Liberté de penser



Rousseau juge de Jean-Jacques
Les dialogues Rousseau juge de Jean-Jacques (rédigés entre 1772 et 1776 et publiés en 1780, deux ans après sa mort) constituent une mise en abyme de l’auteur : un personnage nommé « Rousseau », parlant de « J.J. » qui symbolise Jean-Jacques lui-même, dit pourquoi il persiste à vivre pauvrement, alors qu’il pourrait être riche en faisant des livres :
« Pourquoi vouloir que je fasse encore des livres quand j'ai dit tout ce que j'avais à dire, et qu'il ne me resterait que la ressource trop chétive à mes yeux de retourner et répéter les mêmes idées ? A quoi bon redire une seconde fois et mal, ce que j'ai dit une fois de mon mieux ? Ceux qui ont la démangeaison de parler toujours trouvent toujours quelque chose à dire; cela est aisé pour qui ne veut qu'agencer des mots ; mais je n'ai jamais été tenté de prendre la plume que pour dire des choses grandes neuves et nécessaires, et non pas pour rabâcher. J'ai fait les livres, il est vrai, mais jamais je ne fus un livrier. Pourquoi faire semblant de vouloir que je fasse encore des livres, quand en effet on craint tant que je n'en fasse, et qu'on met tant de vigilance à m'en ôter tous les moyens ? »
 
Rousseau écrit de même dans Les Confessions (Livre IX, paru en 1789)   : « Je sentais qu'écrire pour avoir du pain eût bientôt étouffé mon génie et tué mon talent, qui était moins dans ma plume que dans mon cœur, et né uniquement d'une façon de penser élevée et fière, qui seul pouvait le nourrir. Rien de vigoureux, rien de grand ne peut partir d'une plume toute vénale. »

Cette liberté de penser et d’écrire  - joints à son délire de persécution - firent de Rousseau un reclus dans le petit ermitage des bois de Montmorency prêté par Louise d’Épinay (1756-1757). Après la condamnation d'Émile, ou De l'Éducation par le parlement de Paris (1762), il est amené à s’exiler en Suisse puis à Londres (1766) en compagnie du philosophe David Hume avec lequel il finira par se quereller.

Le Bicentenaire de Rousseau

Nous fêtons aujourd'hui même le 200e anniversaire de la naissance à Genève de Jean-Jacques Rousseau. Ceci est le onzième d'une série de 16 billets à paraître dans Le Garde-mots en cette année du tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau (1712-1778). Déjà parus : Hétérobiographie, Balustre, Charmette, Sub dio, Larcin, Notation, Primer, Gouverneuse, Dictamen, Naturalisme. Noter également que la Selyre (Société des écrivains et du livre lyonnais et rhônalpins) organise le samedi 29 septembre 2012 une sortie littéraire aux Charmettes (où nous serons accueillis par Jean-Jacques Rousseau en personne) et à Annecy. Renseignements et bulletin d'inscription ici.

Rousseau par François Gérard

François Gérard. Portrait de J.J. Rousseau, 1822.
Dans ce portrait posthume Jean-Jacques est en bonnet arménien et caftan.