Le Garde-mots

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Recherche - lieux

lundi 24 août 2009

Kaolin

Argile blanche et friable, très pure, originaire de Chine. À la cuisson elle ne fond pas (elle est dite « réfractaire »), ne subit aucun retrait, et conserve sa couleur. C’est la raison pour laquelle  elle entre dans la composition de la porcelaine fine. Du chinois, kao, haut, et ling, colline, nom des lieux d'où l'on tire cette qualité d'argile, en particulier Kao-ling, colline située près de King-tö-tchen, au nord de la Chine, qui en contient de grandes quantités. En France, on en trouve à Ploemeur (Morbihan), à  Saint-Yrieix-la-Perche (dans la région de Limoges), près de Cherbourg, à Louhossoa (Pyrénées-Orientales), etc. Le mot kaolin est une antonomase (utilisation d'un nom propre pour désigner un nom commun) et un toponyme (nom de lieu).

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vendredi 15 mai 2009

Guilledou

Car souvent moins sage que fou
Il va courir le guilledou.
(Scarron)

Terme familier et vieux, utilisé uniquement dans la locution verbale Courir le guilledou, c'est-à-dire chercher des aventures galantes, aller la nuit dans des lieux de débauche. De l’ancien français guiller, tromper, et de l’adjectif doux (pris dans le sens d’agréable). Synonyme : courir l'aiguillette, courir la prétentaine.

Dessin d'Ydel

Merci à Ydel pour son dessin original.
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vendredi 17 octobre 2008

Agoraphobie

Peur irrationnelle des espaces découverts et des lieux publics, en particulier des places désertes. Contrairement à une idée reçue il ne s’agit pas de la peur de la foule. Du grec agora, place publique (où les citoyens grecs se réunissaient pour discuter de politique), et phobos : peur. L'agoraphobie appartient au groupe général des phobies.

Phobie

Peur irraisonnée, instinctive et injustifiée d'un objet, d’une personne, d’une circonstance ou de l'accomplissement d'une action. Il en découle l’anticipation anxieuse, l’évitement ou la panique. Certaines personnes tentent de se protéger de leurs peurs en ayant toujours avec elles un « objet contraphobique », l’équivalent du doudou des enfants. Certaines phobies revêtent un caractère obsessionnel. Du grec phobos, peur.

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lundi 8 septembre 2008

Spiritualité et Humanisme

J’ai assisté le 19 juillet 2008 à un mariage un peu particulier. Il y avait de la bonne humeur, des invités sympa, des parents souriants, un cocktail dans un très beau parc, un château, des musiciens jazzy et des mariés heureux. Jusque là, rien que du courant, en tout cas du prévisible.

Les mariés


Tout a commencé par une cérémonie religieuse dans un cellier en pierres dorées du Beaujolais, sur les lieux mêmes de la réception. Les mariés, David et Lina, formaient un couple comme les autres, avec toutefois une particularité. Issus de cultures différentes, ils avaient demandé au père Christian Delorme, curé bien connu pour ses positions originales et tranchées, chargé au diocèse de Lyon des relations avec les musulmans, de les aider à consacrer leur union. La Bible, le Coran et un Arbre de vie, posés sur une simple planche de bois, symbolisaient la Table de cérémonie.

Chaque instant fut un moment fort. C’est ainsi que les quelque 150 à 200 invités purent entendre un conte africain, un texte de mère Teresa sur l’Amour, un extrait du Coran (la sourate An-Nûr, autrement dit les Versets de la Lumière). Ces versets ont d’abord été lus en arabe puis le P. Delorme en a donné une traduction française. Il y avait aussi un conte soufi, un extrait de l’Évangile de Matthieu sur Jésus et le mariage, la célébration de l’Arbre de Vie, de la musique anglo-saxonne, bref un cérémonial inédit, composite et joyeusement sérieux. Jusque là, ça sonne un peu différent mais, après tout, le XXIe siècle est déjà bien entamé.  Le curé a béni les alliances, puis David et Lina ont allumé ensemble une bougie, suivant en cela la tradition juive. Le Père Delorme en profita pour leur rappeler que, selon les religions juive et musulmane, "se marier c’est déjà accomplir la moitié de la religion". ll ajouta, avec un rien de malice : "Que ça ne vous empêche pas de faire vôtre la deuxième moitié !"

Nous sommes pour l’entente des êtres et des peuples, n’est-ce pas ? Notre sensibilité ne se contente plus de l’étroite répétition des traditions ancestrales ? Nous avons un regard attendri sur le monde actuel ? Eh bien, vous croyez avoir tout vu, tout lu, tout entendu ? Le plus surprenant, c’est pour maintenant. La cérémonie se termina par un texte de Voltaire. Imaginez : un curé lisant religieusement du Voltaire... Pas n’importe quel curé, je vous l’accorde, mais pas n’importe quel texte de Voltaire non plus : une prière.

