Éloge de rien

L'Éloge de rien dédié à personne, opuscule publié pour la première fois à Paris en 1730, s'inscrit dans la tradition des éloges parodiques de l'Antiquité. Il ne porte pas de nom d'auteur mais on sait qu'il est l'œuvre de Louis Coquelet (1676-1754), auquel on doit également un Éloge de quelque chose dédié à quelqu'un, un Éloge de la goutte, un Éloge de la méchante femme, Le triomphe de la charlatanerie, le Calendrier des fous, l'Almanach burlesque, etc.

On peut lire dans l'introduction, intitulée Épître dédicatoire à Personne : "Quand enivré de la folle vanité de me faire un nom dans la République des Lettres, j'ai quitté le tranquille séjour de la Province [1] pour venir me transplanter à Paris, le séjour de la confusion et du désordre, veut-on savoir qui à mon arrivée en cette ville est venu me visiter et me faire des offres de service ? Personne. Est-on curieux d'apprendre qui m'a consolé quand j'y ai eu des chagrins, ou quelque fâcheuse maladie ? Personne.  Qui m'a donné sa table ou prêté de l'argent ? Personne. À qui donc ai-je plus d'obligation à votre avis qu'à Personne ? Mais Personne n'a pas seulement mérité mon estime et ma confiance par les endroits que l'on vient de voir, mais je soutiendrai hardiment contre tout le monde qu'on trouve en Personne tout ce qui peut former le mérite le plus complet." C'est donc en toute logique que l'auteur dédie cet Éloge de rien à Personne. Le corps du texte est dans le même ton. L'absurde, qui tient lieu de philosophie à ce bijou, nous oblige, comme si de rien n'était, à tout comprendre (et tout accepter ?) de notre condition humaine.

[1] Péronne, où il est né.

Couverture
L'Éloge de rien vient de reparaître aux éditions Allia.