Le Garde-mots

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vendredi 4 février 2011

Guernica

Le 26 avril 1937, jour de marché, des avions allemands escortés par des bombardiers italiens lâchent, avec l’accord de Franco, cinquante tonnes de bombes incendiaires sur la population civile de Guernica, une petite ville du Pays basque espagnol, afin de tester leurs nouvelles armes. Les chiffres officiels font état de 1654 morts et de plus de 800 blessés.

Dans les semaines qui suivent le gouvernement républicain espagnol commande à Pablo Picasso (1881-1973) une œuvre destinée à perpétuer le souvenir de ce tragique événement. Il en fait une immense protestation, presque exclusivement en noir et blanc, où la souffrance est manifeste et qui constitue l’une des œuvres majeures du XXe siècle.

Ce tableau est exposé, un mois et demi plus tard, dans le pavillon de l'Espagne à l'Exposition universelle de Paris de 1937. Il sera ensuite conservé au Musée d'Art Moderne de New-York jusqu’au rétablissement de la démocratie en Espagne, selon le souhait de Picasso.  Il sera transporté à Madrid en 1981 à l’occasion du centenaire de la naissance du peintre, d’abord au Casón del Buen Retiro puis au Museo Reina Sofia à partir de 1992, où l’on peut le voir actuellement.

Guernica


Cette vaste toile de 7,82 sur 3,51 mètres, bien que d’un seul tenant, est organisée comme un polyptique. La représentation de la violence lui donne, malgré tout, une grande unité. De droite à gauche on peut voir : une mère portant dans ses bras son enfant mort, elle hurle sa douleur en direction du ciel d’où est venue la terreur, comme si elle poussait un cri pour toutes les mères du monde ; un taureau au regard humain, plutôt protecteur, en écho à la série des minotaures que Pablo Picasso peint depuis le début des années 30 ; un cheval en pleine agonie ; une femme pliée en deux et qui en vient presque à ramper car elle a peur de ce qui va tomber sur elle ; un visage émergeant d’une maison en flammes. Le tout est couronné d’une source  de lumière – soleil et tournesol et ampoule – en forme d’œil, qui donne à la toile une universalité dont nous nous passerions volontiers. Mais nous restons sur Terre, ou plutôt atterrés par le soldat mort, tout en bas : sa gorge est tranchée et son bras sectionné, son épée et son âme sont brisés à tout jamais. La force, l’évidente barbarie et le cri d’horreur de ce tableau  nous dispensent de toute interprétation symbolique.  Picasso lui-même s’y refusait.

Picasso derrière une vitre
Contentons-nous d’une légende qui a de grandes chances de correspondre à la réalité. Pendant la Seconde Guerre mondiale, Picasso, qui vit à Paris, reçoit la visite d'Otto Abetz, l'ambassadeur du régime nazi. Ce dernier en apercevant une photo de la toile Guernica lui demande : « C'est vous qui avez fait cela ? », Picasso, en espagnol pétri de bravoure, lui répond : « Non, c’est vous ».

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vendredi 31 juillet 2009

Père ou repère ?

Qui oserait traiter Picasso d’imitateur se tromperait lourdement. S’il reprend les idées de Velasquez, Ingres, Delacroix,  Manet,  Van Gogh, Pissarro et de bien d’autres, il n’en est pas moins pleinement Picasso. Il l'affirme d'ailleurs à sa manière : « Qu’est-ce qu’un peintre ? C’est un collectionneur qui veut se constituer une collection en faisant lui-même les tableaux qu’il aime chez les autres. Il est avant tout parfaitement lui-même. »

Après Cézanne en Provence en 2006, le musée Granet d’Aix-en Provence abrite jusqu’au 27 septembre  l'exposition Picasso Cézanne, à travers 114  de leurs œuvres (91 Picasso, 23 Cézanne). Certes il n'y a pas les grands classiques, mais quelques œuvres majeures sont tout de même présentées. Nous pouvons ainsi découvrir ce que Picasso, sans jamais perdre le fil de sa propre créativité, doit à Cézanne. Il le considérait comme son seul maître et l’appelait « Monsieur Cézanne ». Picasso a vécu deux ans au château de Vauvenargues, au pied de la montagne Sainte-Victoire, sans essayer de la peindre, par égard pour son aîné. « J’habite chez Cézanne » aimait-il à dire. Ils ne se sont jamais rencontrés, mais Pablo possédait quatre toiles de Paul.

Cézanne cherche avant tout l’harmonie  des couleurs et des formes. Sa « peinture couillarde » comme il la nomme, repousse les limites de la perspective, faisant de lui le précurseur du cubisme. Picasso a repéré ces lignes de force mais il ne reproduit pas, pour autant, les peintures de Cézanne. Son inspiration est beaucoup plus subtile – et maîtrisée. Libérateur de l’univers pictural et artiste de génie, il les prolonge jusqu’à interpeller notre sensibilité la plus secrète. La peinture n’est plus pour lui un instantané mais un instant simultané où le mouvement intérieur révèle notre véritable nature, où toutes les couches d’un objet ou d’un visage nous sont révélées à grands traits (triviale comparaison : un peu comme les calques de Photoshop).

Picasso et Cézanne ont tous les deux le goût de la géométrie et le génie de la composition. Si l’on veut leur trouver une différence, Cézanne peint l’essence du visible et Picasso celle de l’invisible. Cézanne indique le chemin qui mène jusqu’à nous. Picasso l’empreinte et poursuit la route.

En un raccourci saisissant, cette exposition présente les deux phares de l’art moderne, entre lesquels la filiation est certaine. Au deuxième étage, il ne faut pas manquer les photos de David Douglas Duncan, Picasso au château de Vauvenargues. Puis, avant de sortir,  parcourir le fonds du musée Granet pour reposer son œil parvenu au seuil de l'impossible.

Picasso

Cézanne. Gardanne. 1886. Picasso. Vauvenargues II. 1959.

vendredi 9 janvier 2009

Pandiculation

*
Picasso. Pandiculation du Coq.
1938.

Fusain sur papier.


Étirement généralisé des muscles qui consiste à porter les bras en l'air et à renverser la tête en arrière tout en allongeant les jambes au maximum. En général l’action s'accompagne de bâillements. Elle se produit au réveil, dans la journée en cas de fatigue ou lorsqu'on est près de céder au sommeil. Elle a lieu aussi bien chez l'homme que chez les animaux. Du latin pandere, étendre, déployer.

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vendredi 4 août 2006

Cézanne ou l'école du regard

Le Grand pin et les Terres rouges
Paul Cézanne. Grand Pin et Terres rouges.
1890-1895. Musée de l'Ermitage (Saint-Pétersbourg).

Ce tableau est actuellement visible à l'exposition Cézanne en Provence (Musée Granet , Aix-en-Provence, jusqu'au 17 septembre 2006). "Te souviens-tu du pin qui, sur le bord de l'Arc planté, avançait sa tête chevelue sur le gouffre qui s'étendait à ses pieds ? Le pin qui protégeait nos corps par son feuillage de l'ardeur du soleil, ah ! puissent les dieux le préserver de l'atteinte funeste de la hâche du bûcheron ! (Cézanne, Lettre à Émile Zola, 9 avril 1858).

Il y avait trop de monde, et puis la guide n'aimait pas Cézanne, j'ai fait demi-tour ...

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