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vendredi 18 juillet 2008

Éponyme

Se dit d'une personne dont le nom sert à désigner quelque chose. Il peut s'agir :
- d'un lieu : la déesse grecque Athéna (déesse de la Guerre et de la Sagesse) a donné son nom à la ville d’Athènes ; Romulus fonda la ville de Rome en 753 av. J.-C. ; les saints ont en grand nombre prêté leur nom à des villes et villages :   saint Cyr, saint Tropez, saint Étienne, saint Brieuc, sont des saints éponymes.
- d'un continent : l'Europe par exemple ;
- d'un monument : exemple ityphallique, la Tour Eiffel ;
- d'une œuvre dont le titre est le nom d'un des personnages : Candide, Phèdre, Le Père Goriot ;
- d'un mythe : c'est le cas de Sisyphe ;
- d'un peuple ou d'un État : le nom d'Israël a été donné par Dieu à Jacob après sa lutte avec l'ange (Genèse 32:28) ; il s'appliqua ensuite aux douze tribus issues des douze fils de Jacob; c'est aujourd'hui le nom de l'État hébreu ;
- d'une année : dans la Grèce ancienne on appelait archonte éponyme, le premier des neuf archontes (magistrats qui dirigeaient la République d'Athènes) parce qu'il donnait son nom à l'année en cours ;
- d'une société : la famille Michelin est l'éponyme des pneumatiques Michelin ;
- etc.

Du grec epônumos, qui donne son nom à, lui-même de épi, sur, et onoma nom.

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vendredi 18 avril 2008

Incipit

Terme qui désigne les premiers mots d'une œuvre littéraire. Il a un rôle sur la suite du texte qu'il annonce, définit ou éclaire. Du latin incipire, commencer. Synonyme : phrase-seuil. Antonyme : les derniers mots d'un chapitre ou d'un ouvrage se nomment explicit ou excipit.

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vendredi 11 janvier 2008

Nant

Cours d'eau, ruisseau, torrent dans une vallée creuse. Du gaulois nantu, vallée.

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vendredi 28 décembre 2007

Quinquet

Mais ce qui attire le plus les yeux, c’est, en face de l’auberge du Lion d’Or, la pharmacie de Monsieur Homais ! Le soir, principalement, quand son quinquet est allumé et que les bocaux rouges et verts qui embellissent sa devanture allongent au loin, sur le sol, leurs deux clartés de couleur, alors à travers elles, comme dans des feux de Bengale, s’entrevoit l’ombre du pharmacien accoudé sur son pupitre (Gustave Flaubert, Madame Bovary).

Quinquet

Lampe à huile à double courant d'air, dont le réservoir est situé à un niveau supérieur à celui de la mèche (antérieurement il était sous la flamme ou à la même hauteur). La mèche est creuse, ce qui permet à l'air de circuler au sein de la flamme, donnant ainsi un meilleur éclairage et un minimum de fumée. Le quinquet est surmonté d'une cheminée de verre qui canalise également l’air autour de la flamme et assure le tirage. Il fut inventé en 1782 par Ami Argand (1755-1803), physicien et chimiste genevois, et commercialisé par Antoine Quinquet (1745-1803), apothicaire à Paris. On a d'abord dit "lampe à la Quinquet", puis par simple antonomase "quinquet". Le mariage de Figaro fut donné à la Comédie Française le 27 avril 1784 dans une salle éclairée par des quinquets. Synonymes : fumignon, godet, lampe, lumignon, veilleuse. Métaphoriquement le mot signifie également œil, surtout à travers l'expression ouvrir ses quinquets.

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lundi 12 novembre 2007

La cousinade

Le concubinage et le cocufiage ne diffèrent que sur un point : le nombre des mensonges. L'essentiel, comme le prétend l'usage contemporain, est de couchailler à droite et à gauche sans se soucier de la conjugalité, de s'acoquiner avec les créatures les plus fantasques jusqu'à en être satisfait ou repu. "Viens que je te bouillave", déclare-t-on aujourd'hui, sans autre forme de désir. Selon certaines règles non écrites, le fornicateur doit posséder une aptitude orgasmique à toute épreuve et, quand la conversation s'y prête, affirmer à qui veut l'entendre qu'elle est, chez lui, régulièrement assouvie. À chaque partenaire une nouvelle chatouille, une papouille inédite, une gratouille éprouvée, un trait émoustillant. Il faut, à tout moment, inventer des caresses modulaires. Celui qui se livre sans retenue à la dégustation orgiaque, au coquinage branchouillé, à l'amour souterrain, fait l'admiration de ceux qui se vantent autant que lui. Certains connaisseurs optent pour l'émulation chaotique, d'autres pour des soulignages formels et convenus. Ils sont capables de pratiquer l'urolagnie à droite et le fétichisme à gauche puis de rentrer innocemment chez eux tels des boucaniers en maraude, après avoir écumé les soirées coûteuses et croustillantes des aoûtiens en mal de supplément copulatoire. Sur le chemin du retour, ils affouillent dans le silence ouatiné de leur mémoire les images de dénudation qu'ils ont arrachées à la fournaise libertine. Ils reviennent en toute couardise au logis un instant délaissé avec le sourire épanoui des gargouilles pendant l'orage. Ils préparent en chemin des arguments sans consistance qu'ils débitent d'une voix assourdie, démontrant ainsi qu'ils ne sont pas vraiment passés maîtres dans l'art de la persuasion.

