L'univers m'embarrasse, et je ne puis songer
Que cette horloge existe et n'ait point d'horloger.
                                                    (Voltaire)

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Comme la plupart des philosophes du siècle des Lumières Voltaire était déiste. Il reconnaissait l’existence d'un être suprême et se méfiait des religions qui divisent les hommes. D’ailleurs il utilise le mot dans sa Lettre au docteur Pansophe. Certes, dans son Dictionnaire philosophique il emploie le mot théiste mais dans le sens de déiste. La distinction entre les deux mots n’interviendra qu’avec Kant :

Le théiste est un homme fermement persuadé de l’existence d’un Être suprême aussi bon que puissant, qui a formé tous les êtres étendus, végétants, sentants, et réfléchissants; qui perpétue leur espèce, qui punit sans cruauté les crimes, et récompense avec bonté les actions vertueuses.
Le théiste ne sait pas comment Dieu punit, comment il favorise, comment il pardonne; car il n’est pas assez téméraire pour se flatter de connaître comment Dieu agit; mais il sait que Dieu agit, et qu’il est juste. Les difficultés contre la Providence ne l’ébranlent point dans sa foi, parce qu’elles ne sont que de grandes difficultés, et non pas des preuves; il est soumis à cette Providence, quoiqu’il n’en aperçoive que quelques effets et quelques dehors; et, jugeant des choses qu’il ne voit pas par les choses qu’il voit, il pense que cette Providence s’étend dans tous les lieux et dans tous les siècles.

Réuni dans ce principe avec le reste de l’univers, il n’embrasse aucune des sectes qui toutes se contredisent. Sa religion est la plus ancienne et la plus étendue; car l’adoration simple d’un Dieu a précédé tous les systèmes du monde. Il parle une langue que tous les peuples entendent, pendant qu’ils ne s’entendent pas entre eux. Il a des frères depuis Pékin jusqu’à la Cayenne, et il compte tous les sages pour ses frères. Il croit que la religion ne consiste ni dans les opinions d’une métaphysique inintelligible, ni dans de vains appareils, mais dans l’adoration et dans la justice. Faire le bien, voilà son culte; être soumis à Dieu, voilà sa doctrine. Le mahométan lui crie: « Prends garde à toi si tu ne fais pas le pèlerinage de la Mecque! » « Malheur à toi, lui dit un récollet, si tu ne fais pas un voyage à Notre-Dame de Lorette! » Il rit de Lorette et de la Mecque; mais il secourt l’indigent et il défend l’opprimé.


Voltaire a d’ailleurs écrit une prière à Dieu : « Ce n’est donc plus aux hommes que je m’adresse ; c’est à toi, Dieu de tous les êtres, de tous les mondes et de tous les temps... » (la suite est ici). Son déisme ne l'empêche pas de vitupérer contre l'Église et de reprendre à son propos la formule du marquis Jean-Baptiste de Boyer d'Argens « écraser l'infâme », c'est-à-dire l'intolérance fondée sur le dogme.

Sur son domaine de Ferney il fit construire une petite église avec, sur le porche, une dédicace où l'on peut lire : « Deo erexit Voltaire », « Érigé à Dieu par Voltaire », alors que les églises sont habituellement dédiées à des saints. « Voltaire » y est écrit en plus gros caractères que « Deo ».
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le samedi 24 septembre 2011
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