Quand le monde intérieur devient spectacle

L’intimité extériorisée, ou extimité, est un paradoxe contemporain qui pose des problèmes à la fois personnels et sociétaux. Elle est facilitée par les nouvelles technologies et leur fluidité numérique. À ce titre le blog, journal intime sur Internet, est caricatural. Les réseaux sociaux et la télé-réalité permettent également une visibilité permanente. Cette intimité dévoilée c’est un peu comme si on vivait dans une maison de verre. Grâce à l’immédiateté, la simultanéité et l’universalité, l’écriture publique de l’intime permet de « s’éclater », d’être à la fois un et multiple.  C’est sans doute le rôle principal que joue le virtuel : venir au secours du réel.  Il ne s‘agit pas seulement d’en faire profiter les autres mais aussi soi-même et de trouver ainsi des repères qui, autrement, feraient défaut. L’intime, c’est ce qui réside au plus profond de soi. Tout en se cachant derrière un pseudonyme on donne à voir non seulement ses faits et gestes mais également son monde intérieur.

Partagé avec d’autres, l’intime devient ainsi plus supportable. Il ne s’agit pas d’un simple exhibitionnisme cherchant à racoler le voyeurisme des autres, de lancer ses fantasmes à l'assaut du grand jour mais surtout de faire un pas supplémentaire vers l’estime de soi.  Le narcissisme et l'individualisme s’en trouvent  justifiés, voire renforcés.

La nouvelle sociabilité intime, qui s’élabore sous le regard des autres, permet de mieux s’affirmer, d'être reconnu comme ayant une identité propre, de découvrir  sa véritable nature, de savoir ce qu’on pense vraiment de soi, de faire valider certains éléments de sa propre histoire. C'est en particulier l'enjeu de  la génération Y.

Tout roman, toute pièce de théâtre, tout film, en nous montrant la vie intime des  personnages, en exprime l’extimité. En nous identifiant à eux, nous nous prenons pour des héros. C'est certainement ce qui explique  notre intérêt pour le domaine artistique.

L’extimité, que l'on pourrait redéfinir comme une intimité interpersonnelle multiple, redessine la frontière - mouvante et émouvante - entre le singulier et le collectif. Est-elle publique ? Est-elle privée ? Et dans ce cas privée de quoi ?