Sans vouloir l'épuration des mœurs, on peut souhaiter une certaine retenue dans la fréquence coïtale. Assortie d'une justification laconique, d'une argumentation assouplie, loin de tout houspillage, elle est parfois propice au dialogue. Il me souvient de la balourdise mêlée de rondeur anomique et de rougeur éclatante dont faisait preuve mon ami Praetorius, ancien professeur des écoles devenu paysan, quand il me parlait de ses aventures extraconjugales. Le bar où nous nous retrouvions avec ponctualité le samedi soir n'était pas assez grand pour contenir ses confidences. Heureusement, il s'engouait au sept ou huitième pastis et rentrait chez lui avant la syncope, en empruntant les chemins cailloutés de l'Ardèche profonde. Il habitait au lieudit l'Abeillou, près du fameux tumulus proto-historique. Sa compagne était une majorquine à l'accent rocailleux, au regard traînant, qu'il trompait "à la royale et pour de bonnes raisons", selon son expression favorite. Sa vie de couple continuait malgré tout, entretenue par une jalousie réciproque et des échanges sporadiques. D'une voix soupirante Joaquine insultait Praetorius quand il rentrait à la maison un peu tard, ce qui lui permettait de se soustraire à des ébats approximatifs. Il rétorquait qu'elle était froide, se mettait à vasouiller une quelconque grivoiserie de bas niveau puis tombait dans un sommeil réparateur et souverain qui lui permettrait, le lendemain, de nouvelles escapades.

Les travaux des champs drainaient le plus clair de leur énergie. La gaudriole buissonnante, dans le couple, c'était l'instant organique, imprévisible, qui surgissait de l'ombre comme un animal traqué. On aurait dit des enfants en vadrouille ou des humanoïdes à la recherche de leur propre vérité. On les entendait parfois gazouiller dans la houssaie et le ciel se réjouissait de cette entente stochastique. L'amour venait de surcroît, au hasard des réconciliations, puis il s'émoussait sans laisser de souvenir. Ils se foutaient de tout sauf de leurs querelles et de leur récolte de blé.

Leur maison était des plus curieuses. Elle avait la forme d'un bateau renversé, comme si un voilier des mers australes était venu finir sa houaiche près de la rouvraie et se retourner pour toujours au mouillage, en attendant la venue d'un matelot qui la touerait en direction du large. L'arrière était arrondi et l'avant pointu comme un coupeur de vent avant la tempête. II n'y avait pas de gouvernail, et c'est ce qui, par une symbolique chère à Praetorius, expliquait les hauts et les bas de ce couple finalement plus solide qu'il n'y paraissait.

Joaquine n'avait plus ses menstruations depuis la dernière éclipse de lune. Peut-être même ne s'était-elle jamais aperçue, dans sa jeunesse, qu'elle aurait pu devenir mère. Tout ce qu'elle savait c'était que la roublardise de Praetorius était aussi démesurée que le nombre de ses maîtresses. Elle avait décidé une fois pour toutes qu'elle se vouerait aux soins du ménage et qu'elle ne bougerait pas le moindre sourcil quand il rentrerait tard en état de sustentation plus qu'improbable. Il roulerait sous la table sans recevoir le moindre secours. Elle vivait son quotidien d'intouchable sans jamais poser de questions. Elle menait les vaches à l'abreuvoir, éboutait les branches de pin maritime pour en faire des palissades, entourait les fleurs de son jardin de soins attentifs – surtout les pulmonaires qu'elle affectionnait particulièrement – et préparait la tambouille aussi bien qu'elle le pouvait en attendant le retour de Praetorius. Sa cuisine était bourrative mais saine. Ses plats de bataille se révélaient plutôt euphorisants : agneau à la sauce farigoule, favouilles saisies dans l'huile bouillante, dindonneau farci à la Lourdaise, andouille de Touraine, cagouilles sautées, artichauts en barigoule, langoustines en colère, panouilles grillées, nougatine à l'orange. Elle n'aimait pas spécialement ces plats d'une grande valeur calorique mais elle trouvait que leurs couleurs riches et variées donnaient à sa maison un air de fête. Quand elle devenait nostalgique elle pleurait un bon coup dans sa souillarde et retournait au travail le cœur libéré. Elle savait qu'elle courberait toujours l’échine pour mieux rebondir. Elle moulerait ses gâteaux, rentrerait les foins, bouserait l’étable, en même temps qu'elle louerait la providence pour sa générosité. Comme presque tous les soirs elle souperait sans son mari en regardant obstinément sa toile cirée, et c'était bien comme ça qu'elle entendait finir sa vie. Il n'était pas question de forcer sur l'acide ascorbique pour combattre au petit matin la fatigue d’une nuit d’amour. Elle s'écroulait toujours de sommeil avant qu’une exigence particulière ne fut émise. C'était une technique comme une autre qui lui permettait d'oublier ses tracas journaliers.

