Les 2e et 3e prix gagnent un exemplaire dédicacé de l'Almanach du Garde-mots 2009.

Le 2e prix est attribué à * Vulcania * pour :

* Le fil rouge de l’É-CRI-TURE *

Ma première couleur fut le rouge. Plus exactement, je ne savais pas encore que le rouge est une couleur, mais au creux du noyau le plus inaccessible de mon être, je portais, serré et codifié en moi, le baluchon génétique qui était le mien.

Et c’est ainsi que je reconnus le rouge-sang qui bat : dans la poche chaude de ma mère, l’univers était rouge, et je le reconnus comme tel, rivière de son cœur qui chantait à mes placentas crépusculaires, rouge-chair qui palpite, champ de roses sous mes paupières closes, figue charnue et pourpre du sexe maternel qui m’expulsait hors de son monde pour m’envoyer à mes premiers labours.

J’ai crié pour la première fois et le monde est né à moi et j’ai reconnu le rouge-soleil qui se lève, car je portais cette couleur et cet astre, serrés et codifiés en moi, dans le baluchon génétique qui était le mien.

Dans la nature, ce jour-là, rouges étaient les copeaux de la mer et Rouge était le soleil levant.

Des chevaux caparaçonnésd’écume couraient sur la plage, leurs hennissements accompagnaient les vagissements de l’enfant. Empreintes des sabots, cheminements d’oiseaux, vagues qui ourlent de changeantes arabesques entre sable doré et ocre mouillée, là où les algues jettent l’encre noire de leur partition…

Un amoureux du vent qui vagabondait au fil du hasard et du temps crut avoir la berlue, il déchiffrait sur la plage désertée, comme autant de signes, des bois patinés par la mer, des coquillages, amulette, des plumes de mouettes rieuses, mais ce qu’il découvrit dépassa tout ce qu’il avait imaginé dans son jardin secret. Seul, dans cette grande anse, à l’ombre d’un palmier, au creux d’une profonde calebasse qui semblait déposée là par la mer, un nouveau-né s’éveillait à la vie ; près de lui un escarpin rouge, abandonné sans doute par une naïade fugueuse ou quelque déesse callipyge

Il regarda l’enfant, légère respiration, écouta la mer, sacs et ressacs, profondes aspirations, puis, ramassa une plume d’oiseau et traça sur le sable humide : « la vie est-elle soluble dans la pensée ? »

Et il signa de ses initiales : A.D.N.

Rouge est le soleil levant
comme est rouge la vie et rouge le sang
ainsi pulse le cœur, le long de grandes anses et colore le sable de la chair.
Le rythme du cœur, sac et ressac, est la première écriture de l’univers.


Le 3e prix est attribué à * LM * pour :

* Page d'écriture réfrigérante ... dans un Garde-mots bicentenaire *

Bien installé dans mon fåtölj, un verre de vin en guise d'aperitif, regardant déambuler les passagerare kokett arrivant sur le trottoar d'en face, je me demandais bien quelle pouvait être mon humble contribution au Garde-mots. L'invitation était donc lancée. Il ne me restait que huit jours pour participer au grand concours aux avants-goûts de Nobel litterär. Hors je partais ce jour même en voyage. Diable, pas une minute pour écrire en rim.

Les cours de retorik et de litteratur me paraissaient bien loin. Une nouvelle romantisk me semblait être un exercice bien périlleux. Tandis qu'une musik tintinnabulée et léthargique d'un virtuos au violoncell accompagné se diffusait dans le salong du restaurang, je me replongeais dans mes lectures d´enfance. Ahh, l'äventyr, les récits historisk et episk des Grands Hommes. César, Napoléon ! Je revenais à moi ; diantre, la grammatisk n'était pas mon fort ! Pourtant, j'aimais écrire en plume, en bic, en qwerty ou azerty. Lentement, mon regard s´était porté sur le décor tarabiscoté ; ici, une damejeanne (bonbonne) de terre cuite, là une grande gravyr accrochée au mur . C'était la reproduktion d´un porträtt célèbre de Karl XIV Johan, feu Jean-Baptiste Bernadotte !

