Sub dio
Par le gardien le jeudi 1 mars 2012, 00:00 - Singumots - Lien permanent
Expression empruntée au latin résultant d’une contraction du latin sub divo, de divum, le ciel, lui-même de divus, divin, tiré du grec dios, génitif de « Zeus », pris ici pour le ciel. Synonymes : dormir à la belle étoile, loger à la belle étoile, coucher à l’enseigne de la lune, dormir en plein air, coucher dehors
Jean-Jacques Rousseau emploie cette expression dans le livre IX de ses Confessions. Il décrit ses premiers jours à l’Ermitage (Montmorency) en 1756. Le fait de quitter Paris et d’habiter au sein de la nature le transporte de joie : « Je destinai, comme j’avais toujours fait, mes matinées à la copie, et mes après-diners à la promenade, muni de mon petit livret blanc et de mon crayon : car n’ayant jamais pu écrire et penser à mon aise que sub dio, je n’étais pas tenté de changer de méthode, et je comptais bien que la forêt de Montmorency, qui était presque à ma porte, serait désormais mon cabinet de travail. »
Dans ce passage du livre IV des mêmes Confessions Rousseau a décrit le plaisir de dormir à la belle étoile. Nous sommes à Lyon et son talent d’écrivain est à son apogée (1731) :
« Je me souviens même d’avoir passé une nuit délicieuse hors de la ville, dans un chemin qui côtoyait le Rhône ou la Saône, car je ne me rappelle pas lequel des deux [il s’agirait d’une anfractuosité dans un rocher au n° 22 de l’actuel quai des Étroits]. Des jardins élevés en terrasse bordaient le chemin du côté opposé. Il avait fait très chaud ce jour-là ; la soirée était charmante ; la rosée humectait l’herbe flétrie ; point de vent, une nuit tranquille ; l’air était frais sans être froid ; le soleil, après son coucher, avait laissé dans le ciel des vapeurs rouges dont la réflexion rendait l’eau couleur de rose ; les arbres des terrasses étaient chargés de rossignols qui se répondaient de l’un à l’autre. Je me promenais dans une sorte d’extase, livrant mes sens et mon cœur à la jouissance de tout cela, et soupirant seulement un peu du regret d’en jouir seul. Absorbé dans ma douce rêverie, je prolongeai fort avant dans la nuit ma promenade, sans m’apercevoir que j’étais las. Je m’en aperçus enfin. Je me couchai voluptueusement sur la tablette d’une espèce de niche ou de fausse porte enfoncée dans un mur de terrasse ; le ciel de mon lit était formé par les têtes des arbres ; un rossignol était précisément au-dessus de moi : je m’endormis à son chant ; mon sommeil fut doux, mon réveil le fut davantage. Il était grand jour : mes yeux, en s’ouvrant, virent l’eau, la verdure, un paysage admirable. Je me levai, me secouai : la faim me prit ; je m’acheminai gaiement vers la ville, résolu de mettre à un bon déjeuner deux pièces de six blancs qui me restaient encore. J’étais de si bonne humeur, que j’allais chantant tout le long du chemin ; et je me souviens même que je chantais une cantate de Batistin, intitulée les Bains de Thoméry, que je savais par cœur. » Jean-Jacques Rousseau, Confessions, Livre IV.
Mais le souvenir qu’il garde de Lyon au cours de ce voyage n’est pas globalement positif. Il écrit : « J’ai toujours regardé cette ville comme celle de l’Europe où règne la plus affreuse corruption. » (Confessions, livre IV). En effet au cours du même voyage il fait deux rencontres qui ne lui plaisent pas.
Un soir, il est assis place Bellecour, songeant à son argent en train de s’épuiser, quand un ouvrier en soie l’accoste et lui propose de « s’amuser de compagnie ». « Il ne voulait exactement, comme il me l’avait dit, que s’amuser et que je m’amusasse, chacun pour son compte ; et cela lui paraissait si simple, qu’il n’avait même pas supposé qu’il ne me le parût pas comme à lui. » Rousseau se met à fuir à toutes jambes. Quelques jours plus tard, toujours à Lyon il rencontre un abbé qui l’invite chez lui, car il s’apprête à dormir sur un banc à la belle étoile. Or l’abbé a les mêmes penchants que l’ouvrier en soie. Il écrit : « Plus instruit que la première fois, je compris bientôt son dessein et j’en frémis (…) paraissant très importuné de ses caresses et très décidé à n’en pas endurer le progrès, je fis si bien qu’il fut obligé de se contenir. »
Commentaires
Ah, ce bon "Rousseu" (Rousseau, je suppose), que de goût pour le plein-air et ses lointains "sauvages", et que peu d'inclinaison pour ceux de ses contemporains - fussent-ils abbés - dont les tréfonds de l'âme et du corps lui eussent été autrement plus accessibles... Ttttt...
A part ça, j'avais dans l'idée initiale d'écrire directement au délicieux auteur de ce blog (point pour lui proposer la botte, je ne suis pas abbé, mais pour de nobles motifs). Las ! De formulaire de contact, je n'en trouvai point. Quelle magie me sortira donc de la déréliction qui m'afflige et dont l'absence du sacro-saint "formulaire de contact" de ce blog est la cause ?
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