Quand Praetorius était un peu trop entreprenant elle déjouait avec un plaisir inavoué sa stratégie amoureuse. Elle glissait dans sa nourriture un peu d'écorce de bourdaine et attendait, dans le silence de la nuit, le bruit des flatuosités qu'il ne tardait pas à émettre en dormant. Il se réveillait en colère, se ruait aux cagouinces, comme il disait, en bredouillant quelque grossièreté malsonnante lorsqu'il heurtait dans le noir l'andouiller accroché au mur. Joaquine savourait en secret le fait qu'il eût succombé au péché de gourmandise. Elle se laissait traiter de sagouine avec un rien de jouissance et une bonne dose d'exultation. Elle étouffait parfois un rire du plat de sa main. De son côté il n'était pas dupe de la manœuvre. Il savait très bien à qui il devait cette mauvaise surprise. En tout cas il la laissait tranquille cette nuit là et, pendant les quelques jours qui suivaient, il restait à la maison sans penser à courir la prétentaine. Elle rejouait au petit jour son rôle de conjointe collaboratrice rurale en faisant mine de ne s'être aperçue de rien. Il ne se douterait jamais de la ruse, du moins en était-elle convaincue. Son affection pour Praetorius s'éboulait régulièrement mais elle savait où était son intérêt et gardait toujours assez de sang froid pour se donner, à ses propres yeux, des attitudes de femme fidèle et attentionnée.

Vint le jour où ils organisèrent une cousinade. Cet événement fut une réussite sur le plan de la participation et de l'animation mais leur couple n'y résista pas. Praetorius était le descendant d'une famille très nombreuse qu'il faisait remonter à son arrière-grand-père Laurentino. C'est lui qui avait construit la maison de ses propres mains. Venu en sabots de Roumanie, il s'était engagé dans la marine comme chaloupier puis avait été douanier du côté de Trinidad-et-Tobago. Il avait gardé de sa jeunesse aventureuse l'envie de repartir un jour mais il n'avait jamais réussi à se décider. C'est peut-être pourquoi ses nombreux enfants avaient essaimé à travers le monde. Bref, pour leur cousinade, Praetorius et Joaquine accueillirent 407 personnes qui avaient entendu parler les unes des autres sans vraiment se connaître. Il en était venu de partout : de Salonique, de Slovaquie, du Mozambique, des Malouines, d'Arabie saoudite, d'Afrique subtropicale, de Mandchourie et même de Ouistreham. Cette fête drolatique et grouillante permit de réunir un avionneur, deux aumôniers, un ancien joueur de saxo à la babouine pendante, le président de la Ligue des contribuables, un chiropracteur pour animaux de compagnie installé rue des Saussaies, un arsouille en rupture de ban, un candidat à la députation qui soutenait la cause des comiques repentis, une journaliste très polie, un professeur de botanique spécialiste des scrofulaires aquicoles, un ancien moutardier de réputation internationale, un manouvrier qui énouait les tissus les plus rebelles avec un air d'artisan satisfait, une douzaine de jeunes auboises qu'on pouvait voir glandouiller au soleil comme si elles attendaient la morsure des ultraviolets, un fouacier aux mensurations impressionnantes, une maquignonne amoureuse de ses chevaux, un marchand de mosaïque, un cambrioleur romantique admirateur de Bakounine, un couple d'anciens poujadistes en patrouille, un fabricant d'embauchoirs et de soliveaux, un compositeur de musique rhapsodique, un étudiant en économie portuaire, un champion de moulinage artistique, un médecin spécialiste de l'uropathie rétrograde et même un tonton iacoute qui avait servi dans le corps consulaire de son pays avant de lancer une affaire de publipostage. Ce petit monde renouait avec le réseau de la mémoire et s'amusait à saucissonner en chœur pour le plaisir d'avoir des nouvelles fraîches de la diaspora familiale.

Des petits groupes se formaient. On sortait les organiseurs pour échanger des adresses. Ceux de Sartrouville fraternisaient avec les cousins de Rambouillet. Une algonquine et une jeune audoise cherchaient à savoir par quel lien introuvable elles appartenaient à cette famille Fenouillard du silo à blé. Un fauconnier grassouillet, originaire de Forcalquier, s'amusait, avec son laguiole au guillochage festonné, à sculpter la maison de Praetorius dans un bouchon de champagne. Il en profita pour annoncer à la cantonade qu’il épousait une gentille fille la semaine suivante et qu'il y aurait une oursinade monstre.