Quel destin bien singulier pour ce Béarnais, pensais-je. Maréchal d'Empire, parti de France, il était devenu roi. Trublion de la Révolution, ubuesque ou Marionett des grandes puissances d´Europe ? Vainqueur maintes fois de la koalition, il en était finalement devenu un membre zélé, faisant la guerre à l'Empire.
Bernadotte

Pas anodin pour un soldat voulant devenir roi de France et de Navarre ! C'est cet homme-là, komplex, venu du syd de la France, n´entendant rien au baragouin un tantinet germanique et dont l'alfabet est tortueux, qui avait fondé l'actuelle lignée royale de Suède. Fichtre ! Je pensais : « que le klimat et la nourriture ont dû être rude pour ce roi et sa reine en son budoar souffrant secrètement d'apopathodiaphu- latophobie. Pas de foie gras ni de poule au pot !» Que dire de la kultur et la religion suédoises en ce temps-là. Ne s´était-il pas converti au protestantisme (Stockholm vaut bien une mässa, paraît-il), faisant face non sans courage à son hexakosioihexekontahexaphobie prononcée. Les anekdot komisk voire grottesk sur son compte ne manquaient pas ; par exemple, on racontait que ce roi-là se lavait tout habillé ! La raison était, selon certains, son tatouage cabot et plein d'ironi, datant de son passé un brin révolutionnaire : « Mort aux rois ». Ainsi donc, sa majesté ne manquait pas d'humour même suranné. Ne pipant mots en suédois, tous les textes lui étaient aussi traduits en français. Avait-il été le précurseur du ségolisme-royalisme pour mieux être compris de ses descendants de vikings – à défaut de bayrouisme ? Loin de l'obscurantisme, avait-il fondé malgré lui le suédisme, kusin nordiste du belgicisme ? L'Histoire ne l'atteste. Une chose est sûre, les suédois l'avaient aimé tant il avait su faire preuve de bravitude pour le bonheur de ses gens. D'ailleurs, sa devise à son zenit n'était-elle pas : « L'amour de mon peuple est ma récompense » (Folkets kärlek min belöning)... et non pas, notez bien « Dieu vivant !» comme certains voudraient l'entendre.

Et tandis que mon regard glissait sur des assiettes de fajans fines, sur lesquelles trônait la familj royale de Suède, je venais à penser que je me trouvais au cœur même d'un Garde-mots bien particulier et peut-être oublié, en ce dimanche soir. Guère plus de quatre mille français expatriés vivaient ainsi dans ce Garde-mots réfrigérateur un peu spécial et bientôt bicentenaire ! Étudiaient-ils donc l'étymologie si utile en sué- dois ? Pratiquaient-ils l'isolexisme, les contrepèteries, et autres virelangues suédois au lieu des populaires mots-fléchés – le samedi soir devant la télé ? Rien n'est moins sûr...

Et tandis que le servitör me tendait l'addition salée sur un air de fanfar, je réalisais soudain qu'il était temps de partir. Saisissant promptement mon paraplui, je m´en allais affronter en sicksack la tempête de neige et le froid déjà bien hivernaux de Stockholm, me demandant finalement si Nobel, Celsius ou Ångstrom parlaient, en leur temps, la langue de Molière. Partageaient-ils l'alchimie du verbe de notre si belle langue française ? Clopin-clopant sagement sur la neige et la glace, je réfléchissais tout haut aux mots tirés du français et usités en suédois ; un héritage de bientôt deux siècles. Ne dit-on pas que le froid conserve ?


Alphabet franco-suédois
A,b,c,d,e,f,g,h,i,j,k,l,m,n,o,p,q,r,s,t,u,v,w,x,y,z,å,ä,ö

Prononciation
e ; é
j ; yi
k ; cc, ch
o ; ou
y ; entre i et u
å ; o
ä ; ê
ö ; eu

Lexique franco-suédois
Fåtölj ; fauteuil fajans ; faïence
Vin ; vin familj ; famille
Aperitif ; apéritif servitör ; serveur
Passagerare ; passager fanfar ; fanfare
Kokett ; coquette paraplui ; parapluie
Trottoar ; trottoire sicksack ; zigzag
Litterär ; litteraire
Rime ; rime
Retorik ; rhétorique
Litteratur ; litterature
Romantisk ; romantique
Musik ; musique
Virtuos ; virtuose
Violoncell ; violoncelle
Salong ; salon
Restaurang ; restaurant
Äventyr ; aventure
Historisk ; historique
Episk ; épique
Grammatisk ; grammaire
Damejeanne ; bonbonne
Gravyr ; gravure
Reproduktion ; reproduction
Porträtt ; portrait
Marionett ; marionnette
Koalition ; coalition
Komplex ; complexe
Syd ; sud
Alfabet ; alphabet
Klimat ; climat
Budoar ; boudoir
Kultur ; culture
Religion ; religion
Mässa ; messe
Anekdot ; anecdote
Komisk ; comique
Grotesk ; grotesque
Ironi ; ironie
Kusin ; cousin
Zenit ; zenith


