Écriture automatique
Par le gardien le dimanche 19 septembre 2010, 00:00 - Gardimots - Lien permanent
Le premier ouvrage écrit selon cette méthode, Les Champs magnétiques, d’André Breton (1896-1966) et Philippe Soupault (1897-1990), publié en 1919, fut le point de départ du mouvement surréaliste. On y lit par exemple : « On parle et vous n'entendez plus. Est-ce que vous n'auriez pas compris ce que nous disions. Regardez nos mains, elles sont pleines de sang. Approchez-vous de cette femme et demandez-lui si la lueur de ses yeux est à vendre. — Ma tête commence à être difficile à prendre à cause des épines. Venez, mon cher ami, du côté du marché aux poissons. J'ai vu dans l'œil d'une dorade une petite roue qui tournait comme dans le boîtier d'une montre. »
Dans le premier Manifeste du surréalisme (1924), André Breton présente ainsi l'écriture automatique :
« Faites-vous apporter de quoi écrire, après vous être établi en un lieu aussi favorable que possible à la concentration de votre esprit sur lui-même. Placez-vous dans l'état le plus passif, ou réceptif, que vous pourrez. Faites abstraction de votre génie, de vos talents et de ceux de tous les autres. Dites-vous bien que la littérature est un des plus tristes chemins qui mènent à tout. Écrivez vite sans sujet préconçu, assez vite pour ne pas retenir et ne pas être tenté de vous relire. La première phrase viendra toute seule, tant il est vrai qu'à chaque seconde il est une phrase étrangère à notre pensée consciente qui ne demande qu'à s'extérioriser. Il est assez difficile de se prononcer sur le cas de la phrase suivante ; elle participe sans doute à la fois de notre activité consciente et de l'autre, si l'on admet que le fait d'avoir écrit la première entraîne un minimum de perception. Peu doit vous importer, d'ailleurs ; c'est en cela que réside, pour la plus grande part, l'intérêt du jeu surréaliste. Toujours est-il que la ponctuation s'oppose sans doute à la continuité absolue de la coulée qui nous occupe, bien qu'elle paraisse aussi nécessaire que la distribution des nœuds sur une corde vivante. Continuez autant qu'il vous plaira. Fiez-vous au caractère inépuisable du murmure. Si le silence menace de s'établir pour peu que vous ayez commis une faute : une faute, peut-on dire, d'inattention, rompez sans hésiter avec une ligne claire. A la suite du mot dont l'origine vous semble suspecte, posez une lettre quelconque, la lettre l, et ramenez l'arbitraire en imposant cette lettre pour initiale au mot qui suivra. »
« dessinée. Le papillon resiste et la fleur se repend. Le désir renait pour la seconde approche. L’échange se fait curieux puisqu’il se détruit au fur et à mesure que sa musique avance. La nature proteste de ce spectacle d’où elle est absente. Car elle est vivante la nature, la terre ce sol humide, froid, confortable peut en témoigner, protester de tous ses cris, refuser de se prêter au jeu du sol, au vol du feu, au fol du veu, à toute sorte de corolle et de faux-jeu (tons). La terre cette nourricière méconnue n’aura de récompense que par sa marche accomplie vers l’homme lorsque celui-ci dans la destinée incertaine de l’amour enfin inventé décrétera que son cœur n’est plus le siège que de l’intention sanguine, son cerveau le lieu de passage d’une abstraction révolutionnaire, son ventre l’abri des déchets les plus matériels. Et qu’il n’existe nulle part si ce n’est dans son nom.
Resoudre le problème de la langue c’est crucifier des papilles et des mots, des
noms, des adverbes et des jets de salive. Ravaler des passion et des intention
digestibles. Ouvrir la bouche et mordre le néant. Digérer l’inconnu mais vomir
la syntaxe. Saler les phrases, sucrer les bonheurs imparfaits donner à
l’hystérie des droits sur la nouvelle cuisine grammaticale. Je ne prétends pas
faire du délire verbal une autoroute pour le bonheur des oiseaux et des chants.
Donner à mes vertèbres des illusions de bonheur verbal. Douleur inconcevable du
néant illimité, limitrophe, amer pouvoir de l’écartement des cuisses du temps.
L’amour obscène de l’espace sans desir et sans loi. La divination précoce de
l’incongru cerebral. L’attention flottante d’un verdict repassé au fer du temps
sur la jeannette des plaisirs »
vos textes automatiques
au Garde-mots
si ça vous (en)chante.]
Commentaires
C'est dangereux de nous inciter à l'écriture... Votre boîte va être submergée. Tant pis: voici un extrait d'une contrainte d'écriture automatique lors d'un atelier d'écriture sous l'égide d'Elisabeth Bing, en Janvier 1992:
...Les mots se bousculent, est-ce au bord de mon cerveau ou au bout de ma langue? Ils vivent, ils croissent, ils me possèdent. Dois-je vous contrôler, vous analyser, vous vérifier? Après tout, c'est mon plaisir, pourquoi m'en priverais-je? Folie, folie que j'appelle de tous mes voeux; brisons les carcans du sexe, de l'âge et de la société et rêvons de gammes inaccessibles, de décors fastueux, de costumes outranciers. Rêvons de ce que nous refuserons, rêvons de ces lieux aux orthographes simplifiées, Ulan Bator, Valparaiso, Corregidor... S'il me fallait vivre mes rêves, j'en mourrais. Mais je meurs de ne pouvoir rêver....
