en train de peindre l'infante Margarita.
En parlant des peintures,je me demande si on pourra dire que "Mona Lisa" a un sourire hiératique ?
http://www.noomuseum.net/noomuseum/Velasquez-0100.html
Non, je ne crois pas, ana. Son sourire est doux et son regard, comme vous savez, est mobile.
Merci Garde par votre réponse.
Le mot "impassible", dans vos synonymes, m'a fait penser à son sourire imperturbable…. impénétrable mais ....... sûrement jamais hiératique.
Surpise, Joël. J'ai trouvé une bonne image du miroir.
Bonjour!
Autre remarque dans le livre "les erreurs dans la peinture" : on observe une bougie du chandelier allumée alors que la scène se déroule en plein jour. Cette bougie n'est pas le fruit d'une négligence de Van Eyck mais un symbole : en tant que lumière, elle représente la foi, et en tant que chandelle qui se consume elle est la vie humaine dans sa fugacité...
Troublant détail...
Bonjour. Je parle de la chandelle allumée dans la suite de ce billet intitulée Viduité.