C'est alors que Praetorius, d'après ce qu'il m'a raconté, donna à la fête un tour imprévu. Il avait repéré, dans la foule des invités, une petite cousine assez plaisante quoiqu'un peu trouillarde. Il voulut faire le joli cœur et peut-être plus si les circonstances se montraient favorables mais au moment où il allait lui adresser la parole il glissa lourdement dans la gadouille. Lui qui cherchait des mots grandiloquents, des tournures susceptibles d'impressionner la jeune fille, ne trouva que des expressions argotiques, à la limite du communicable, pour exprimer sa peur et son dépit. Il lâcha, en même temps une éructation, des sonorités habituellement réservées à l'intimité du pantalon, et quelques phrases qu’il serait malséant de cautionner. Pour finir il s'évanouit, et les cousins les plus proches crurent qu'il allait mourir. Mais il en fallait plus pour abattre ce vieux dinosaure à la gouaille bien établie. Quand il ouvrit les yeux, pris d'une loquacité soudaine, il fut encore plus prolixe que d'habitude :
- Nom d'un petit bonhomme à roulettes. Qui est-ce qui a mis de la boue par ici ? Au lieu de me regarder comme des ouarines au fond de la jungle brésilienne, vous feriez mieux de m'aider. Y'aurait pas un parfumeur anosmique pour me tirer de là ? Vous êtes en état d'aboulie, ou quoi ?
L'oncle Jacques, le fabricant de calorifuges, se précipita.
- Non pas toi, t'as trop bu, protesta Praetorius.
Jacques, son frère bien aimé, de quatre ans son cadet, celui à qui il passait tout depuis l’enfance, même les méchancetés les plus abouties, le collectionneur de baïoques, l'éblouissant roi de la farfouille, le pourfendeur de l'obscurantisme des banlieues, le champion de l'ordinateur conceptuel… Si ce frère chéri ne trouvait pas grâce à ses yeux, il y avait du mouron à se faire et pas seulement pour les petits oiseaux.
Praetorius, en état de rubéfaction avancée, s'embouait en proférant des menaces susceptibles de semer la perturbation parmi les invités :
- Vous êtes tous des adeptes de l'attention roupillante, des fanatiques de la pensée coulissante, des empêchés du secours cathodique, des oligarques déjantés, des Jacouille la fripouille du génie familial. Je veux que vous avouiez une chose, bande d'échappés de crématorium, de condamnés à la putréfaction éternelle... Vous êtes venus pour parler des ancêtres prostatiques ou mâchouiller de la charcuterie en attendant mon inhumation ? Au lieu de me regarder tels des gougnafiers aux yeux globulaires, vous feriez mieux de m'aider à sortir de mon jus. Attendez que j'y arrive. Je vous boulerai la cage thoracique et autre cibles émouvantes. J’ai tout ce qu’il faut dans mon cartouchier. Promis, je ne vous louperai pas. Si nécessaire, je vous couperai le panache érectile, je vous foulerai au pied comme des envoyés du diable, je vous écraserai comme des bigorneaux sudoripares et je vous achèverai à l'ébauchoir. Rassurez-vous, votre cérémonie mortuaire vaudra le déplacement. Je ferai de vous des reliques de luxe et je vous rangerai par ordre de taille dans mon ossuaire privé. Je serai votre Raspoutine, celui pour qui les jours raccourcissent plus vite que vos nuits. Vous ne le savez peut-être pas mais c'est chez moi que les rats viennent se fournir en reconstituants humains. L'exhumation sera sanglante. Vous voulez un sous-titrage ou vous me croyez sur parole ? En tout cas partez avant que je ne craque, c'est tout ce que je vous demande...

À chaque invective le silence devenait plus solide. Il ajouta, en proie à une insurmontable colère, avec des efforts improductifs pour se relever et en cherchant du regard les éventuels contradicteurs :

- Vous n'allez pas vous en tirer comme ça. Je vous promets du sport, de la manutention de neveux à coup de pieds bien centrés, des tuméfactions aux endroits les plus délicats. Vous avez les portugaises ensablées, ou quoi ? Dès que je serai debout je jouerai à vous fouailler la bedaine. Je vous dorloterai au gaz carbonique. Je vous saoulerai d'insanités gauloises, je vous bouterai le cervelet hors du crâne et j'y goûterai avec joie, je vous nouerai l'aiguillette, je vous couderai le bec hurleur, je vous coulerai du plomb dans l'outillage parodique.

Tout le monde comprit qu'il avait forcé sur le vin à l'orange, le chardonnay, le bordeaux, le cognac et peut-être même la liqueur de pêche.

Un asticoteur saoudien fit une déclaration tonitruante. Le maître des lieux avait, disait-il, un débit de curé invocateur qui retrouve ses ouailles au beau milieu du purgatoire et les met au défi de réciter des versets coraniques. Il devrait renoncer à enseigner la parousie et la morale absolutive. Praetorius ne pouvait s'empêcher de jurer comme un camionneur pris de somnambulisme sur le pont du Bosphore. Il s'enrouait pour un rien et, à cause de sa voix couinante, ne parvenait plus à dominer la situation. Il secouait ses bras et ses jambes en un effort si désespéré qu'il finit par s'épuiser. Il échouait à reprendre ses esprits et l'attention générale se détournait de lui. Personne ne se dévouait pour l'aider. Il s'ébrouait avec de larges moulinets. Bientôt il s'embrouilla dans ses invectives et décida enfin de réagir.

Quand il put reconquérir la station verticale, c'était trop tard. Les 407 invités de cette partie de campagne atypique étaient en liesse. Une vague de rires contaminait les groupes au fur et à mesure que Praetorius évoluait dans le pré d'un pas très approximatif. Soudain il s'accrocha à un arbousier en insultant les cousins d'Armorique, se mit à bafouiller en traitant d'agnostiques celles et ceux qui se moquaient de lui puis, dans une attitude alourdie par le poids des ans, il fit mine de frotter ses vêtements imprégnés de boue. On aurait dit qu’il écobuait la planète à la recherche de l'engrais magique.

