Catastrophe
Par le gardien le lundi 9 juillet 2007, 00:00 - Singumots - Lien permanent
ma première femme est partie,
la deuxième est restée.
Francis Blanche.
Dans le texte qui suit vous pouvez passer votre pointeur sur les mots soulignés.
Maintenant que je suis vieux comme l'arbre du temps, je veux me ressouvenir de ce qui m'a porté jusqu'à l'universel. Je vis, sans attribut, dans l'ultime conscience et la catabase, loin de tout catabolisme, débarrassé des idéaux, des peines et des victoires. Mon passage vers ce nouvel état s'est fait un jour d'orage, à grands renforts de catacaustiques et de reflets irisés. Loin de moi la catachrèse, la langue de bois, le silence biaisé. Un cataclysme m'a conduit, ce jour là, à devenir ce que je suis. En mal de vérité, j'arpentais l'île de Sérendip lorsqu'un éclair me fit entrevoir l'entrée des catacombes. Je me précipitai vers cette aire improbable, sans savoir que l'enfer y avait ses habitudes. D'emblée le visiteur se trouvait confronté aux lois de la catacoustique. On se prenait à compter les poissons catadromes et les innombrables catadioptres qui permettaient de voir sans effort dans cette nuit de la terre. On entendait des plaintes, on voulait en découvrir la cause et, peu à peu, on se mettait à regretter de s'être aventuré si loin.
On passait alors près d'un catafalque, où, curieusement, on pouvait lire ses propres initiales. On marchait comme pour un deuil, en se demandant si ce lieu était sur notre chemin par hasard ou bien s'il attendait depuis toujours les représentants de l'espèce humaine. Bientôt, la catagénèse se mettait en marche. Quelque cataglottisme venait alors à l'esprit. Face aux mystères de l'antre secrète il devenait parfois insistant. Amplificateurs sonores, embrasements colorés, sensations tactiles nées du simple frôlement de l'air ambiant : les chauves-souris n'étaient pas les seules occupantes de ce territoire perdu. Dans le doute on cherchait à se souvenir de ses leçons de catagmatique car une chute était toujours possible. À défaut on convoquait les fantômes afin que la peur ancestrale ne laissât aucune place à la peur réelle. Tout était hostile en ce milieu dont on se demandait s'il était naturel ou préparé à notre intention. On avait peur de découvrir l'interdit et cette vulnérabilité était l'occasion d'un nouveau pincement des lèvres. On avait beau posséder un savoir universel – du moins le croyait-on - allant de bribes de catalan à l'action de la catalase, on n'en était pas moins soumis à un devoir de prudence. Les murs de la caverne, sans cesse balayés d'images vives, inspiraient à eux seuls toute la poésie du monde. Qu'elle fût en vers catalectiques ou prose incendiaire, c'était sans conséquence, on voulait seulement éviter la catalepsie. Commençait alors le catalogue scientifique le plus débridé, le plus hétéroclite, le plus imaginatif. Tout y passait : de la classification des catalpas et des catalufas au discours de quelque académicien sur la catalyse, en passant par l'architecture prodigieuse des catamarans ou le rythme cataménial des baleines. Nous revenait alors en mémoire l'histoire d'un héroïque catapan couvert de catapasme qui collectionnait les plantes catapétales. On s'interrogeait sur sa propre destinée : la cataphasie n'était pas loin. On faisait le vœu de n'employer dans son langage que des termes cataphatiques et l'on niait pour toujours avoir eu une existence terrestre.
Tout en parcourant cet étrange bric-à-brac on se prenait à réviser malgré soi les principes de la cataphonique. On se demandait si l'on n'était pas en état de cataphora. On hésitait parfois entre la cataphore et la cataphorèse, dont les échos avaient quelque chose de flou au milieu du bruit que faisait notre cœur en exil. On regrettait parfois de ne pas avoir de flambeau pour le cas où l'on rencontrerait un monstre dans cet univers d'ombres et de contours. Parfois l'on butait sur une cataphracte rouillée. On s'attendait à rencontrer des cataphrygiens en survie. On se prenait à regretter le temps des cataplasmes, lesquels étaient prompts, par leur brûlure et leur senteur de lin, à réveiller les morts. La cataplexie et la cataptose guettaient celui qui marchait ainsi en attente du pire et qui n'avait aucune notion sur la manière de l'éviter.
On se faufilait dans ce grenier troglodyte en passant à côté d'une catapuce, d'une catapulte, d'un symbole oublié. Soudain un grondement de cataracte faisait penser que des catarhiniens avaient vécu en des temps reculés dans ce repaire du diable. On frissonnait en se demandant s'il s'agissait d'un début de catarrhe, on se tordait les chevilles en espérant ne pas avoir à subir de catartisme ni à poser ses pieds sur quelque braise mal éteinte.
