Le Garde-mots

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vendredi 6 mai 2011

Dalí et les montres molles

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Après Nerval et son onirisme désespéré voyons comment l'imagination artistique de Salvador Dalí en fait l'archétype de l’onirisme pictural. Son œuvre est une succession de représentations visuelles où le réel n’est qu’un décor. Dalí plonge en lui même à l’état de veille afin de produire une autre réalité et nourrir, avec une expressivité très personnelle, notre imaginaire. Certes il donne l’impression d’être fou, et d’ailleurs il qualifie lui-même sa façon de peindre de paranoïaque critique,  « une méthode spontanée de connaissance irrationnelle basée sur l’association interprétative critique des phénomènes délirants » mais, contrairement à ce qu’il voudrait  nous faire croire, il est seulement excentrique. Au delà du procédé commercial, sa folie supposée suggère que toute œuvre d’art est un symptôme et que le rêve est une métaphore de la vie. D’ailleurs il plonge avec délectation dans ses rêves et en tire une bonne partie de son inspiration.

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lundi 2 mai 2011

Aurélia

« Le rêve est une seconde vie. Je n’ai pu percer sans frémir ces portes « d’ivoire ou de corne qui nous séparent du monde invisible. Les premiers « instants du sommeil sont l’image de la mort ; un engourdissement nébuleux « saisit notre pensée, et nous ne pouvons déterminer l’instant précis où le « moi, sous une autre forme, continue l’œuvre de l’existence. C’est un « souterrain vague qui s’éclaire peu à peu, et où se dégagent de l’ombre et de « la nuit les pâles figures gravement immobiles qui habitent le séjour des « limbes. Puis le tableau se forme, une clarté nouvelle illumine et fait jouer ces « apparitions bizarres : le monde des Esprits s’ouvre pour nous. »

Photo de Gérard de Nerval
Tel est le début d’Aurélia ou le rêve et la vie (1855), la dernière œuvre de Gérard Labrunie dit Gérard de Nerval (1808-1855). Il l’a rédigée en grande partie dans la maison de santé du docteur Émile Blanche où il reçut des soins à plusieurs reprises. Il dit lui-même qu’il donne  dans ce texte « les impressions d’une longue maladie qui s’est passée tout entière dans mon esprit. » Il s’est suicidé avant de l’avoir achevée.

Dans ce long poème en prose il part à la recherche de sa bien-aimée, la cantatrice Jenny Colon, rebaptisée Aurélia pour les besoins de la littérature, morte en 1842, et qu’il a aimée d’un amour platonique. En rêve il la transforme en mère universelle, ce qui n’a rien d‘étonnant quand on sait qu’il a perdu sa mère à l’âge de deux ans. La mort d'Aurélia représente pour lui « l'épanchement du songe dans la vie réelle », ce  qui lui permet de s’aventurer en terre inconnue, c’est-à-dire au sein de son propre mental, fait de mysticisme et de culpabilité, et de décrire des hallucinations qu’il prend pour la réalité. Les frontières entre le délire et lucidité sont incertaines et c’est ce qui fascine dans ce récit autobiographique, parangon de l’onirisme en littérature.

vendredi 29 avril 2011

Onirisme

Activité mentale faite de visions et de scènes animées, telle qu'en réalise le rêve. C’est également le nom d’un délire constitué d’hallucinations comparables aux images qui se manifestent au cours du rêve. Du grec oneiros, rêve.

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vendredi 12 septembre 2008

L'intelligence du monde

Le sommeil est une aventure essentielle à la qualité de la vie. Sa production originale, le rêve, n'est pas une fuite mais une expérience fondatrice qui pose habilement la question du réel. On peut le comparer au théâtre ou au cinéma en ce sens qu'il est l'objet d'une convention : celle de faire semblant que tout ce qu'on voit arrive réellement, tout en sachant qu'une instance en nous, doit impérativement y croire pour que l'ensemble fonctionne. C'est un moyen de déguiser mais aussi d'aiguiser le désir, de le rendre licite. Il est créateur de symboles et, à ce titre, il est essentiel à la vie psychique, avec sa part d'abandon et ses évasions vers un ailleurs inspiré. C'est l'intelligence du monde.

Le rêve n'est pas imaginaire. C'est une métaphore de la vie, une fausse naïveté qui tente de nous entretenir, à tous les sens du terme, et en même temps une réalité agissante. Bien que l'homme s'interroge à son propos depuis toujours, il n'est pas complètement à nous. Certes, il s'agit d'un instrument de connaissance des êtres humains, en tout cas sur le plan collectif. Sur le plan individuel il appartient à chacun de décider s'il faut seulement le considérer comme une aventure amusante, un détour, un luxe, ou s'il recèle des germes de ce vers quoi nous tendons.

Que faisons-nous de nos rêves ? Chacun répond pour lui-même à cette question qui ne relève pas de la culture mais de l'aventure personnelle. Ami, passage obligé ou énigme, lourd, invincible ou léger, enrichissant, le sommeil relève du domaine privé. Le rêve est le langage du désir, de la souffrance déguisée mais aussi de l'accomplissement.

[Retrouvez ce billet dans
L'Almanach 2010 du Garde-mots
]

vendredi 12 janvier 2007

Alacrité

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Terme recherché, littéraire, désignant ce qui est plein vie, ce qui témoigne d'une gaieté vive et entraînante. Étymologie : du latin alacritas, ardeur. Synonymes : allant, allégresse, bouillonnement, brio, enjouement, entrain, excitation, euphorie, gaieté, ivresse, transport, vivacité, vitalité.