Joaquine contemplait d'un œil éteint la foule de ces inconnus plus ou moins parents entre eux qui riaient en regardant le vieux fou se dandiner avec l'embarras d'un pantin de foire. Il bouelait, comme disait une vaudoise, "... tel un carillonneur catholique avant le jugement dernier", sans avoir l'air de se soucier du qu'en-dira-t-on. La famille faisait maintenant un cercle autour de lui en se rapprochant dangereusement.

Tout rentra dans l'ordre quand un enfant de dix ans prononça cette phrase définitive et, somme toute, pleine de bon sens :
- Arrêtez de vous moquer de lui. C'est un être humain.

L'agitation narquoise s'apaisa avec la disparition du soleil. On commençait à plier bagage, en rentrant la tête dans les épaules. Certains se demandaient ce qu'ils faisaient dans cette Ardèche profonde où l'on pouvait être le témoin oculaire de drames si inattendus qu'un incident banal pouvait se transformer en spectacle réjouissant.

Une petite vieille rabougrie partit en pleurant. Nicolas Boileau, le roi de la magouille, un escroc international dont l'autorité était reconnue dans son domaine de prédilection, le trafic de diamants chromatiques, sonna l'heure de la retraite. Il ne volait jamais les pierres transparentes, dont il trouvait l'éclat un peu trop proche de la perfection. C'était pour lui comme un code d'honneur. Il préférait les diamants bleus, jaunes ou noirs, qu'il écoulait avec délectation auprès d'amateurs peu scrupuleux. Il leur donnait des noms bien à lui : Odalisque du mensonge, Violateur des consciences adoucies, Moineau voltaïque, pour ne citer que les trouvailles les plus imagées. Il ne jurait que par Cézanne, le chantre de la peinture couillarde, dont il s’inspirait pour ses compositions. Il avait été orpailleur dans le Yukon et depuis il œuvrait à sa manière pour l'éducation gemmologique des riches veuves susceptibles de liquider leur douaire à son profit sans devoir recourir à la régulation juratoire. Il rembourrait ses poches avec les dollars qu'elles lui octroyaient moyennant quelques pièces rares de sa collection et un peu de tendresse quand elles insistaient. Il leur parlait sans détour, comme un champion de poulailler qui couverait un gros collier d’ambre. Il avait eu quelque succès, dans l'après-midi, en se ventant de ses exploits et de ses dépenses somptuaires auprès d'une ancienne courtisane née sous les caroubiers de la Grande Canarie. Il dénouait ses chaussures à la poulaine en lui chantant un air de haute-contre. C'est ensemble qu'ils firent leur sortie dans un style ébouriffant, qui mêlait, en un déhanché harmonieux, la danse conjuratrice des indiens séminoles et le prosaïque pas de deux que les clowns empruntent au défilé militaire.

Le célèbre philosophe Prosper Roumanille, l'inoubliable auteur de "Scholastique de la récusation discourante" et de "Exhaustion de l'Ougartien consubstantiel", celui qu'on surnomme "le Nicomaque des temps dogmatiques", tenta en vain d'endiguer le mouvement, en se donnant des airs de rabibocheur en mission. Il hésitait entre le vocabulaire socratique et un saupoudrage quotientant en bonne et due forme. Finalement il se risqua à lâcher une simple copulative :
- En ma qualité de …
Dès les premiers mots quelqu’un le traita de raisonneur et il s’arrêta en pleine spéculation maçonnique, se doutant bien que, s’il insistait, la partie deviendrait injouable.

Le suivant à quitter les lieux fut un homme étrange qui prétendait, à la stupéfaction générale, être né le premier jour de l'humanité et qui pratiquait le principe de précaution en vivant nu. Il s'appelait Ourasie et arborait sur son visage mal rasé un poireau du plus bel effet. En revanche il ne sortait jamais de chez lui sans son formulaire portatif où les impressions harmoniques, supputations alogiques, opérations commutatives et autres citations aporiques se mêlaient aux projets de métempsychose et de chirurgie karmique. Il écrivait sous le boisseau des poèmes étourdissants, sans aucune expurgation, dans lesquels il vantait les mérites de la musique psalmodique. À n'en pas douter il était né dans un pandémonium libéral dont il avait gardé un tatouage en forme de croix ansée sur le bras gauche. Son passe-temps était la photographie au polariseur numérique. Il avait également écrit un très populaire traité sur la dépuration des dartreux et un autre, moins connu, sur l'ourdissage des fauteuils Louis XV et la manière dont il les étoupait. Les rires fusèrent quand il s'enfuit par la coudraie, en volant le fluviographe d'un ingénieur nommé Eupalinos. Celui-ci avait beau hurler à la forfaiture, rien n'y faisait. Comme on avait diagnostiqué chez lui une insuffisance aortique il mourut sur place en criant qu'il n'avait pas payé sa dernière note de gaz.

