Kakemphaton
Par le gardien le jeudi 22 décembre 2005, 00:02 - Métamots - Lien permanent
Rencontre involontaire de sons d'où résulte un énoncé incongru, équivoque, ridicule ou déplaisant. Du grec kakemphatos, malsonnant.
- Je suis romaine hélas, puisque mon époux l'est.
(Corneille, Horace, première version).Le vers devint par la suite:
Je suis romaine hélas, puisqu'Horace est romain. - Vous me connaissez mal : la même ardeur me brûle,
Et le désir s'accroît quand l'effet se recule.
(Pierre Corneille, Polyeucte). - Je sortirai du camp, mais quel que soit mon sort,
J'aurai montré du moins comme un vieillard en sort.
(Adolphe Dumas, Le camp des Croisés).L'attribution à Victor Hugo ou à Alexandre Dumas est erronée.
- Les silences servent la Musique comme les mots l'Art (Faidit).
- Il y a un kakemphaton dans le commentaire du premier exemple. Il s'est produit spontanément, comme à l'insu du gardien, pendant la rédaction du présent billet. Fruit d'un hasard heureux, c'est un exemple de sérendipité.
Commentaires
"Il y a un kakemphaton dans le premier item."
> Euh... Pourrais-tu l'expliciter, Garde, pour la pauvre indigente verbale que je suis ?
J'adore ce mot en tout cas, encore un que je découvre grace à ce blog, merci.
Et bonanez, si jamais je viens plus par là d'ici là.
Bonne année. Je bois un verre de vin à ta santé.
Merci, Alain de nous venger de Corneille qui m'était si rébarbatif quand j'étais au collège. Vous m'avez bien fait rire, comme on dit chez moi.
J'oubliais : Quid de ce sérendipité ? Je ne l'ai pas saisi ...
Cliquez sur le mot "sérendipité" dans le billet pour connaître sa définition. Sachez en outre que j'ai écrit "Le vers devint par la suite..." avant de m'apercevoir que l'on pouvait lire "le verre de vin" et que donc j'étais en train de forger un kakemphaton dans un billet sur le kakemphaton ! Hasard heureux pour les uns, statistiquement improbable mais non nul pour les autres (n'est-ce pas, ami Joël ?). Relisez mon billet sur la synchronicité et surtout les commentaires des visiteurs à ce propos pour vous faire une opinion.
"Je sortirai du camp, mais quel que soit mon sort,
J'aurai montré du moins comme un vieillard en sort.
(Adolphe Dumas, Le camp des Croisés).
L'attribution à Victor Hugo ou à Alexandre Dumas est erronnée."
Je me suis permis de corriger sur Wikipedia en vous citant comme source.
Si cela pose problème, merci de me le signaler.
Merci, Kazo. Bien au contraire. Je fréquente Wikipedia tous les jours. Je n'ai jamais rédigé d'article mais il m'est arrivé de corriger anonymement des coquilles. La petite boite de dialogue en haut à droite de mon Firefox est en permanence branchée sur le lien Wikipedia.
Bonsoir Gardien
Kakemphaton, Je l'aurais imaginé, saurischiens.
Mais il cache d'autres inconnus : Métonymies, ellipse, apocope....
Merci. Bonne nuit. xuan-lay
Bonjour,
J'ai beaucoup aimé "le verre de vin" et je me dis qu'il est temps que je cherche des kakemphatons dans ce que j'écris...
Cordialement,
Blogodir - Annuaire et hénergement de blogs.
N'y aurait-il pas une origine commune entre kakemphaton et cacophonie ?
Noyeux Joël à tous !
Un petit que je viens de trouver :
- Les silences servent la Musique comme les mots l'Art.
C'était juste un petit exercice de style qui ne veut pas dire grand chose ;-)
"Kakemphaton" et "cacophonie" ont en commun leur étymologie : le mot grec kakos veut dire "mauvais".
"Les silences servent la Musique comme les mots l'Art" est un kakemphaton beau et mien puisque je le copie-colle dans mon billet. Si tu as un site dis-le moi : je mettrai un lien.
Merci pour cette précision, je ne suis, et le regrette, ni héléniste ni latiniste.
Désolé, point de site, point de lien, étant quelque peu cossard, et n'ayant ni ta culture, ni ton talent, ni ton courage, je reste et demeure animalcule dissolu dans la toile.
Mais je te remercie de l'honneur que tu me fais. Je suis ton "éternel abonné" (tiré des "Visiteurs" chacun ses références ... )
Amicalement
Beau et mien ! Encore un jeu de mot laid (merci Bobby) sous forme de kakemphaton !
J'ai pas niqué, j'ai paniqué (et vice-versa).
Peut-on considérer que le kakemphaton repose (involontairement s'entend) sur ce que l'on appelle "le langage de oiseaux"?
