Voltaire était-il déiste ou théiste ?
Par le gardien le lundi 11 avril 2011, 00:00 - Gardimots - Lien permanent
Que cette horloge existe et n'ait point d'horloger.
(Voltaire)
Le théiste est un homme fermement persuadé de l’existence d’un Être suprême aussi bon que puissant, qui a formé tous les êtres étendus, végétants, sentants, et réfléchissants; qui perpétue leur espèce, qui punit sans cruauté les crimes, et récompense avec bonté les actions vertueuses.
Le théiste ne sait pas comment Dieu punit, comment il favorise, comment il pardonne; car il n’est pas assez téméraire pour se flatter de connaître comment Dieu agit; mais il sait que Dieu agit, et qu’il est juste. Les difficultés contre la Providence ne l’ébranlent point dans sa foi, parce qu’elles ne sont que de grandes difficultés, et non pas des preuves; il est soumis à cette Providence, quoiqu’il n’en aperçoive que quelques effets et quelques dehors; et, jugeant des choses qu’il ne voit pas par les choses qu’il voit, il pense que cette Providence s’étend dans tous les lieux et dans tous les siècles.
Réuni dans ce principe avec le reste de l’univers, il n’embrasse aucune des sectes qui toutes se contredisent. Sa religion est la plus ancienne et la plus étendue; car l’adoration simple d’un Dieu a précédé tous les systèmes du monde. Il parle une langue que tous les peuples entendent, pendant qu’ils ne s’entendent pas entre eux. Il a des frères depuis Pékin jusqu’à la Cayenne, et il compte tous les sages pour ses frères. Il croit que la religion ne consiste ni dans les opinions d’une métaphysique inintelligible, ni dans de vains appareils, mais dans l’adoration et dans la justice. Faire le bien, voilà son culte; être soumis à Dieu, voilà sa doctrine. Le mahométan lui crie: « Prends garde à toi si tu ne fais pas le pèlerinage de la Mecque! » « Malheur à toi, lui dit un récollet, si tu ne fais pas un voyage à Notre-Dame de Lorette! » Il rit de Lorette et de la Mecque; mais il secourt l’indigent et il défend l’opprimé.
Voltaire a d’ailleurs écrit une prière à Dieu : « Ce n’est donc plus aux hommes que je m’adresse ; c’est à toi, Dieu de tous les êtres, de tous les mondes et de tous les temps... » (la suite est ici). Son déisme ne l'empêche pas de vitupérer contre l'Église et de reprendre à son propos la formule du marquis Jean-Baptiste de Boyer d'Argens « écraser l'infâme », c'est-à-dire l'intolérance fondée sur le dogme.
Sur son domaine de Ferney il fit construire une petite église avec, sur le porche, une dédicace où l'on peut lire : « Deo erexit Voltaire », « Érigé à Dieu par Voltaire », alors que les églises sont habituellement dédiées à des saints. « Voltaire » y est écrit en plus gros caractères que « Deo ».
Commentaires
Bonjour cher garde-mots,
votre billet est passionnant comme à l'accoutumée. Je vous suggère néanmoins de rectifier : "Son déisme ne l'empêche pas de vitupérer contre l'Église", en supprimant le contre incorrect.
Bonjour. Désolé : "vitupérer" s'emploie de façon intransitive directe avec "contre". L'emploi transitif est vieilli. Bonne journée.
Peut-être parce que mon anniversaire c´est le même jour du massacre de Saint-Barthélémy, m'a toujours intéressé beaucoup le sujet de l'intolérance religieuse ( je crois que c'est celle-ci que plus de problèmes et de souffrance a causée à l'humanité).
Voltaire aussi, me plaît beaucoup. Par tout cela, dans un voyage récent en France, parmi les 28 livres en francais que j'ai achetés , se trouvent deux petits livres de poche : « Le Monde comme il va » et « Traité sur la Tolerance » tous les deux de Voltaire.
Je viens de trouver dans mon petit livre (Ch. XXIII) "Prière a Dieu" de Voltaire, le deiste que "il n’était pas assez téméraire pour se flatter de connaître comment Dieu agit" (comme ils le font, tant d'autres "possesseurs" de la vérité suprême et tous les grands connaisseurs du "psyché" de Dieu).
Merci Garde par ce billet tellement intéressant. Ce soir je commencerai à lire "Traité sur la Tolérance" de Voltaire. Pierre Assouline, JM.G Le Clézio, Jean d´Ormesson et tous les autres, ils devront m'attendre.
Otra coincidencia, c´est bien ! Saludos, Ana
PS : Votre histoire du marriage "un peu particulier" est formidable. J'aimerais bien connaître le curé audacieux qui a célébré cette noce incroyable.
Vos billets sont intéressants. Quel dommage qu'ils soient pétris de caricature...
« Malheur à toi, lui dit un récollet, si tu ne fais pas un voyage à Notre-Dame de Lorette! ». Imaginez-vous un prêtre disant cela ? L'avez-vous jamais entendu ?
Plus loin : "le désiste fait le bien..." Quel cliché ! Certains étaient bons, d'autres de vraies crapules.
Petite question pour votre réflexion, dans un monde lobotomisé par le discours antireligieux pavlovien et hargneux qui étouffe toute réflexion personnelle : qui a soigné vos ancêtres, pendant des siècles, sans aucun salaire autre qu'un plat de lentilles et un peu de pain ? Des religieuses. Des bonnes sœurs dévouées et infatigables, qui suivaient le chemin que leur indiquait l'Eglise.
Des pans entiers de la réalité sont ainsi escamotés de l'Histoire de France. Par qui ? Pourquoi et pour quoi ?
Toute réponse serait caricaturale.