La langue des oiseaux

Il est question, dans diverses traditions, d’un procédé linguistique appelé « langue des oiseaux ». Il s’agit d’une expressivité secrète basée sur le jeu avec les mots (anagrammes, calembours, assonances, rébus, homophonies, analogies, substitutions, verlan), grâce auquel on obtient une signification différente, symbolique, réservée aux initiés. C’est une sorte de cryptographie sonore, un codage volontaire qui permet à l’homme de communiquer avec les « êtres supérieurs » ou la divinité. Il n’existe pas de clé, de code écrit, facilitant le décryptage. Celui-ci se fait au fur et à mesure que l’on accède à la connaissance. Synonyme : cabale phonétique, gai savoir, gaie science, langue des anges, langue des Dieux.

La langue des oiseaux était particulièrement utilisée dans l’Antiquité par les devins - Platon en parle dans le Cratyle - et au Moyen Âge par les chevaliers, les bâtisseurs de cathédrales, les trouvères, les troubadours.

La poésie mystique des soufis en fait un usage important. Le poète persan Farîd al-Dîn Attâr (1119-1190) écrit à son propos : « Reste devant la porte si tu veux qu'on te l'ouvre. Rien n'est fermé jamais, sinon à tes propres yeux. » Son ouvrage Le Langage des Oiseaux fait de l’épopée mystique de 30 000 oiseaux une parabole de la quête au cours de laquelle certains sont initiés au sens profond des mots, tandis que d’autres ni accèdent pas.

Les alchimistes ont fait de la langue des oiseaux le véhicule principal de leur science, afin de n’être compris que de ceux qui savent peu à peu accéder à l’initiation et au Grand Œuvre.

Le Tarot de Marseille, méthode de divination médiévale obéissant à la transmission orale, fonctionne sur l’interprétation des images par l’intermédiaire de la langue des oiseaux.

De nos jours le psychanalyste Jacques Lacan s’est servi de ce principe pour comprendre le langage de l’inconscient.

La poésie contemporaine, dans laquelle les  métaphores jouent un rôle important, conserve, à l’état vivant et actif, une part de cette mystique primordiale.
[Pour L.D.]