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vendredi 29 décembre 2006

Virelangue

Répétition rapide et aussi longtemps que possible d'une suite de mots présentant une difficulté de prononciation et/ou de compréhension. A un moment donné la phrase se déforme. Elle devient soudain amusante ou inintelligible, ou encore finit par véhiculer un mot cru. Il s'agit le plus souvent d'un jeu, comme par exemple  les virelangues classiques de notre enfance :

Les chaussettes de l'archiduchesse sont elles sèches, archisèches ?

Panier-piano.

Le virelangue peut également être utilisé par les comédiens pour leurs exercices de diction, un peu comme les gammes du musicien :

- Dis-moi, petit pot de beurre, quand te dépetipodebeurreriseras-tu ?
- Gros pot rond de beurre, je me dépetipodebeurreriserai quand tous les petits pots de beurre se dépetipodebeurreriseront et auront dégrospotsronddebeurreriser tous les gros pots ronds de beurre.

Ou encore, en remerciant Mnésique pour cette illustration sonore :



Ceux d'entre vous qui savent lire voudront peut-être lire le texte, afin de mieux s'imprégner de cette phrase définitive :

"Kiki était cocotte, et koko concasseur de cacao. Kiki la cocotte aimait beaucoup Koko le concasseur de cacao. Or un marquis caracolant, caduc et cacochyme, conquit par les coquins quinquets de Kiki la cocotte, offrit à Kiki la cocotte un coquet caraco kaki à col de caracul. Quand Koko le concasseur de cacao s’aperçut que Kiki la cocotte avait reçu du marquis caracolant, caduc et cacochyme un coquet caraco kaki à col de caracul, Koko le concasseur de cacao conclut : je clos mon caquet, je suis cocu !"

De nombreux exemples figurent ici.  Synonyme : trompe-oreilles. Étymologie : traduction presque littérale de l’expression anglaise tongue twister, qui fait tordre la langue.

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samedi 16 décembre 2006

Sommeil dans le sommeil


Vous avez déjà rêvé, bien sûr ? Si vous rêviez c'est que vous étiez en train de dormir. Bon, jusque là, rien que du banal.

Mais avez-vous déjà rêvé que vous dormiez ? C'est ce qui m'est arrivé aujourd'hui. Curieux, non ? La difficulté a commencé quand je me suis réveillé. Car lorsque je me suis réveillé, je me suis retrouvé en plein cauchemar. Sérieusement. En fait, comme vous commencez à le deviner, je me suis réveillé du sommeil dans le sommeil, mais pas du sommeil. J'étais même en plein cauchemar : dans le métro et il y avait un bruit infernal, des gens qui courraient dans tous le sens, des couleurs qui défilaient et ma montre qui refusait d'afficher l'heure. Il a fallu que je fasse un gros effort pour m'en sortir. Bref je me suis réveillé malgré tout et je vous raconte.

Une fois j'ai rêvé que je rêvais. Comme quelque temps après j'ai rencontré LE spécialiste mondial du sommeil, Michel Jouvet, je lui ai demandé s'il connaissait. Il m'a confirmé que le phénomène existe. Je ne l'avais donc pas rêvé. Eh bien, aujourd'hui j'ai rêvé que je dormais. Croyez-moi et dites moi si ça vous est déjà arrivé.

lundi 13 mars 2006

Fantasme


Il y a loin de la coupe aux lèvres.
Représentation imaginaire résultant de désirs plus ou moins conscients. De la rêverie au rêve, en passant par le théâtre intérieur, l’affleurement du moi profond et les intuitions, le fantasme naît de l’écart (de la trace) entre la perception et l'imagination, le donné et l’espérance, le vécu et l’attente. Du grec phantasma, apparition. Synonyme : phantasme. Mots voisins : lubies, chimères, visions, illusions, hallucinations. Mots ayant la même étymologie : fantasmatique (qui présente un caractère irréel), fantaisie (grande capacité à imaginer), fantasque (qui donne libre cours à sa fantaisie), fantastique (qui donne libre cours à son imagination), fantôme (apparition qui procède du surnaturel).

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dimanche 1 janvier 2006

Étrenne


Cadeau que l'on fait à l'occasion du jour de l'an (dans ce sens, le mot s'emploie généralement au pluriel). C'est également le premier usage qu'on fait d'une chose (ce qui correspond au verbe étrenner), la première vente faite par un marchand dans sa journée, la gratification remise en fin d'année à certains employés. Au XIXe siècle on disait familièrement avoir l'étrenne d'une femme pour lui faire perdre sa virginité. Du latin strena, présage, puis cadeau pour servir de bon présage.

Pour vos étrennes, le garde-mots vous offre un peintre.

Soudain la toile...

... ou son double dans le regard du monde. Une fois pour toutes le destin se charge d'apprivoiser la blancheur. D'y poser une intention et de nous attendre de l'autre côté du sensible. On s'en doute et on redoute. Tout est encore à dire, à donner, à recevoir.

Soudain le peintre...

Il se nomme Oudot, mais ne le sait pas car je l'appelle Jacques. Un ami n'est pas un peintre mais un frère d'horizon. Le peintre est un passeur de rêves qui nous oblige à voir ce qu'il ressent et à dire ce qu'il voit, en un mot à prendre sa place. D'où l'usage du patronyme qui, seul, peut en faire un artiste.

Soudain le tableau ...

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