Ouh la la, les experts de l'inconscient sur ce blog vont s'en donner à coeur joie!
Merci ver00 et e21.
Nous verrons bien. Le tout est de rester dans l'esprit du billet et, pour celles et ceux qui aiment écrire, de jouer le jeu.
Cher Gardien,
Heureuse de revenir au port après quelques voyages.
Toujours fidèle au poste, en haut de votre phare, scrutant d'un oeil exercé, l'âme toujours en alerte, le moindre soubresaut sur la mer des mots.
« Le caractère inépuisable du murmure…», voilà d’où vient la tempête aujourd’hui : un flot silencieux du bout de notre monde intérieur, qui ne demande qu’à déborder. Un tsunami que rien n’empêcherait, quand bien même s’insinueraient en nous quelques hésitations (si l'on admet que le fait d'avoir écrit la première phrase entraîne un minimum de perception, nous dit Breton…).
Ah cher Jung, comme vous aimeriez lire entre ces vagues pensées, déferlantes non réfléchies !
Je jubile déjà à me mettre au travail !
Merci de faire le guet
Maia
Vous allez voir, c'est jubilatoire, comme est en train de le découvrir ver00. Il faut surtout bien jouer le jeu, écrire sans s'arrêter ni se précipiter, en fermant la boîte à penser.
En écrivant plus vite que vous en pensez. En acceptant ce qui est inorganisé et qui vient à votre esprit malgré vous.
L'été ne finit pas encore. Il suit et suit et … j'ai passé plus de temps sous la mer que sur la terre.
Le Caraïbe attend toujours, avec ses étoiles au ciel et ses calmars à la mer. Oui, je les ai vus pour la première fois dans ma vie en nageant comme fées, avec ses vêtements tournesol gonflés, qui semblent flotter au fond de la mer mais….est-il possible de flotter au fond ? Oui, c'est possible pour cet animal surréaliste: ses grands yeux liquides brillent et regardent. Ils ont suivi tous mes mouvements et moi….quell horreur, je les ai toujours mangés, ils sont délicieux, mais, maintenant que je les ai vus en nageant près de moi, je ne finis pas de m'étonner. Merveilleux ils sont! Incroyables.
J'ai passé tant de temps dans la mer cet été, que je sens le viseur et le snorkel comme une prolongation de moi même, de ma prope visage. Je me demande ce qu'ils penseront les poissons, les calmars, les oursins, les poulpes ou… peut-être les habitants de l'océan ne pensent-ils pas ? mais... nous sommes des êtres horribles avec une masque de verre, quelques pattes extraordinaires au plastique et un long tube dans la bouche. Ca fait peur!!!
Sidérés, ils regardent les envahisseurs de son monde, de tous les mondes, toujour nous, les êtres humains. Jusqu'à présent seulement nous.
Je m'excuse Garde, je sais que ce que j'ai écrit dimanche près de Tulum, quand je etais sorti de la mer, n´est pas ce que nous devons partager dans votre billet. Mais, au moins, je le n'ai pas pensé beaucoup, seulement j'ai eu l'urgence de l'écrire et je lui a fait prêsque automatiquement mais...le traduire, ou plutôt, d´ essayer le traduire en français (très mal comme toujours) c'est ce ca que j'ai beaucoup pense.
Saludos, Ana
Muchas gracias, Ana. C'est un très bon texte. Digne des écrits de Cortázar.
Olala ! Muchísimas gracias a usted. Comme vous êtes gentil cher Garde !
« Je finis par voir dans les axolotls une métamorphose qui n'arrivait pas à renoncer tout à fait à une mystérieuse humanité » Julio Cortázar
Moi, j´ose dire que je finis par penser que, je voudrais que la vie, cette vie qui a commencé dans l'eau, serait toujours restée dans la mer. J'ai l'impression que, le monde serait meilleur et beaucoup plus amusant là-bas dedans. Peut-être ce serait aussi un monde plus pacifique avec une mystérieuse humanité... mouillée.
Je vous envoie un sourire gigantesque.
ver00, il faut de tout et de tous pour faire un monde, même des gens qui pensent différemment.
Cette inspiration qui émane de soi-même et se traduit pour le rédacteur par un véritable dédoublement peut aussi, dans un contexte de spiritisme, trouver sa source dans l'Au-delà. Dans cette hypothèse, les paroles sont quasiment dictées par les esprits de personnes disparues et on parle alors de psychographie.J'ai lu un ouvrage du Père François Brune «les morts nous parlent» qui évoque ce phénomène très troublant. Qu'en pensez-vous ?
Je n'en crois pas mes yeux. Ce billet sur l'écriture automatique dort depuis deux mois dans un recoin du Garde-mots et c'est normal puisqu'actuellement il y en a plus de 1000. Chaque semaine qui passe en voit venir deux nouveaux et mes visiteurs ne peuvent pas tout lire ni tout commenter.
Or voici qu'à 100 minutes d'intervalle exactement deux visiteurs s'intéressent à celui-ci et me citent le même spirite. Anne-Sophie le fait indirectement, mais je découvre que la psychographie est un concept d'Allan Kardec.
Ce que j'en pense ? Chacun interprète ce qui lui échoit (même s'il a l'impression de décider) à sa manière. L'écriture automatique et la psychographie sont de même nature. Quant à leur destinateur, je n'exclus aucune hypothèse, mais je dirai que je ne sais pas. En tout cas cette synchronicité m'interpelle.