Les autres participants

Pour attribuer ses prix le jury a tenu compte avant tout de l'originalité. Les textes des autres participants sont d'un niveau particulièrement relevé comme on pourra en juger ci-après. Le jury les remercie et leur adresse ses félicitations pour la qualité de leur écriture. On peut même affirmer sans flatterie que tous les candidats auraient mérité de gagner. Leurs textes sont reproduits ci-après dans l'ordre des arrivées.


* Le tri détritus d'écriture *
(Ver00)

Récris-tu l'écriture de ton cri ?

Décrire de la main du manuscrit,
Emportée en partie par l'empathie,
L'abyme de l'esprit vers l'aporie,
Appauvri sans abri de sa phobie.

Ces cris ne se turent qu'une fois écrits.

J'en pâtie, malgré résilience,
Abîmée par peur de l'évidence.
Le jeu thème jaillit atypique,
Imposant sa thèse illogique.

J'écris l'ossature de mes envies.

Véhiculer le vernaculaire,
Articuler l'art spectaculaire.
Trouver dans l'oxymore du texte,
L'égrégore de tous nos complexes.

Ces vies ne se ruent qu'en sens interdit.

Perdre l'anamorphose des proses,
Dans l'amour du voir dérogatoire,
De l'amovible vie des mots roses
Censures d'histoire sans histoire.

Fixes-tu l'amère plume du prix ?

* Amoureux fou de l'écriture *
(Dandylan)

Elle était blanche et j'étais noir. Me voilà la caressant du regard puis de ma plume délicatement acérée, je la frôlais pour y dessiner des arabesques. Un signe. Des lettres. Comment commencer ma déclaration ? Mon amour, chère amie, madame. Comment lui prouver mon désir sans tomber dans l'érotisme acidulé ? Je recherche mes mots, les trace. Oarystis (j'entends "wouaw" comme un orgasme). Racheu- meuneu (qui ne veut rien dire mais a-t-on besoin de dire nos para-dits ?). Mon cœur tintinnabule, la mer est pourtant calme et les déliés sont des vagues qui m'emportent. Soudain le vent, elle s'envole la chipie ! Et tombe sur le recto. Verso callipyge. Fantasme de ses courbes. Langueur immarcescible. Epithalame, et pi t'as l'cul !

Puis soudain, la voici remplie de ma négritude. Elle ne veut plus que j'inscrive le moindre mot doux sur sa blancheur. Des maux durs et des céphalées. Alpha et l'Oméga. Je la déchire. Brouillon de sa tendresse. Nous nous quittons. Pluie de papier.

Inch Allah, tout est écrit. Tout était cri (d'amour). Souvenir d'autographe. Passion pour l'Écriture.

Pierre de Rosette, le graphomane.

* L'avenir de l'écriture *
(Michel)

A force de tirer le fil de l'encre
Pour lever l'ancre,
A force de polir les joyaux du langage,
Camées, émaux,
Coquilles d'ormeaux,
Pour payer au bout du voyage
Le premier, l'impossible mot,
A force de priser
Avec mes confrères,
Géants ou nabots,
Les termes du beau,
Comme un bien vernaculaire,
Je m'époumone et meurs
Mauvais rimeur.

Et de me rendre à la raison :
Quand vient la dernière saison,
Tous écrits sont oiseux.
Deviendrai-je taiseux ?

Or quand j'ai peur
De ma disparition,
Je crois dans l'heur
De nos résurrections :
Sur les concessions du verbe
Nous flotterons, fantômes pâles et superbes…

Ecrire,
Écrire encor ;
Notre mort
Nous inspire.

Naguère si jamais nos plumes plurent,
Je sais que désormais nos plumes pleurent.