Qu'entends-tu par "langage des oiseaux"? A priori j'aurais envie de répondre "non" puisque le kakemphaton est mal sonnant et que le langage des oiseaux est agréable mais je dois être à côté de la question ...
L'autre jour, j'en ai commis (sic) un, involontairement, en écrivant sur la "Mer Méditerranée, mère de nous tous": une allusion à son rôle historique, anthropologique, sociologique et culturel des peuples qui habitent ses rives.
j'aimerais bien retrouver une parodie de tragédie qui m'avait fait beaucoup rire en 1957 et qui contenait ces deux phrases :
par trois fois dans la plaie, le fer a repassé
+
il sortit de sa tombe comme un vieillard en sort
Cette recherche m'a amené àdécouvrir le kakemphaton et c'est déjà un grand bon heur !....
"Par trois fois dans son sein son fer a repassé" C'est dans "A la manière de ..." de Reboux et Muller.
Quant au vieil hareng-saur, il est dans mon billet ...
Quelques kakemphatons populaires :
– Mais qu'a-t-il donc eu ?
– Comment se fait-ce ?
– Encore eut-il fallu que je le susse.
– Vous fites ce que vous pûtes et vous m'épatâtes.
Quel est l'inverse du mot cacophonie ?--PHONIE
merci mille fois
Tous les mots en phone et phonie sont ici. L'antonyme, d'après Wikipedia, est euphonie.
Quelqu'un peut-il me préciser si "mariage pluvieux, mariage heureux" ne s'écrirait pas plutôt "mariage plus vieux, mariage heureux" ?
Tous les sites consultés - en plus de ma connaissance du dicton - confirment qu'il s'agit bien de "Mariage pluvieux, mariage heureux.
je suis venu sur ton site en cherchant l'origine de
"et trois fois dans son sein ...."
Merci pour la réponse et également pour la découverte de Kakemphaton.
Kakemphaton : "Il faut se méfier des appâts rances..." Eri Atlov
cher Garde-mots, connaissez-vous une petite pièce de théâtre, plutôt un "lever de rideau "qui s'appelle "Caracalla" : calembours et kakemphatons nombreux... je l'ai vue, et si les acteurs soulignent un peu mais pas trop quand même les jeux de mots c'est très amusant ! la voilà :
CARACALLA
Pièce parodique de Dumanoir (Philippe Pinel dit) 1806 / 1866
et Clairville (Louis François Nicolaïe dit) 1811 / 1879
Caracalla empereur romain
Geta son frère
Macrin préfet du prétoire
Livia amante de Geta et fille de Macrin
Un soldat romain
Un palais.
Scène première
Livia, seule
Hier, Caracalla traversait le forum,
Et, les yeux à demi cachés sous son péplum
Il m’a de ses regards bien longtemps poursuivie.
Ah ! c’est que ma tendresse est son unique envie ;
Et, pour mieux me ravir à mon amant absent,
Il plonge dans les fers un vieillard innocent !
Il poursuit, dans Macrin, le chef de ma famille :
En immolant le père, il ose aimer la fille !
Horreur !...
(Bruit de pas dehors)
Qu’entends-je !...
(Allant au fond.)
O ciel ! c'est lui, c’est mon Géta !
Cet amant que le ciel sur mon chemin jeta !
Geta, qui m’a jetée aux lieux où je végète !...
Courons sur la jetée où mon Geta se jette !
Scène 2
Livia, Géta, un soldat
Le soldat précède Géta et va se placer au fond
Géta, en guerrier, portant un casque démesuré.
C’est vous, chère princesse, enfin je vous revois !
(Montrant le soldat)
Cette vaillante armée, accourue à ma voix,
Triomphe, et des vaincus rapporte les bannières.
Vainement ils s’étaient portés sur nos derrières ;
Nous avons triomphé dans toutes leurs cités,
Par un de ces succès de l’Univers cités,
Et nos soldats vainqueurs, même des inhumaines,
En cueillant des lauriers, recueillent des romaines…
(Après avoir fait quelques pas en tournant)
Mais mon frère est absent…Hier, Caracalla
Sur un cheval fougueux, dit-on, caracola ?
Livia
Eh ! quoi ! Caracalla dis-tu, caracola ?
Géta
Qui caracolerait, sinon Caracalla ?
Livia
Eh ! quoi ! pauvre insensé, tu te fais une idole
De ce Caracalla, parce qu’il caracole !
Sais-tu que de mon père il abrège les jours,
Et que je suis l’objet d’impudiques amours ?
Géta
Toi !
Livia
Oui !
Géta
Non !
Livia
Si !
Géta
Mais…
Livia
Quoi ?
Géta
Ciel !
Livia
Hein ?
