L'art de mémoire

L'art de mémoire ou topomnèse est un moyen mnémotechnique basé sur la capacité du cerveau droit à mémoriser les images. Il consiste à bâtir mentalement une architecture ou à visionner un endroit que l’on connaît bien, c’est ce qu’on appelle un lieu de mémoire (ou "palais de mémoire"). On y place des images suggérant de façon directe ou indirecte les idées, sentiments, objets, etc., dont on veut se souvenir. Il est recommandé de choisir des images liées à sa propre sensibilité et de les ranger dans un ordre logique. Leur caractère frappant, inhabituel, inattendu, émotionnel, voire ridicule ou érotique, facilite la mémorisation. On peut également les relier les unes aux autres par la pensée. En les visualisant on peut ainsi faire remonter les souvenirs auxquels on les avait reliées, surtout si on les a régulièrement entretenues. Il faut, bien entendu, visiter le lieu dans un ordre correspondant à l’enchainement initial. Cette technique remonte à l’Antiquité. Du fait qu’elle permettait de mémoriser les discours elle faisait, à l'époque, partie de la rhétorique.

Cicéron rapporte dans son traité de rhétorique De oratore (65 av. J.-C.) qu'elle fut inventée par le poète Simonide de Céos (556-467 av. J.-C.), dit Simonide le lyrique. À l’occasion d’un banquet, il doit faire l’éloge de son hôte, Scopas, sculpteur et architecte de Thessalie (c. 395 - 350 av. J.-C.), qui le rémunère pour cela. Au cours d’une digression Simonide rend hommage aux dieux jumeaux Castor et Pollux. L’hôte déclare alors à Simonide qu’il lui donnera la moitié de la somme convenue et que l’autre partie devra être réclamée aux dieux. On avertit Simonide que deux jeunes gens demandent à lui parler. Il quitte le banquet et ne trouve personne devant la porte mais c'est ainsi qu’il a la vie sauve : le toit de la salle où avait lieu le banquet vient de s’effondrer. Les invités sont tous morts et méconnaissables mais Simonide se souvient de la place de chacun, et peut ainsi aider à les identifier : il vient de découvrir l’art de mémoire. Par la suite l’auteur de Rhetorica ad Herrenium (85 avant J.-C.), resté anonyme, en sera le premier théoricien. Jean de la Fontaine en fera un poème, Simonide préservé par les dieux.

Cognition et  mémoire

Les sciences cognitives nous aident à comprendre les processus impliqués dans l'acquisition et la transmission des connaissances et des habiletés. Elles s’intéressent au cerveau, à la pensée et au fonctionnement de la mémoire. Elles permettent de modéliser des phénomènes aussi complexes que la perception, l’intelligence, le raisonnement, le langage, le calcul, et de comprendre comment  l’information est traitée. Elles constituent un champ interdisciplinaire dans lequel on retrouve la linguistique, la psychologie, l’anthropologie, l’épistémologie, les neurosciences et leur imagerie. Les mathématiques, l’informatique et l’intelli- gence artificielle permettent de les formaliser.

[Mot demandé par Jacques]

[Retrouvez ce billet dans
L'Almanach 2010 du Garde-mots
]