* Page d’Écriture *
(Mimi)

Hugo marche à grands pas dans les rues de sa ville. Enfin le guignon l’a quitté, une page de sa vie se tourne. Il serre dans sa poche son dernier achat, un stylo à l’encre bleue objet de tant de rêves. Il caresse l’objet et son esprit décolle. Il se revoit enfant. Le maître d’école avait remarqué son adresse dans les travaux minutieux et l’avait chargé de préparer l’élixir de toutes les ivresses, l’encre violette. Il arrivait tôt à l’école. Prenait un tube d’encre dans le compendium de la classe, faisait glisser délicatement la poudre dans la bouteille culottée par les dépôts anciens et filait la remplir d’eau à la pompe de la cour. Fier de sa mission il s’installait le premier, suivait négligemment la leçon de morale, et s’épanouissait dans la page d’écriture qui était son point fort. Après ses années d’apprentissage vint le moment de répondre à l'appel de l’armée. En train vers une destination lointaine, il acheta un Bic noir pour donner des nouvelles. Son arrivée en pleine montagne le réjouit. Tous ces sapins lui firent regretter son achat. J’aurais dû en prendre aussi un vert. Mais c’était la dèche. Bien installé dès le premier soir il ouvrit son bloc et commençait à peine sa lettre quand le brigadier survint : « Arrête ta page d’écriture, tu es soutien de famille donc tu repars près de chez toi. » Il tenta de s’expliquer. « Mais d’où tu sors mon gars?, je ne comprends rien à ton baragouin. Tu repars illico. » Quel fiasco ! Il avait pris goût à l’aventure et dès son service fini, il partit en compagnonnage. Sur son trajet de retour il avait fait la plus belle rencontre de sa vie, une fille magnifique, un vrai cadeau. Elle avait accepté son invitation. Quand il s’accouda au bar elle vint à lui légère et court vêtue, libre et décontractée. Il n’avait existé que pour cet instant, il en restait médusé. La conver- sation lui apprit son amour des arbres et sa passion particulière pour le ginkgo, le plus ancien de tous mais sa phobie des petites bêtes. Il était sous le charme et eut juste le réflexe avant de descendre d’échanger avec elle adresses et promesses de se revoir. Il était fou de joie et imaginait déjà la proclamation des bans. Sur du papier vert espérance ils s’écrivirent de belles lettres vertes.

Il sourit en marchant vers le bureau de poste et récupère le paquet prévu pour le rendez-vous sur la falaise. Il va enfin écrire en bleu comme les yeux de son ange. Il escalade la colline et ouvre le paquet. Toutes ses lettres sont là avec un adieu terrible et définitif. Ils les lâche dans le vent et comme elles il prend son envol vers la mer.MIMI.


* Écriture et sacrifice *
(Joël)

Croyez-moi, la vie du cryptographe est épuisante, plus dure encore que celle du sémioticien. J’ai encore passé la nuit à essayer de décoder le Voynich, ce manuscrit sans doute apocryphe et probablement basée sur l’uchronie. Vers les cinq heures du matin, j’étais presque certain que je le tenais. Les petites femmes nues en bleu flirtaient avec les voyelles, celles en jaune et rouge pointait lascivement les consonnes… les mille plantes imaginaires se lisaient comme des idéogrammes et les dessins astronomiques ponctuaient le tout. Avec un peu de sérendipité et sans pierre de rosette, j’avais percé tous pièges et autres cryptolemmes du Voynich. Et puis non. Vers les six heures, sous mes yeux ébahis, la jungle a repris le dessus, emplies d’affreux pornithorynques.

Je ne voudrais pas ennuyer le lecteur avec mes problèmes d’insomnie et de petites femmes nues en étalant ici mon acribie. Je voulais simplement vous parler des ennuis d’Aloïs, mon meilleur ami, tabellion minutieux et grand sémioticien. Aloïs, un cryptonyme, prétend, à l’instar du grand Greimas, qu’il est difficile de parler du sens et d'en dire quelque chose de sensé et que, pour le faire convenablement, l'unique moyen serait de construire un langage à base de cryptomnésie et qui ne signifierait rien... Foin des métalepses glissantes, je me suis dit : voilà une bonne question qui pourrait faire l’objet d’une écritude pour le Garde-mots.

Sans contrepèterie, la littérature regorge de gens qui utilisent un langage de peu de sens pour dire des choses insensées. Les sémioticiens se penchent sur la question, Aloïs a décidé d’y consacrer sa vie. Le malheur, c’est que depuis qu’il se pose ce genre de question, non seulement, il ne dort plus mais il est victime d’une panne des sens. Sa femme, la belle Hélène, connue pour sa beauté et l'incandescence de sa libido, en est toute tourneboulée. Que faire ?