Cette péripétie fut suivie d'un silence monastique mais le répit ne dura qu'un instant. Bientôt la panique s'empara de ce petit monde outrancier. On vit des dames de bienfaisance s'échapper à la marsouine avec beaucoup d'agilité, des minettes souriantes rajuster leurs oripeaux en sortant de la boulaie, et même un oncle d'Ouzbékistan réclamer un billet de train pour la banquise. Il évoquait, dans l'indifférence générale, le bon vieux temps de la chasse à l’ours.

Praetorius, que tout le monde avait oublié mais qui n'était pas mort pour autant, reprit ses invectives. Il avait tellement bu qu'il se mit à parler comme un professeur d'Université. Il en était, en pleine surexcitation, à prêcher la guerre atomique et à prétendre en être le chef :

- Assujettissons la terre entière. Poursuivons le massacre jusqu'à la rendre azoïque et victorieuse. Le baroquisme ne triomphera pas, malgré son âge canonique. Il ne tutoiera pas les étoiles aux quatre coins du zodiaque avant longtemps. Achevons le brouillage spirituel, l'aquosité de la parole. Répandons sur le désert de la pensée une pluie mouillante et splendide.

L'heure était à la débandade. Chacun partait sans dire au revoir aux autres. Mon ami Praetorius me rejoignit au bar à la nuit tombée. Il me fit l'autopsie de cette journée inattendue en riant et en pleurant à la fois. Il ébouait avec rage l'extrémité ongulaire de ses doigts et je commençai à avoir pitié de lui. Comme je lui demandais des nouvelles de Joaquine il finit par m'avouer en gémissant qu'il avait tout inventé à cause de la patience avec laquelle j'écoutais ses histoires et qu'il était orphelin et célibataire.

Le rire est contagieux mais les pleurs sont insupportables, surtout celles des autres. Je prêtai une oreille distraite aux derniers mots de son histoire en me promettant de ne pas recommencer. Plus jamais je ne mettrais de pilule douteuse dans son pastis. La prochaine fois que je le retrouverai au café de la Barbouille je bourrerai ma pipe en silence et je regarderai la cime du séquoïa géant dans le jardin d'en face en prenant bien garde de ne pas demander des nouvelles de ses 407 cousins.

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lundi 12 mars 2007

Droit des mots

*

Pan-Organisation Internationale de Linguistique
(P.O.I.L.)

DÉCLARATION UNIVERSELLE DU DROIT DES MOTS
adoptée par l'Assemblée générale extraordinaire du 11 mars 2007
résolution 217 A (III)


Préambule


Nous mots et vocables de la langue française, considérant :

Que notre appartenance au capital culturel de l'humanité est un droit imprescriptible,

Que la reconnaissance de cette appartenance est un fait capital pour l'avenir de l'humanité,

Qu'il est essentiel d'encourager la perpétuation des traditions propres à la langue française ainsi que le développement de nouveaux modes d'expression,

Que notre intégrité et nos règles d'utilisation sont inaliénables, même s'il est souhaitable et nécessaire d'admettre leur évolution naturelle sous l'influence de l'usage courant,

Que la méconnaissance et le mépris de nos droits fondamentaux conduisent à des actes de brutalité langagière tels que SMS, impropriétés, solécismes, barbarismes, pataquès, fautes d'orthographe, et mettent en danger la liberté d'expression ainsi que la communication évolutive et responsable,

Que des égards spécifiques doivent nous être accordés, en particulier celui d'être utilisés en fonction des règles de la syntaxe, de l'orthographe et de la grammaire,

Proclamons ce qui suit.

Déclaration

Article premier. Tous les mots naissent libres et égaux en dignité et en valeur. Ils sont dotés de significations et de connotations particulières et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité linguistique.

Article 2. Chaque mot peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans aucune discrimination, notamment d'étymologie, de définition ou de toute autre condition linguistiquement pertinente.

Article 3. Tout mot a droit à l'usage courant, littéraire, artistique et technique de sa signification, et ce sans distinction de contexte. Il ne sera fait aucune discrimination fondée sur le statut lexical, philologique ou sémantique du pays ou du territoire francophone dont un mot est originaire, ou dans lequel il est en usage.

Article 4. Nul n'a le droit de tenir un mot en servitude ou d'en interdire l'emploi, quelle qu'en soit la raison.

Article 5. Aucun mot ne sera soumis à la torture grammaticale, ni à des peines ou traitements cruels ou dégradants d'ordre syntactique, sauf circonstances particulières dûment reconnues par la communauté des écrivains, lecteurs et utilisateurs francophones se réclamant du domaine de la libre création.

Article 6. Chaque mot a droit à la reconnaissance de ses particularités lexicales en tout lieu et sur tout support de communication.

Article 7. Tous les mots de la langue française sont égaux et ont droit sans distinction à une égale protection de la part des utilisateurs, enseignants, auteurs, et de toutes les personnes qui les utilisent dans les conversations courantes. Ils ont droit à une protection égale contre tout acte qui violerait la présente Déclaration et contre toute provocation à un tel acte.

Article 8. Tout mot a droit à un recours effectif devant les instances universitaires et académiques compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par l'usage et les règles.

Article 9. Nul mot ne peut être arbitrairement interdit ou torturé, que ce soit volontairement ou par maladresse.

