Journal d'un diariste constipé
Par le gardien le lundi 27 novembre 2006, 00:00 - Délimots - Lien permanent
Il vient de m'en arriver une belle. Jusqu'ici ma vieille aboulie m'empêchait d'écrire. Je n'avais pas besoin de connaître l'accord du participe passé en genre et en ombre, ni d'acheter du café Grammaire pour me tenir éveillé, ou encore de mettre un tampon sur les règles d'orthographe. Je n'avais aucun goût pour l'écriture écrivante, ce qui m'évitait de penser, et c'était bien.
Et puis un jour j'ai eu une altercation avec une coccinelle. Enfin, avec la conductrice d'une coccinelle. En préambule je dois dire que je ne sais pas conduire les métros, c'est pourquoi je me déplace en autobus. En fait, ce jour là, j'avais pris mon vélo car je venais de m'acheter un pantalon et je voulais le tester. Allait-il résister ? Allait-il craquer ? Bref je m'entraînais sur une aire de stationnement quand une rainette croisa mon chemin en faisant des bonds hystériques. Magnanime, je fis un écart pour lui laisser le temps de trouver un bocal ou une mare, ou la plus proche station météo. C'est ainsi que je me retrouvai face à une grosse dame en train de s'extraire comme elle le pouvait de sa voiture jaune vermillon. Mon guidon se coinça entre ses seins, ce qui, vous le reconnaîtrez, est un drôle d'endroit pour une oaristys. La dame m'injuria, me traita de mouche à roulettes, de coléoptère adelphe, de trublion pacifiste et autres oxymores bien senties. Elle finit par bafouiller de colère, s'exprimant de manière obscure, vaginale ou clitoridienne je ne sais trop, maniant le pataquès comme un personnage de film contemporain. Je ne répliquai pas car je n'avais pas de mots assez forts pour l'empêcher de me hurler dans les oreilles les accents de son plaisir et de ses injures.
Ce traumatisme réveilla en moi le besoin d'évacuer les matières à délire que je retenais depuis trop longtemps. Je courus m'installer devant une bière et un ordinateur dans un cybercafé, je demandais à mon voisin une leçon de piratage et, pour la première fois, je me mis à bloguer compulsivement. Depuis lors j'écris mes billets sur le blog des autres, répandant, sans éprouver la moindre difficulté à craquer leurs mots de passe, le flot incessant de mes envies poétiques dans les méandres de leur pensée et je signe "Le blogueur masqué". Mon succès ne se dément jamais. Les internautes vont de blog en blog à la recherche de mes incongruités. Quand ils me retrouvent ils me demandent si j'habite Internet ou le vaste monde en décomposition. Je leur réponds que j'habite les mots, et ils repartent, heureux, à la conquête de la planète des songes. C'est ça la sérendipité.
Ce petit texte, "Journal d'un diariste constipé", constitue ma participation au concours 13 à la douzaine, actuellement en cours sur le blog "Autour des mots", de Christine et Dino. Il s'agit, selon le principe que les surréalistes ont emprunté à Lautréamont, d'opérer "la rencontre fortuite sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie", autrement dit la juxtaposition de mots qui n'ont, a priori, rien à voir les uns avec les autres.
Commentaires
Merci Garde-mots pour ta brillante participation.
Un tout nouveau "13 à la douzaine" vous attend sur notre blog Autour des mots avec 13 mots issus de la "mine" du Gardien ;-).
Une pioche peu banale avec des mots qui n'ont à priori aucun point commun. Mais tout est toujours possible, la preuve en vraie grandeur dans le texte du Garde-mots ci-dessus.
Soyez les bienvenus ;-).
Ces 13 mots sont, comme il se doit, inattendus. Je m'y remets, tu auras d'ici peu un nouveau texte.
"En fait, ce jour là, j'avais pris mon vélo car je venais de m'acheter un pantalon et je voulais le tester."
Ar ar ar !
J'en suis peut-être aussi, j'aime bien écrire n'importe quoi^^
Alors, fait le nouveau concours en question. Dandylan, Traces, Faidit, Joël vous êtes tentés ?
Jaune vermillon, vermillon, je pensais que c'était le rouge qui était vermillon ?
Oui, mais moi je pensai être drôle. C'est raté. Disons "jaune sortie d'usine" et n'en parlons plus.
Hi, Hi, Hi, je ris vermillon, Ho, Ho,Ho :-)))
Le gardien n'a pas précisé que son acteur était daltonien ;-)
J'ai trouvé ton texte extrêmement drôle Gardien et j'en ai ris encore lors de sa relecture sur ton blog. Tu pars d'on ne sait où pour arriver on ne sait où en passant par les mots obligatoires on ne sait pas comment mais le résultat est là, surprenant, maniant les mots avec une belle virtuosité ;-)
J'aime bien que vous aimiez. D'autant plus que le premier jeu "13 à la douzaine" est de mon invention ainsi que les 13 premiers mots. À partir de là, les autres groupes de 13 mots appartiennent au Garde-Mots qui est hors concours. Je vous remercie, tous, pour votre participation. Bientôt, d'autres jeux pour ceux qui aiment jongler ... autourdesmots.
Christine : Merci, le jaune me monte aux joues.
Dino : C'est un honneur d'être hors-concours.
DINO et le Gardien : euhhh non non, le garde mots n'est absolument pas hors concours... sauf lorsqu'il a choisi les mots et c'était un jeu précédent donc nous attendons sa participation avec grande impatience.
DINO, l'idée n'est-elle pas née de nos deux hémisphères droits ou gauches peu importe ? !!! rires...tsss ces hommes ;-)
Joël, j'ai apprécié ton texte "Adamantin" publié la semaine dernière chez "Autour des mots".
Mise à part la performance, j'ai particulièrement apprécié le clin d'oeil du couple diariste/constipé... on cherche en vain une contrepèterie qui vous tend la perche !
@Christine: Tes ancêtres, Espagnols, devaient voter (je suppose) à gauche. Moi aussi, quoique pas Espagnol (et presque Apatride) je voterais à gauche. Je te laisse, donc (pour les droits d'auteur), le choix entre hémisphère Droit ou Gauche. De toute façon, je me trouve à l'hémisphère Sud. Pardon pour la blague.
@Gardien: Comme disent les amis anglophones: I'll see you around.
Pour les nouveaux venus : Dino le grec vit au Brésil.
Dino : OK, pal.
@DINO, droite, gauche, nord, sud, quelle importance lorsque des hémisphères se rencontrent pour construirent... ;-) Besos para ti
@Le Gardien, je ne sais pas ce que "pal" signifie, j'imagine qu'il s'agit d'une contracture musculaire euh pardon anglophone mais il est clair que j'attends ton texte avec une certaine impatience ;-)
Pal, c'est "copain". J'ai choisi un mot anglais très court car ce blog est consacré à la langue française ...
Depuis le temps, Garde, tu dois me connaître un chouïa. J'adore respecter les règles. Un Blog plus ... vachement français que le tien je n'en saurais ni rêver dans mes nuits si brésiliennes et, pourtant, si solitaires. Mes compliments.
Merci pour la déférence.
toujours un plaisir de lire tes textes garde. Comme Joel , j'ai apprécié ton explication sur le pourquoi du déplacement en bus plutôt qu'en métro :-)
Ça fait plaisir de te revoir par ici.
mais je n'ai jamais quitté ce lieu !!!! simplement je me tais et j'écoute les autres :-) comme me dit la Lou, c'est un régal (elle veut dire d'écouter les autres mais aussi que je me taise)
Comment un garde-mot peut-il être autre chose qu'un fantôme? Et c'est heureux!