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Ce n'est pas de la fausse modestie : je suis un béotien dans le domaine du langage SMS et j'entends le rester. Au nom du droit des victimes à disposer de leur propre cri, je défends une valeur universelle, la langue française, et refuse de me laisser enfermer dans un système clos, frelaté, inutile, qui tend à remettre en question notre identité culturelle. La personne qui se sert, sur son portable, de ce jargon (*) plus qu'approximatif cherche à aller vite et à réduire sa facture téléphonique. Malheureusement elle le fait au mépris et aux dépens de notre héritage. Certes, elle est dépositaire de la langue française, au même titre que tout un chacun, mais certainement pas propriétaire. Quant à l’emploi généralisé sur Internet, dans les blogs entre autres, il relève de la caricature. Au lieu de faciliter le dialogue il l’appauvrit en générant une fracture culturelle. On voudrait nous faire croire qu'il s'agit d'une forme de militantisme ("Réformons la langue française pour le bien de tous, car seule les élites savent l'employer et c'est injuste"), de nécessité sociale avec sentiment d'appartenance ("Tu es jeune, fais comme nous"). Cet acte de bassesse contre la patrimoine linguistique est, à l’évidence, une tentative pour compenser par la langue de bois l’ignorance de l'orthographe et de la grammaire, et aussi un moyen de renoncer à l'effort. On peut même avancer en se trompant à peine que ce recours prosélyte est une manière de cacher l’échec scolaire sous des allures faussement égalitaristes.

Où va-t-on dans une société où il n'y a plus de conventions entre les membres ? Comment peut-on communiquer si l'on casse les codes ? Le dialogue de sourds bat son plein. Bientôt il faudra des interprètes SMS-français, comme pour la langue des signes, sauf que les malentendants n'ont pas choisi leur handicap et que c'est leur faire injure que de les imiter sans y être réduit par les circonstances.

(*) Et en plus "SMS" c'est de l'anglais : Short Message Service. Quant à Texto™ c'est une marque déposée de SFR.