Article 10. Tout mot a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un jury indépendant et impartial, qui décidera, soit de ses droits et obligations, soit du bien-fondé de toute accusation en matière linguistique dirigée contre lui.

Article 11. Tout mot accusé de desservir la cause de la langue française est présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité ait été établie au cours d'une instruction publique où toutes les garanties nécessaires à sa défense et à son illustration lui auront été assurées.

Article 12. Nul mot ne sera condamné pour des connotations ou dénotations qui, au moment où elles ont été établies, ne constituaient pas un acte délictueux au regard des règles communément admises en matière de langue française.

Article 13. Nul mot ne sera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa définition, sa légitimité, sa classification ou sa vie littéraire, ni d'atteintes à son univers paradigmatique ni à sa réputation. Tout mot a droit à la protection des autorités linguistiques contre de tels agissements.

Article 14. Tout mot a le droit de circuler librement à l'intérieur d'une conversation, d'un discours ou d'un écrit. Tout mot a le droit de quitter l'esprit ou la mémoire d'une personne qui ne serait pas compétente pour l'utiliser ou qui n'en aurait pas l'usage, et d'y revenir quand les circonstances lui sont de nouveau favorables.

Article 15. Tout mot français a le droit de chercher asile en d'autres langues et d'en bénéficier.

Article 16. Tout mot a droit à la liberté d'association. Nul ne peut le contraindre à l'isolement linguistique ou à la réalisation d’une alliance qu’il n'aurait pas désirée.

Article 17. La famille de mots est l'élément naturel et fondamental de la société linguistique. Elle a droit à la protection de tous les utilisateurs.

Article 18. Tout mot a droit à la liberté de changer de paradigme ou de définition ainsi que le droit de résister à un emploi abusif. L'antisémantisme est formellement identifié comme contraire aux lois lexicologiques.

Article 19. Tout mot a droit à la liberté d'expression, ce qui implique le droit de véhiculer des informations, des sonorités et des idées explicites ou potentiellement incluses dans sa définition.

Article 20. Tout mot a le droit d'accéder, dans des conditions d'égalité, aux fonctions signifiantes de la langue française.

Article 21. Tout mot est fondé à obtenir satisfaction sur le plan des droits culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa polysémie.

Article 22. Tout mot a droit à une protection contre les fautes d'orthographe et les impropriétés de langage.

Article 23. Tout mot a le droit de fonder avec d'autres mots des mots valises, calembours, contrepèteries et autres impertinences langagières susceptibles d'enrichir la langue française ou de la mettre en valeur.

Article 24. Tout mot peut être inusité pendant un temps si long qu'on pourrait le considérer comme suranné. Il doit cependant rester à la disposition des utilisateurs potentiels dans tout lexique, garde-mots, glossaire, dictionnaire, encyclopédie, vademecum correspondant à son emploi principal ou annexe.

Article 25. Tout mot a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté francophone, de participer aux progrès linguistiques et aux bienfaits qui en résultent.

Article 26. Tout mot a des devoirs envers l'étymologie de laquelle il procède et qu'il doit servir au mieux des intérêts de ses utilisateurs.

Article 27. Aucune disposition de la présente Déclaration ne peut être interprétée comme impliquant pour un État, un groupement ou un individu un droit quelconque de se livrer à une activité langagière ou d'accomplir un acte de parole visant à la destruction des droits et libertés qui y sont énoncés.

Article 28. L'Assemblée Générale Extraordinaire de la Pan-Organisation internationale de Linguistique (P.O.I.L.) proclame la présente Déclaration Universelle du Droit des Mots comme étant opposable à tous les locuteurs francophones. Elle représente l'idéal commun à atteindre par tous les mots et tous les utilisateurs afin que tous les individus et tous les organes de la société francophone, ayant cette Déclaration constamment à l'esprit, s'efforcent, par l'enseignement et l'éducation, de développer le respect de ces droits et libertés et d'en assurer, par des mesures progressives d'ordre sémantique et philologique, la reconnaissance et l'application universelles et effectives, tant parmi les populations francophones que par ceux qui, venus de paradigmes linguistiques différents, cherchent néanmoins à comprendre leur raison d'être ainsi que les beautés de la langue française.

Article 29. Les mots ont droit à une existence propre, c'est-à-dire indépendante de l'avis de ceux qui les prononcent ou les écrivent. Ils peuvent déposer plainte contre toute phrase dans laquelle la garantie de leurs droits n'est pas assurée.

Article 30. Les mots ont le devoir de ne pas porter atteinte à la dignité de ceux qui les emploient dans leur activité courante, en particulier les êtres humains.

Article 31. Le présent texte a une portée universelle. Il est applicable en tout lieu et en tout temps, sans aucune dispense, même s'il est avéré que celle-ci possède un fondement juridique, économique ou historique. Il devra être affiché dans tous les lieux servant de siège aux organisations internationales, gouvernements, ministères, médias, associations à but non lucratif et sociétés commerciales utilisant la langue française comme moyen d'expression à titre principal ou complémentaire. Il sera appris par cœur par les enfants des écoles et les élus républicains.

[Retrouvez ce billet dans L'Almanach 2009 du Garde-mots]

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