J’ai suggéré à Aloïs de s’intéresser aux petites femmes nues du Voynich, mais je ne me fais guère d’illusions, le pouvoir érotique de la cryptographie est bien mince pour un vrai sémioticien. Alors, en attendant qu’il retrouve une partie de ses sens, j’ai décidé de me sacrifier. Je vais abandonner le Voynich et passer toutes mes nuits avec Hélène, en toute indécence. Je ne dormirais peut-être guère plus mais je pense que je décrypterai bien mieux le vrai sens de la vie.

* Les paroles s'envolent, mais les écritures *
(Castafiore)

C'est un fait, le beau stylo à plume m'échoit;
N'aie crainte, il prendra son envol, entre mes doigts.

Alors, reçois toute ma gratitude
Pour tant de sollicitude.
Comment ne pas dire de platitude,
Choisir avec exactitude
Mais promptitude,
Les mots qui calmeront ton inquiétude.
Les idées viennent en multitude,
Mais ce n'est qu'un prélude.
Écrire est une assuétude
Qui me conduit en altitude.
J'atteins la plénitude,
Je m'extrais de ma solitude,
Je me dénude
Même, c'est une certitude.
J'aime cette latitude,
M'affranchir de toute servitude;
Me jouer des mots en toute quiétude
M'amène vers la béatitude.
Si parfois tu me trouves un peu rude,
Ne garde pas d'incertitude,
Fais preuve de mansuétude
Devant mon attitude.
Tu vois, rien je n'élude,
Je m'exprime avec rectitude.
Je dis mon inaptitude
À aimer l'inexactitude.
Sans être prude,
J'avoue que tout ce qui confine à la turpitude
Me plonge dans l'hébétude,
Et mon dégoût atteint l'infinitude.
Comme une cistude
Progressant lentement dans la palude,
J'avance doucement vers la décrépitude.
Le temps est d'une ingratitude !
La vie a ses vicissitudes;
Les jours se suivent dans la dissimilitude.
J'espère que cette foultitude
De mots se terminant en « ude »,
La similitude
Des sons, la forme empreinte de désuétude,
Et l'amplitude
De mon propos, n'auront pas provoqué de lassitude.
Considère cela comme une étude,
Voire comme un interlude.
J'use de mon aptitude
Pour les vers, je rime par habitude.

Et je signe... Castafiore, malgré le tremblement de ma main droite d'une
magnitude incertaine, qui m'empêche de m'attribuer la paternité de mes
écrits.
Il faudrait que j'exsude mon état de négritude littéraire.
Mais puisque diva je suis, je ne peux manquer de terminer par un postlude :

Je m'excuse auprès de « longitude », auquel je n'ai pas trouvé d'emploi.
Afin d'améliorer le degré de complétude de mon texte,
je me vois contraint de lui offrir un strapontin.

* Monologue sur l'écriture *
(Gany)

Un clic, et me voici tout ébaubie ! Les onomatopées fusent dans mon esprit.

Un concours de plumes, à coup de lemmes ! Serais-je assez fine lame pour m'escrimer avec les fleurets du genre ?

Après rumination, investigation, moult apostilles, ma prose se déniaise à en friser l'hypoxie.

Ainsi appris-je - de la glyptographie à l'écriture protosinaïtique, du kanji à l'alphabet anaglyptique - que l'Homme de tout temps chercha à transmettre, conserver, une trace de ses paraboliques apophtegmes. Quoiqu'un peu rebutante, ne sachant ni l'alpha ni l'oméga de l'anthropologie, l'histoire de ces véhicules de transmission m'inspire...

Mais voilà qu'en quelques digressions je me retrouve loin du Big Bang de nos oghams, pour me laisser bercer par la magie des écrits palimpsestes. Alors, tout un Univers élégant (sic), telle une toile synesthésique, se fait jour en mon esprit. Du secret sépia des cursives spéculaires aux cinabres sceaux des Anciens, l'écriture se meut en une allégorie de la condition humaine.

D'abord privilège, ce scolastique savoir se vulgarisa pour la volupté de nos sens. Puis, comme un souffle envoyé des Muses du « Mont Parnasse », de rigides phrases canoniques naîtront le balbutiement de sensuelles métaphores. Dès lors, que d'exaltations ! Que de mélancolies enfin partagées !