Géta
Dieux !... lui !... mon… frère !
Ah ! s’il est vrai, Livia, des lauriers de la guerre
Je ne veux plus parer ce noble et large front,
Que les dieux n'ont point fait pour un indigne affront !
Je ne serai jamais, non jamais, je m’en vante,
De ces maris qu’aucu—ne injure n’épouvante !
(S’animant)
Plutôt percer ton flanc de ce fer assassin,
Et de ton joli sein, le plonger dans mon sein !
(Très vite)
Pour sauver ta vertu, lorsque je m’évertue,
Abattu, combattu, veux-tu que je te tue ?
Livia
Pas encore… Essayons de quelque autre moyen,
Moins sûr, mais plus adroit.
Géta
Essayons, je veux bien.
Je vais à l'instant même, au palais de Sévère,
Lui parler d’un ton doux, mais d’une voix sévère.
Attends… le trépas seul brisera nos liens.
Je vais, j’attends, je vois, je parle et je reviens.
Suivez-moi, mes soldats.
(Il sort à gauche. Le soldat le suit)
Scène 3
Livia, seule.
Je n’ai plus d'espérance !...
Mais qu’entends-je ? et qui donc en reculant s’avance ?
Grands dieux ! Caracalla suivi de ses licteurs !
(Ici on voit entrer par la droite le même soldat qui va se placer au fond, exactement comme à la seconde scène.)
Scène 4
Livia, Caracalla, le soldat
Caracalla, à Livia qui s’éloigne
Restez, restez, princesse… et des dieux créateurs
Ne me dérobez pas la plus parfaite image.
Souffrez qu’à leur chef-d’œuvre, ici, je rende hommage
Et qu’à vos deux genoux, le grand Caracalla
Prouve à—Livia—qu'elle a—son â—me et sa…
Livia
Holà !
Caracalla
Voilà !
Livia
Halte-là !... Oui, par la chaste déesse,
Qui bannit de nos cœurs toute folle tendresse,
Respectez ce que Rome entière respecta,
La fille de Macrin, l’épouse de Géta !
Caracalla, éclatant.
Et pourquoi respecter la fille d'un rebelle ?
(Tendrement)
Je vous respecterais, si vous étiez moins belle.
(Marchant)
Mais je commande, moi, Marcus, Aurelius,
Antoninus, Rebus, Quibus, Olibrius,
(Revenant à elle)
Caracalla !...Mon cœur par l’amour se corrode !...
J’étais encore enfant, lorsque régnait Commode.
Il découvrit en moi son émule à venir.
Et tout d'abord, à moi, Commode vint s’ouvrir.
Trouvant à mes projets Commode nécessaire,
De Commode, longtemps je fus le secrétaire.
C'est lui qui nous apprit, sans que nul répliquât,
Que tout cœur de romaine est tendre et délicat.
Il faut que, sans détour, ici, tu te prononces :
Les romaines jamais ne mâchent leurs réponses.
L’es-tu ?... réponds, j’attends.
Livia
Si je le suis, grands dieux !
Rome a vu, dans ses murs, naître tous mes aïeux.
Mais de Macrin captif, la fille, en étrangère,
Dans ce triste palais, d'étage en étage erre,
Si Macrin t’entendait me parler des Romains,
Il serait comme un crin, ce Macrin, que tu crains !
Tu me parles de Rome !...Oh ! oui, je suis romaine
Et je jure haine à Rome !...oui, je jure à Rome, haine !
Est-ce en accomplissant tes projets inhumains,
Que tu prétends te faire applaudir des Romains !
Caracalla, (arpentant le théâtre et criant)
Lorsque tous les Romains envahiraient la salle,
Des Romains assemblés je brave la cabale !
Longtemps à m’applaudir ils ont usé leurs mains,
Et je ne prétends plus aux bravos des romains !
Scène 5
Les mêmes, Géta
(Géta paraît et s’arrête au fond)
Livia
De grâce !...écoutez-moi !
Caracalla
Je ne veux rien entendre,
Et tu m’appartiendras !
Géta, le repoussant
Eh bien ! viens donc la prendre !
(Il la poignarde à plusieurs reprises)
Livia
Ah !
Caracalla
Morte !
Géta, qui l’a étendue par terre avec soin
Viens la prendre à la tombe !
Caracalla
A dessein
D’un poignard assassin frapper un si beau sein !
(poignardant Géta)
Infâme !
Géta
Ah !
Caracalla
Meurs aussi !
Géta
Juste ciel ! je succombe !
(Il tombe la face contre terre, les mains étendues)
Caracalla, fait un geste d’insouciance et va sortir, lorsqu’il se trouve en face de Macrin, et recule avec terreur.
Mais quel est ce fantôme ?... il sort donc de la tombe !...