Quand une lumière surnaturelle parvenait enfin jusqu'à nous, quand arrivait le moment de la catastase, on sortait de ce cauchemar les yeux ouverts. On attendait l'heure des étoiles pour observer le ciel, afin de ne pas subir la brûlure du soleil au plus vif de la rétine. On levait alors la tête à la recherche des catastérismes. Renonçant à la catathymie, on se prenait à faire des projets de retour. Puis, quand on réalisait que les étoiles ne viendraient jamais et que le monde des hommes était toujours aussi effrayant, on entrait sans regret dans l'éternelle catatonie.
C'est depuis ce monde immobile que je vous parle.
Cette nouvelle est animale, stupide, ontologique et capillotractée. Elle comporte des mots qui appartiennent aux siècles passés et d'autres encore en usage. Quelle est son autre caractéristique (évidente quand on l'a trouvée) ? La première personne qui fournira la solution aura droit à un billet du gardien sur le thème de son pseudonyme. {La solution a été fournie par Joël, qui a, en fait, signé Exploit}
La figure de style utilisée ici est l'homéoarchton.
Commentaires
j'ai cherché l'évidence mais ne l'ai pas trouvée. Pourtant, l'enjeu me motivait, narcissisme oblige! Mais je ne suis que la première à laisser un commentaire et malheureusement, ça ne suffira pas.
Allez, je tente quand même ma chance. J'avance l'anaphore du pronom "on" en début de phrase, et qui vient donner à ce récit le rythme d'une descente infernale. Et ça structure circulaire, due au retour de la première personne à la fin du texte
L'évidence, pour moi est ailleurs. Tout du long, j'ai pensé à l'île de Dan dans/sur laquelle je me suis un jour trouvée enfermée. Je ne sais si elle existe encore mais je lui demanderais bien de vous la faire ici visiter si elle n'est pas engloutie. Hein Dan?
Sinon, un jour on m'a raconté que la catastrophe initialement était la dernière strophe dans les tragédies grecques en vers et que le mot a pris la sens de "désastre" parce que comme chacun sait, on meurt toujours au cinquième acte.
Merci pour ce billet
Non Traces, ce n'est pas le sens de ma question, quoi que la remarque soit pertinente. La construction je-on-je est, bien entendu, volontaire. I y a quelque chose de beaucoup plus simple à trouver.
Non Dan, ce ne sont pas des souvenirs. Ceci dit, je n'ai pas choisi Sérendip par hasard.
EH bien, c'est toi, Joël, le gagnant ! Les mots qui commencent par "cata" sont par ordre alphabétique. Je ferai donc un billet à ton propos. Comme tu n'as pas de surnom (à ma connaissance) je te propose de choisir entre "Joël", "Joueb" et "Exploit" ou un hypocoristique.
Alors je prends "Joël", ce sera plus personnel. J'afficherai le vendredi 10 août.
Peut-être mais Tristan Bernard a créé ce néologisme et depuis tout le monde emploie capillotracté.
J'ai mis dans ma nouvelle tous les mots qui commencent par "cata" indépendamment de leur étymologie.
en choisissant mon pseudo je savais qu'il serait souvent lié à "catastrophe" mais je le prends en tant que cat à strophe, m'y essayant quelques fois. Je l'associe aussi à catamaran pour le plaisir que j'ai avec l'eau et la mer et "marrants" car la vie sans rire et sourire ne peut se concevoir pour moi . Avec votre texte je viens de m'enrichir de bien associations de mots, je vous lis
et fouille dans votre "gardemots" avec bonheur. je viens de trouver "catadrome" poisson fluvial. merci
Bienvenue, et merci pour "catadrome" que j'ajouterai ce soir dans le billet lui-même.
Catadrome. Se dit d'un poisson migrateur qui vit en rivière et dépose ses œufs dans la mer. L’anguille en est un exemple.
Anadrome. Adjectif qualifiant un poisson qui effectue l’essentiel de sa croissance en mer et migre en rivière pour se reproduire. Exemple : le saumon.
Vu la difficulté de l’exercice,
il mériterait sans doute d’être classé
parmi les katas supérieurs
“Assise sur un rocher probablement cataclastique, le catacoi au vent,
j’espérai apercevoir la migration de quelques poissons catadromes
à l’endroit même la rivière plonge dans le vide.
Je serais probablement restée plus longtemps à écouter
le fracas assourdissant des catadupes en contrebas
si je ne souffrais depuis ma plus tendre enfance d’une cataphobie maladive.”
cataclastique ad. sing. invariant en genre
relatif à un type de structure de roche cristalline
catacoi cadogan, catacoua, catogan n. m. sing.
familièrement chignon bas, nœud retenant les cheveux sur la nuque
catadrome voir commentaire précédent
catadupe catadoupe n. f. sing.
cascade, chute d'eau
cataphobie n. f. sing.
crainte exagérée de l'immobilisme
Ajoutez des exemples ...
(-؛ ¿ ǝɯɯɐɹƃɐʇɐɔ un ¡ ɥO
Cataglottisme ne convient pas puisque c'est l'emploi des mots recherchés, et non l'amour des mots. Si l'on ne craint pas d'être taxé de cataglottisme on peut forger le néologisme lexiphilie (du grec lexis, mot et philia, amour).
Quant à l'autre interprétation du mot cataglottisme elle est de l'ordre du fantasme.