Désormais, nos âmes vibrent à l'unisson avec ces romanesques cœurs esseulés ou audacieux aventuriers. Tant de plumes, pour tant d'yeux ou de doigts insatiables ! Tant de bouches, pour toutes ces cochlées à contenter ! Cinquante-trois siècles à contempler, un savoir millénaire loin de s'arrêter !


* Écriture, champ du signe *
(Daniel)

L'écriture tourne à vide au ciel de mes tourments
Comme la roue lancée dans l'espace strident,
Et jette en son eau trouble sa coupable étincelle,
L'oiseau endort sa plainte sous son aile,
L'éclair de ton sourire brûle ma voix,
La brillance à la brume préfère le silence,
Le corps cherche l'ombre de celui qui se penche
Sur l'acide splendeur des éternels dimanches,
Est-on damné ? Le glas a-t-il sonné ?
On portera longtemps le faix des pensées mourantes ?
Faut-il se résigner ?
L'autrefois habité par les fées,
Déjà bruissait d'hier et embrassait demain !

Du bout des mots épars ,
Tout n'était donc pas vain!.
L'éloge du rien, - ce rien quintessencié -
Réveille même d'anciennes priapées !
Comment retrouver dans l'entrelacs des pages
Le nu de ses pensées et ce don du hasard ?

Hanté par un passé qu'essore l'ironie,
Je me blesse au roncier de mémoire,
L'hiatus du houx, la griffe de l'ortie ,
La serre du balbuzard -
Rhétorique de l'absence,
Phrases sans ossature,
Ni munificence,

Dans le sous-bois obscur,
Aux plantes pauciflores,
Le sourcier inventait jadis un trésor !,
Goût âcre du soir au verbe apesanti.
Nuées profondes vaguant sur l'onde de l'oubli,
Est-ce l'avant-sommeil sans la dernière saison ?...

Dans le méandre de ma rêverie,
Tout à coup, la lumière :

L' hyperbole d'amour, le vertige des sons,
Ta prose sans l'enflure, tes mains presque en prière ... ...
Faisaient sous ta plume ondoyer un frisson

Ô ma chère visitée,
L'en-allée de la langue à l'aile déliée!...
De ton furtif passage, la voie s'emplit,
Où je promène mon errance,
Le monde est si petit,
Le calice bu, voici la révérence
De l'officiant des glossaires- autre rosaire-,
L'encens flatte encore les sens,
Mais le sens n'est plus, l'oiseau blessé à terre
Par le gluau captif gratte le sol du style de ses ocelles,
Figure de rhétorique ou triangle isocèle?
Un delta de sang, de liberté volée,
Ou le chemin à suivre dans le sillon creusé?

La couleur de tes mots remontera la source,
Du pur et de l'impur achèvera la course,
Et me reconnaîtra, rayon couché, rayon dormant,
Atomes d'infini, cercles ésotériques de l'autre aurore,
Entre tes mains mouvantes, vivantes,
Caresse au néant, sur son extrême bord... .
Ta voix, sans l'ahan ni le cri,
Mettra l'écrit en écrin,
Face à l'inexorable.


* Écriture *
(am)

Je suis toute ébaubie. Aucune excuse.
20h42 et le concours se termine à minuit.
Et pourtant, je dois participer à ce concours. Oui, pour gagner le premier prix : un stylo plume.

Depuis l’enfance, tous les espaces libres sur un papier, je les emplis par des mots. Avec un stylo plume, dont je fais sécher l’encre en soufflant dessus. Et après ? Je contemple mon écriture.

Pas de texte littéraire, non des mots. L’art littéraire m’est connu car je suis grande lectrice. Mais écrire pour composer un texte : savoir ordonner ses mots, imaginer un ordre cohérent, se mettre en empathie avec le lecteur, que nenni !

J’en reste à la représentation graphique de sons, sans lien entre eux, sauf (peut-être) pour moi. Un exercice qui, sans élixir, réussit à embuer mes yeux : de satisfaction.

Seul, un escogriffe passant par là, pourra constater, que pour corser le concours, j’ai choisi la lettre E, pour le choix des titres des billets.


[Note du gardien : + "mots" qu'am a employé sans savoir qu'il y avait un billet portant ce titre.]