Macrin ! lui ! se peut-il !...
Scène 6
Les mêmes, Macrin
Macrin
Non, je ne suis pas mort,
Et je sors du tombeau comme un vieillard en sort !
Un pâtre ma sauvé : le peuple, pour t’abattre,
Avait de mon cachot donné la clef au pâtre.
Je te brave à mon tour, et j’ai pour combattants
Trois cent mille Romains et deux cent mille Francs !
(Montrant Livia)
Voilà plus de quinze ans qu’en en forçant la porte,
Ma fille, en mon cachot, seule à manger m’apporte.
Eh bien ! pour la venger, quand je sors du tombeau,
Le ciel dira gloire au bourreau de son bourreau !
(Il frappe Caracalla au dos)
Caracalla
Ah ! quel coup je reçois !... le traître ! par derrière,
Il m'a percé le sein !...Déjà ma voix s’altère…
Je ne puis dire un mot, c’est l’instant de parler,
Mon âme, au noir séjour, prête à dégringoler,
Se rappelle, en tremblant, le nombre de ses crimes !
Je suis environné de toutes mes victimes !
Quel Dieu, pour me punir, vient de les rassembler ?...
(D’une voix brisée.---Criant)
Je ne peux plus parler… Je ne peux plus parler !
C’est toi, Ninus !...c’est toi Varon !...c’est toi tendre Octavie !...
Venez-vous à ce mort redemander la vie ?
Où je vous ai conduits, je vais moi-même aller…
Je ne peux plus parler, je ne peux plus parler !
(Il tombe, puis se remet tout à coup sur son séant)
Parlons, parlons encor, parlons toujours sur terre !
Parlons comme l’on parle au moment de se taire !
Parlons : car ma parole est prête à s’envoler !
(Il tombe, puis se relève et crie)
Ah ! je ne parle plus !... Je ne peux plus parler !
Ah !...
(Il meurt)
Macrin
Le voilà donc mort ! sans espoir de renaître !
Qu'un grand homme est petit, quand il a cessé d’être !
Mais quoi ! tous ils sont morts, et dans cet abandon,
Je survivrais à tous, moi, Macrin !... ma foi non !
Il se poignarde et tombe. A peine est-il tombé que le soldat, resté jusque-là impassible, s’avance, se tue et tombe au milieu d'eux.
Merci beaucoup, alikes, pour cette ample participation. Je ne connaissais ni la pièce, ni Dumanoir, son auteur, qui semble avoir été un polygraphe. Il faut évidemment, pour la tirer de l'oubli, la surjouer.
J'adore la sonorité de ce mot très "cacophonique" et "emphatique" tel un instrument de musique très peu discret qui couvrirait tout le reste de l'orchestre... je l'adopte d'autant plus que la lettre "k" me suit depuis ma naissance...Je me rends compte que j'ai déjà kakemphatonné lors d'essais poético-rigolos mais volontairement donc vu qu'ici est le lieu des mots justes...existe-t-il un mot pour désigner un kakemphaton volontaire, soit un non-K( d'ailleurs, comment être sûr que tous ces jeux de mots incongrus ne sont pas en réalité des pseudo-K?)sonnant joliment? En résumé, quel est son antonyme? Un calembour? Si c'est bien ça, on aurait dû inverser les 2 définitions: "calembour" fait penser phoniquement à une bourde, à une balourdise donc à quelque chose d'involontaire,de gaffeur justement! Alors que K, qui est si joli, mériterait d'être attaché à la congruité pour apparaître plus souvent dans notre vocabulaire....mais bon, c'est un pur délire, je sais bien que l'étymologie a sa propre raison et heureusement car la beauté et autres critères sont une affaire très personnelle...je vous laisse imaginer le "foutoir" que ce serait si on pouvait renommer tous les objets et notions selon nos propres critères..."ce matin, j'ai passé le chien sur le tapis, j'ai donné des croquettes à l'aspirateur, puis j'ai chaussé mes cigognes pour aller faire un jogging......" , bon, j'arrête mes "chevâleries" et vais m'asseoir confortablement dans ma douillette casserole!
PS: Lorsqu'on parle ainsi bien involontairement à cause de troubles cérébraux on appelle cela de la jargonaphasie ou cacolalie ( encore 2 drôles et jolis mots qui ne correspondent pas à la réalité bien triste qu'ils recouvrent...mais les mots sont aussi là pour réconforter et adoucir le réel!)
Oui un kakemphaton volontaire est bien un calembour. Oui "calembour" vient sans doute de "bourde".
Je me souviens avoir entendu jadis Jean Yanne proférer (à la radio) cette confession : "Je suis comme l'est ce Thomas, je ne crois que ce que je bois". Mignon, non ?
Amusant en effet.