Cet étrange et fascinant tableau représente
Valentine
Visconti (1366 -1408), dite
Valentine de Milan, fille d’Isabelle
de France et de Galéas II Visconti. Elle pleure son époux Louis Ier,
duc d'Orléans,
fils du roi de France Charles V et frère de Charles VI le Fou. Mariés depuis
1389, ils ont eu quatre enfants dont
Charles
d'Orléans, futur poète. Jean Ier, duc de Bourgogne, dit Jean sans Peur, a
fait
assassiner
son cousin et rival politique Louis à Paris, le 23 novembre 1407 à sa sortie de
l'hôtel Barbette, rue Vieille-du-Temple, dans le quartier du Marais. Louis
d'Orléans s'opposait au projet du duc de Bourgogne d'annexer l'Artois et la
Flandre. En l'éliminant Jean sans Peur a déclenché une sanglante lutte pour le
pouvoir qui se transformera rapidement en guerre civile entre les
Armagnacs et les
Bourguignons. Elle n'aura de
fin que 30 ans plus tard avec la signature du traité d'Arras (1435).
Valentine est inconsolable. La devise qu'elle a fait graver sur les murs du
château de Blois, où elle s'est retirée, en est témoin: « Rien ne m'est
plus, plus ne m'est rien », autrement dit « Je ne me soucie plus de rien ».
Elle ne survivra d'ailleurs qu’un peu plus d’un an à son époux.
Le charme désuet - le charme certain – de ce tableau est en adéquation avec la
scène qu'il représente. Le peintre a situé son modèle dans l’embrasure d’une
fenêtre, ce qui lui permet d’introduire une lumière latérale à la manière des
maîtres hollandais du XVIIe siècle. Savamment dosée, cette lumière nous révèle
une femme brisée, au regard perdu, prisonnière du sort que la vie lui a
réservé. En habit noir du XVe siècle, assise sur un
coussiège, repliée sur
elle-même, elle incarne, dans ce décor austère mais raffiné, la mélancolie et
le deuil sans fin.
La composition du tableau est savante. Le « cadre dans le cadre » (le rectangle
périphérique) en est la principale originalité. Valentine se tient près de la
fenêtre, comme si elle attendait indifféremment le retour de son mari ou la
mort. La diagonale du bord du rideau vert et celle - plus virtuelle - du
lévrier qui la console, se croisent en pleine lumière, ce qui laisse une petite
place à l'espoir. Au sommet de la composition la
vouivre (
biscione en italien) est le
symbole de la maison des Visconti et de la ville de
Milan. Au centre, un parchemin et un
livre, semblent nous dire que la connaissance divine aura bientôt raison de la
vie terrestre de Valentine.